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La directive européenne CSDD renforcera les devoirs des entreprises

L’actualité récente a été dominée par l’adoption, le 14 décembre 2022, de la directive dite « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui s’appliquera progressivement à compter du 1er janvier 2024 et remplacera la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive) qui encadre aujourd’hui les déclarations de performance extra-financière des sociétés européennes. La directive CSRD harmonisera le reporting de durabilité des entreprises ainsi que la disponibilité et la qualité des données ESG publiées.
Cette actualité a mis au second rang la proposition de directive adoptée il y a un peu plus d’un an, le 23 février 2022, par la Commission européenne, la directive dite « CSDD » (Corporate Sustainability Due Diligence), afin de renforcer l’implication des entreprises en matière d’atteintes aux droits humains et à l’environnement afin qu’elles adoptent un comportement durable et responsable tout au long des chaînes de valeur mondiales. Cette proposition de directive vise à faire peser sur les entreprises une obligation d’exercer un devoir de vigilance afin de prévenir, de faire cesser ou d’atténuer les incidences négatives, réelles et potentielles, de leurs activités sur les droits de l’homme (comme le travail des enfants par exemple) et sur l’environnement (pollution, perte de biodiversité, etc.). Les entreprises devront intégrer la durabilité́ dans leurs systèmes de gouvernance et de gestion d’entreprise et élaborer leurs décisions commerciales au regard de leurs incidences sur les droits de l’homme, le climat et l’environnement. Cette proposition de directive s’appliquera aux opérations propres aux entreprises, à leurs filiales et à leurs chaînes de valeur (relations commerciales établies de manière directe et indirecte).
Afin de respecter ce devoir de vigilance, les entreprises devront : l’intégrer dans leurs politiques ; recenser, prévenir ou atténuer les incidences négatives réelles ou potentielles sur les droits de l’homme et l’environnement ; mettre un terme aux incidences réelles ou les réduire au minimum ; établir et maintenir une procédure de réclamation; contrôler l’efficacité de leur politique et des mesures de vigilance et communiquer publiquement sur le devoir de vigilance. Cela devrait se traduire par des conditions de travail plus sûres pour les travailleurs et une diminution des incidences négatives sur l’environnement.
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Autorité de contrôle
Concrètement, les entreprises devront prendre des mesures appropriées en fonction de la gravité et de la probabilité des différentes incidences en fixant des priorités. Elles devront ainsi réaliser les investissements qui s’imposent dans leurs processus de gestion ou de production, demander des assurances contractuelles à leurs partenaires commerciaux directs afin qu’ils garantissent le respect des normes en matière de droits de l’homme, et contrôler ce respect. Dans chaque Etat membre, une autorité sera chargée de contrôler le respect de ces nouvelles règles et d’infliger des amendes en cas d’infraction. Les victimes auront la possibilité d’intenter une action en justice pour les dommages occasionnés qui auraient pu être évités grâce à des mesures de vigilance appropriées.
Afin que le devoir de vigilance fasse partie du fonctionnement global des entreprises, il est nécessaire d’y associer les administrateurs des entreprises. Ainsi, la proposition de directive a introduit l’obligation pour les administrateurs de mettre en place et de superviser la mise en œuvre du devoir de vigilance et de l’intégrer dans la stratégie de l’entreprise. Lorsqu’ils s’acquittent de leur obligation d’agir dans le meilleur intérêt de l’entreprise, les administrateurs doivent tenir compte des conséquences de leurs décisions sur les questions de durabilité, y compris, le cas échéant, sur les droits de l’homme, le changement climatique et l’environnement, à court, moyen et long terme.
La proposition de directive devrait tout d’abord s’appliquer aux entreprises européennes de plus de 1.000 employés et réalisant un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros puis à celles de plus de 500 employés. Les députés européens ont souhaité que ces règles concernent également les petites entreprises. La commission économique a voté en janvier dernier pour inclure les entreprises européennes de plus de 250 employés et réalisant un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros et les entreprises européennes qui opèrent dans des secteurs à haut risque comme l’industrie textile et qui ont plus de 50 employés et réalisant un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros.
Un certain nombre d’Etats membres ont déjà introduit des règles nationales sur le devoir de vigilance et certaines entreprises ont pris des mesures de leur propre initiative. En France, il est admis depuis longtemps qu’une gouvernance durable génère des conséquences positives, non seulement pour la société, mais pour l’ensemble des parties prenantes : les salariés, l’environnement, les économies locales, etc. Ainsi, une loi du 27 mars 2017 a créé un devoir de vigilance pour les sociétés qui emploient 5.000 salariés dans leurs sociétés françaises ou 10.000 salariés dans leurs sociétés françaises et étrangères. Ces dernières doivent établir et mettre en œuvre un plan de vigilance qui a vocation à être élaboré avec les différentes parties prenantes de la société. Il comprend des mesures de vigilance raisonnables afin d’identifier les risques et prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes et l’environnement résultant des activités de la société et de ses filiales, mais également des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels une relation commerciale suivie, stable et habituelle est établie.
C’est donc en se basant sur ce devoir de vigilance que TotalEnergies a été poursuivi en référé par plusieurs ONG afin de stopper des projets en Ouganda et en Tanzanie qui selon eux violaient les droits humains et environnementaux le temps de juger l’affaire sur le fond. Fin février, le juge du référé a indiqué que TotalEnergies avait mis en place un plan de vigilance et a renvoyé les parties sur le fond afin apprécier la conformité et/ou le respect du plan de vigilance. Une autre action judiciaire vient d'être lancée en février contre BNP Paribas par trois ONG pour non-respect de son devoir de vigilance et pour sa responsabilité dans la crise climatique. Il est reproché à la banque de continuer à soutenir financièrement des projets de production de pétrole et de gaz.
En France, le devoir de vigilance n’est donc pas une notion abstraite et théorique mais un véritable engagement que les entreprises doivent respecter, qu’il s’agisse de protection des droits de l’homme ou de l’environnement, pour ne pas voir leur responsabilité engagée.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse