Gérard Bekerman : « Aucune cession d’Aviva France ne pourra se faire sans consulter l’Afer »

Gérard Bekerman, président de l’Afer
Sylvie Guyony
Gérard Bekerman, président de l’Afer

Gérard Bekerman, président de l’Afer*, dresse pour L’Agefi Hebdo le portrait-type du repreneur de son assureur historique.

Aviva France mis en vente par sa maison mère : votre association revendique le pouvoir de ses adhérents, mais n’est-elle pas une captive ?

J’ai d’abord un sentiment de satisfaction. L’Afer a été satisfaite de son partenaire. Notre mariage fut fructueux. Nous avons eu 760.000 enfants en moins d’un demi-siècle. Sur une longue période, la qualité du service aux adhérents, les performances et un formidable développement ont été au rendez-vous. Merci Aviva Plc ! Ensuite, nous comprenons qu’Aviva Plc pourrait envisager la vente de certains actifs, dont Aviva France... L’Afer prendrait de son côté ses propres responsabilités. Nous avons rappelé nos droits. Selon une condition contractuelle de nos rapports avec la compagnie, aucune cession d’Aviva France ne pourra se faire sans consultation de l’Afer. Cette condition est destinée à protéger les intérêts des adhérents. L’Afer n’est pas un banal actif cessible, cela doit être clair pour tout le monde. Enfin, un espoir : ces dernières années, notre partenariat avec Aviva France n’a pas toujours été à la hauteur d’un vrai paritarisme. Parfois, au lieu d’un dialogue fécond et équilibré, ce sont deux monologues qui ont coexisté. La recherche de solutions équilibrées entre deux légitimités, celle de la gouvernance d’Aviva France et celle des intérêts des adhérents, a pu en souffrir. Nous sommes convaincus qu’une ère nouvelle nous permettrait d’aller de l’avant, avec un nouveau partenaire, ouvert, intelligent, dynamique et bâtisseur donnant du temps au temps. L’Afer n’est captive que de ses adhérents. Nous n’avons aucun lien de dépendance à l’égard de telle ou telle institution. Nous sommes un client d’Aviva France. Nous sommes une association libre. Notre destin est entre nos mains. Le modèle créé en 1976 est unique. Nos instances de gouvernance sont extraordinairement démocratiques, sans « primaires », sans structures intermédiaires de protection. Ils ont confiance dans le président, ils votent pour. Ils n’ont pas confiance, ils votent contre. Ma mission se limite à faire ce que les adhérents me demandent de faire : défendre le statut juridique, fiscal et social de l’assurance-vie. Sur ce plan, regardez tous les combats que nous avons menés et remportés depuis 15 ans ! Nous avons aussi un autre « mandat » : faire respecter le paritarisme avec les partenaires assureurs.

L’Afer peut-elle être partenaire d’un assureur détenu par des fonds d’investissement ?

Le partenaire idéal, l’Afer l’attendrait à bras ouverts. Qui serait-il ? Je ne le sais. Que serait-il ? Je le sais : ouvert sur l’international, créateur de valeur et de richesse, solide financièrement, un coéquipier pour bâtir dans l’innovation une nouvelle histoire, un extraordinaire projet de développement dans la durée, intégré au tissu industriel d’une France que nous aimons. C’est dans l’écoute que l’on va de l’avant car quand on partage, 1+1=3. L’Afer aborde cette période de transition avec confiance et optimisme. Représentant près de 60 milliards d’euros d’actifs, forte de ses 756.620 adhérents, l’Afer attire. De nombreuses fées se sont penchées sur le berceau. Un dialogue exigeant mais constructif a été noué avec la direction générale d’Aviva Monde. A ce jour, une seule certitude : l’Afer reste ferme sur ses principes et ses valeurs en répondant équitablement aux sollicitations qu’elle peut recevoir. Son seul objectif : la protection des intérêts des adhérents. Vous, journalistes, nous avez souvent désignés comme « arbitre ». C’est beaucoup d’honneur ! Notre position est d’être ni pour l’un, ni pour l’autre, mais auprès des adhérents. Un « arbitre » est toujours triste quand il sort son carton rouge. Et il est heureux quand il ne l’a pas sorti tout au long du match. L’Afer exercera son droit de contrôle avec vigilance, tel un partenaire ouvert au dialogue comme elle a toujours été pour servir au mieux ses adhérents. Tel est l’état d’esprit qui nous anime. Que le meilleur gagne !

Vous avez initié une diversification des produits et fournisseurs. Sur quels critères ?

La diversification est un atout. Un gérant ne peut pas être bon partout. Il faut avoir l’humilité de considérer un concurrent quand il est plus habile ou performant. Ainsi, nous nous sommes ouverts vers des maisons comme BNPP AM, par exemple avec Afer PME, qui a donné ces dernières années de très bonnes performances à nos adhérents ; Rothschild & Co, qui gère Afer Premium (qui vient de gagner 7 % l’année dernière) ; Lyxor pour les trackers ; Ardian pour le private equity, très performant dans la durée. Cette diversification est un début. Les gérants sont sélectionnés sur appels d’offres paritaires avec la compagnie. L’Association a un droit de veto. Des administrateurs avisés et des experts extérieurs à l’Afer définissent une grille de critères traditionnels : la qualité d’exécution, du reporting, la gestion des risques, les équipes de recherche et de gestion, le procès de gestion, les frais de gestion, le track record, la gestion de la liquidité.

