La bonne conscience des rachats d’actions à impact

Une quinzaine d’entreprises européennes ont mis en œuvre ces deux dernières années des programmes dits à impact ESG. Bonne idée ou gadget ?
ODD
Les rachats d'actions à impact ESG constituent encore une contribution bien modeste au soutien de causes  - 

Il est sans doute encore trop tôt pour parler de véritable tendance. Mais ces deux dernières années ont vu fleurir une nouvelle démarche en matière de rachat d’actions avec la multiplication de programme dits «impact ESG». Le principe : tout ou partie d’un programme est réalisé avec des objectifs de responsabilité extra-financière en faveur de la transition énergétique, de la lutte contre la pauvreté ou encore contre le mal-logement.

Faute de décompte précis, la démarche aurait séduit une quinzaine d’entreprises européennes. Parmi elles, plusieurs françaises - comme Bic, le groupe de santé Korian, le promoteur Nexity ou le distributeur spécialisé Maisons du Monde - mais aussi des italiennes, comme l'énergéticien Enel ou Terna. Outre BNP Paribas Exane, à l’initiative des premiers programmes, d’autres banques européennes structurent actuellement leurs propres offres d’accompagnement, ce qui pourrait faciliter l’expansion de ces rachats à impact.

Rachat d’actions à structure optimisée

Mais comment le mécanisme fonctionne-t-il ? La méthode retenue est celle du partage de la performance dans le cadre de programme à structure optimisée. Plusieurs méthodes de rachat peuvent en effet être utilisées pour des «share buybacks». La plus classique est celle dite du «meilleur effort», avec un rachat des titres sur le marché, au fil de l’eau, en respectant toutefois les contraintes réglementaires. Deux autres approches - dites à «structure optimisée» - peuvent également être mises en œuvre. Il s’agit soit de «décote garantie» - qui permet de racheter davantage d’actions - ou de «partage de surperformance». Dans les deux cas, il s’agit de racheter les actions en dessous du cours moyen pondéré sur la période durant laquelle les ordres sont exécutés.

En pourcentage, les gains de la banque qui exécute le programme pour le compte de l’entreprise – en échange d’une mise en œuvre étendue sur davantage de temps qu’un programme classique - restent modestes, de l’ordre de 100 points de base par rapport au cours moyen pondéré.

Mais cette poche de valeur peut toutefois atteindre plusieurs centaines de milliers à plusieurs millions d’euros, en fonction de la taille réelle du programme de rachat d’actions. Elle pourra alors être partagée entre la société qui initie le programme (80 % à 90% du gain) et la banque qui exécute (10% à 20%).

En 2021, 65 % des programmes de rachats d’actions suivaient l’approche classique. Cette part était tombée à 40 % l’an dernier, estime BNP Paribas Exane dans une étude dévoilée en début d’année. Avec une inflexion très nette en faveur des programmes à structure optimisée : 46 % des programmes en 2022 relevaient de discounts garantis (contre 23 % en 2021) et 14 % de partage de surperformance (contre 12%).

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Soutenir des causes ou des fondations

Si la plus forte volatilité des Bourses explique l’attrait de ces méthodes alternatives, l’usage des fruits de cette enveloppe de surperformance diffère.

Certaines des entreprises qui ont pu la capter souhaitent la conserver dans leurs comptes. D’autres la partagent au profit d’autres parties prenantes ou de causes qu’elles souhaitent soutenir. Ainsi, Nexity, désormais présidé par Véronique Bédague, a cherché à orienter cette somme au financement de projets liés à l’insertion sociale. Le groupe immobilier soutient l’Association nationale des compagnons bâtisseurs, qui agit en faveur de l’amélioration de l’habitat et l’inclusion professionnelle des jeunes sans emploi ni formation.

De son côté, Bic, à l’occasion de deux programmes successifs, a affecté les sommes obtenues soit en soutien de sa propre fondation – consacrée à l’éducation -, soit en faveur du «Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab» (J-PAL)». Ce laboratoire de recherche créé en 2003 par Esther Duflo et Abhijit Banerjee, tous deux prix Nobel d’économie, et Sendhil Mullainathan, se consacre à la lutte contre la pauvreté.

La démarche est louable, mais peut être jugée artificielle vu l’objectif poursuivi: une entreprise n’a pas besoin de rachats d’actions à impact pour financer ses actions de mécénat. Ses résultats restent en outre difficiles à mesurer. Bic ne dévoile pas les montants versés. Et le nouveau programme de rachat prévu pour 2023 n’embarque aucun engagement d’impact ESG.

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