La Concurrence est prête à faire évoluer la notion de marché pertinent

Jusqu’alors, le marché de la publicité télévisuelle était la règle. Sans changement, avec une part de marché de plus de 70%, la fusion TF1-M6 serait vouée à l’échec.
Bruno de Roulhac
Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence : «Nous allons regarder les arguments des entreprises».
Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence : «Nous allons regarder les arguments des entreprises».  -  Sandrine Roudeix

Si la Bourse a chaleureusement salué le projet de rapprochement entre TF1 et M6, l’opération n’est qu’au début d’une longue aventure. Elle devra passer sous les fourches caudines de l’Autorité de la concurrence. Et là débute l’inconnu…

Selon ses lignes directrices de 2020, lors de l’examen au fond d’une opération de concentration, l’Autorité de la concurrence s’appuie sur l’analyse du marché pertinent. Et tout repose sur ce «marché pertinent», dont le gendarme de la concurrence identifie lui-même le périmètre, tout en prenant en compte «les évolutions en cours ou anticipées à un horizon raisonnable».

Plusieurs marchés touchés

Mardi soir sur France Info, Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, a précisé qu’avec cette opération, la plus grande depuis très longtemps dans le secteur audiovisuel, plusieurs marchés seraient touchés. Notamment celui de la publicité sur les chaînes de télévision gratuite, le marché des acquisitions des droits (programmes audiovisuels, films, événements sportifs...), et le marché de la diffusion des chaines de télévision sur des plateformes.

Avec une part de marché de plus de 70% dans la publicité des chaines télévisées gratuites, le rapprochement entre TF1 et M6 apparaît difficile dès le départ. D’autant qu’à ce stade «la délimitation du marché de la publicité télévisée en tant que marché pertinent demeure la constante pour les différentes autorités de la concurrence en Europe», précisait Isabelle de Silva, lors de son audition devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat le 7 avril. «Nous allons regarder les arguments des entreprises qui considèrent qu’il faut changer la définition de marché pour que l’opération soit possible, ajoutait mardi la présidente de l’Autorité sur France Info. Nous allons examiner avec un esprit ouvert et beaucoup de vigilance pour voir si les arguments qui nous sont présentés qui conduisent à dire que la publicité télévisée et la publicité en ligne sont peu ou prou la même chose», sont exacts.

«Nous sommes prêts à regarder»

Avec une position dominante sur le marché de la publicité, cette opération n’est possible «que si nous faisons évoluer notre analyse des marchés, poursuit Isabelle de Silva. Nous sommes prêts à regarder a priori.» Dans le cadre de la définition du marché pertinent, «l’Autorité de la concurrence pourrait se demander si les diffuseurs télévisuels ont pour seule activité la diffusion audiovisuelle, ou s’ils peuvent également attirer de nouvelles formes de publicités, explique Kathie Claret, avocate chez Addleshaw Goddard. La créativité des médias ne pourrait-elle pas aussi constituer un autre type de marché pertinent, afin de concurrencer des plateformes comme Netflix ou Disney ?» Devant les sénateurs, Isabelle de Silva expliquait qu’il «peut y avoir concurrence des plateformes numériques sans que cela affecte la délimitation des marchés».

Lors de la notification auprès de l’Autorité de la concurrence, «TF1 et M6 devront sans doute expliquer en quoi ce rapprochement permettra une amélioration de la compétitivité, y compris internationale, et de la qualité des services, qui pourrait compenser d’éventuelles atteintes à la concurrence, poursuit Kathie Claret. Toutefois, des concessions pourraient être exigées, notamment des limitations du nombre de licences de diffusion de chaînes.»

Au mieux, l’Autorité pourrait rendre une décision fin 2022. 18 mois, c’est déjà «un calendrier tendu, compte tenu de l’ampleur des investigations à mener», conclut Isabelle de Silva.

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