Vous avez décidé d’une mise en réserve en 2014. Comment gérez-vous cette provision pour participations aux bénéfices (PPB) ?

Cette décision, adoptée en assemblée générale, était difficile parce que notre pyramide des âges est spécifique : nous avons 447 centenaires à l’Afer. On ne peut pas dire à ces adhérents : revenez dans six ans, vous percevrez la PPB. Vous voyez, pour vivre vieux, il faut vivre à l’Afer. Nous avons aussi 90.000 adhérents qui ont plus de 80 ans. La philosophie Afer a toujours été de redistribuer 100 % de la PPB. Néanmoins, les nouveaux adhérents sont en moyenne plus jeunes. Tous comprennent que le Fonds général est un fonds de sécurité. Mettre en réserve va dans ce sens. D’autant qu’à l’Afer, la reprise a lieu après six ans au lieu de huit. La PPB était de 350 millions. Nous la libérons lorsque le taux naturel baisse, ou lorsque nous pouvons la reconstituer en réalisant des plus-values, ou lorsque six ans ont passé, comme en 2021 pour la première fois.

Le Covid-19 a-t-il eu un impact sur l’Afer ?

A l’Afer, l’impact du Covid est négligeable. Nous accentuons la tendance nationale (une décollecte nette estimée à 7 milliards d’euros, NDLR) essentiellement en raison de quelques soucis liés à la migration informatique menée par Aviva France. Pourtant l’Afer a accueilli en 2020 quelque 13.500 nouveaux adhérents dont l’âge moyen est de 41 ans et dont 35% ont moins de 30 ans. La famille Afer rajeunit. L’âge moyen a même passé à 58 ans au lieu de 61 ans. Le flux de jeunes compense plus que le stock des 756.620 adhérents.

Quel est l’avenir de l’assurance-vie en euros ?

Les fonds en euros ont un bel avenir. Ils sont une chance pour la France. Avec 1.400 milliards d’euros, ils sont un trésor public. C’est par la confiance et non pas par la contrainte que nous les ferons évoluer. L’épargne est un réflexe existentiel dans un monde troublé et incertain. Il est indécent de condamner les fonds en euros alors qu’ils ont donné satisfaction en enrichissant assureurs et assurés pendant un demi-siècle. Si les assureurs ne veulent plus assurer, les épargnants, eux, veulent être assurés. L’assurance-vie doit attirer :18 millions de Français appellent à un modèle révolutionnaire d’assurance-vie, qui ne sera pas imposé mais voulu par eux, dans la diversification des supports, l’engagement actif des gérants qui ne se reposeront plus avec des obligations souveraines mais œuvreront pour la performance, le capital qui respire, la création de valeur. L’Afer est attachée à la transparence, la pédagogie, l’information.

La menace d’annulation des dettes est-elle crédible ?

Dans l’histoire financière de la France je ne connais qu’un ministre qui ait eu la volonté d’annuler notre dette, sous le Second Empire, Achille Fould. Il n’y est pas parvenu. Mon analyse est que le problème ne se pose pas aujourd’hui. On a tort de penser la dette sous l’angle quantitatif. Tout dépend de sa structure qualitative. Qu’elle soit très forte, personne ne l’ignore. Le fait est qu’elle est bien gérée, mobilisable, avec un service moins coûteux grâce à la baisse des taux longs. Nous sommes altruistes. Laissons aux investisseurs étrangers le privilège de souscrire à notre dette. Elle est de belle signature et préserve le capital. Quant à nous, qui représentons un peu moins du tiers de la dette, privilégions le sens donné à l’épargne, sa finalité.

Précisément, alors, comment mieux flécher les fonds de l’assurance-vie vers la relance, le financement en fonds propres, le « private equity » ?

Vous venez de le dire. L’Etat est déjà lourdement endetté et les fonds généraux sont trop souvent gérés avec une vision statique et dépassée. Ils ne saisissent pas l’avenir. Ils en ont peur. Ils sont circonscrits dans un univers qui appartient déjà à l’histoire. Ils se nourrissent d’OAT dont la rémunération appauvrit les épargnants tout simplement pour des motifs de solvabilité. Quand on a peur pour soi, comment voulez-vous inspirer confiance à autrui ? Au lieu de s’assurer, ils seraient bien inspirés d’assurer et de revenir à leur vocation première. Il est temps de révolutionner la gestion des fonds en euros. Oui, vers les PME, les ETI, la transition écologique, la French Tech, le private equity. Le salut de l’assurance-vie ne se fera qu’avec des acteurs qui partageront cette vision.

Faut-il encore assouplir les règles Solvabilité 2 ?

Grâce au superviseur, l’ACPR, aucune compagnie d’assurances n’a fait faillite en France. Je me demande si, sur un sujet devenu si sensible, notre superviseur ne devait pas être « épaulé » par la loi, renforcé par une consistance législative. Le contrôle des règles, c’est bien. Leur définition législative, c’est mieux. Pourquoi ? Parce qu’une boussole ne suffit pas quand on ne sait pas où naviguer. L’aventure de l’assurance-vie doit avoir une direction, un but. Au-delà de la nécessaire solvabilité, c’est tout l’enjeu de la mission de l’assurance-vie qui est en question, peut-être en cause. Et cette mission, elle doit être dictée par une stratégie qui va bien au-delà du contrôle et de la surveillance. Le contrôle, c’est le tuteur. La vision, c’est le rosier qui doit fleurir pour une France qui entend faire revivre ses entreprises.

Propos recueillis par Sylvie Guyony

*Association française d’épargne et de retraite.

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