
Des investisseurs mettent Total face à ses engagements pour le climat

Total ne peut plus échapper aux résolutions climatiques. Un groupement de 11 investisseurs français et européens (Actiam, Candriam, Crédit Mutuel AM et les Assurances du Crédit Mutuel, Ecofi Investissements, Friends Provident Foundation, Federal Finance Gestion, La Banque Postale AM, Meeschaert AM, et Sycomore AM), coordonné par Meeschaert AM et pesant 1,35% du capital de Total, vient de déposer un projet de résolution auprès du groupe pétrolier. Celle-ci vise à modifier les statuts de la major «afin de renforcer la contribution de son modèle économique à l’atteinte de l’Accord de Paris sur le climat».
Un tel mouvement marque le réveil des actionnaires institutionnels. Si Phitrust est actif depuis longtemps, notamment sur le dossier Total, et a encore récemment encouragé les investisseurs à fédérer leur engagement actionnarial, la tendance a émergé l’an dernier avec les résolutions déposées à l’assemblée d’EssilorLuxottica par un groupe d’actionnaires mené par Comgest. Parallèlement, les résolutions climatiques se multiplient dans le monde.
Le 16 mars, veille du confinement, «nous avons rencontré Total pour lui présenter la philosophie de notre démarche, explique Aurélie Baudhuin, directeur de la recherche ISR chez Meeschaert AM. Nous voulons que Total précise son plan d’actions, avec les étapes intermédiaires, pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En particulier sur le Scope 3 concernant les émissions indirectes, représentant 80% à 90% des émissions et pour lesquelles le groupe estime qu’elles relèvent des autorités réglementaires et des consommateurs».
Agir sur le Scope 3
Le Scope 3 est encore peu appréhendé par le secteur au regard de ses impacts potentiels sur le modèle économique. Pour l’heure, Total a pour ambition de réduire l’intensité carbone du mix énergétique que le groupe propose à ses clients (-15% à horizon 2030 et -40% à horizon 2040).
La résolution déposée vise à modifier les statuts de la société afin que le rapport de gestion contienne un plan détaillé de la mise en œuvre de la stratégie avec les objectifs de l’Accord de Paris. «Bien qu’une telle résolution nécessite la majorité des deux tiers, la modification des statuts fait partie des prérogatives de l’assemblée générale, poursuit Aurélie Baudhuin. Notre objectif n’est pas de nous ingérer dans la gestion de la société.»
En 2011, Phitrust avait tenté, sans succès après la marche arrière de certains investisseurs, de déposer une résolution chez Total afin d’inclure dans les statuts une information sur les risques liés aux projets de sables bitumineux au Canada. «Depuis 2011, nous dialoguons régulièrement avec Total, confie Denis Branche, directeur général délégué de Phitrust. Plutôt que participer au dépôt d’une résolution, nous avons proposé à Total de modifier ses statuts pour inscrire dans les missions du conseil (Art. 14) les enjeux environnementaux et sociaux, ce que le conseil d’administration de Total a validé en le proposant à l’AG 2020. Il nous semblait essentiel que les statuts mentionnent expressément cette mission du conseil car elle engage tous les administrateurs en la matière.»
Si les investisseurs viennent de franchir la première étape, Total doit maintenant agréer cette demande de résolution et l’inscrire – ou non – à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 29 mai prochain. Contacté par L’Agefi, Total n'était pas en mesure de préciser quand le conseil se prononcerait sur cette résolution. «Face aux engagements plus ambitieux présentés par ses pairs, nous sommes convaincus que Total répondra positivement à l’ensemble des mesures proposées dans notre résolution qui se veut constructive, et dont la finalité est de permettre à l’entreprise de retrouver la place de leader qu’elle revendique dans le secteur, en termes de lutte contre le changement climatique», note le groupement.
Le FIR milite pour faciliter le dépôt des résolutions
Alors que la difficulté à déposer une résolution est régulièrement évoquée, le Forum pour l’investissement responsable (FIR) a profité de cette occasion pour demander un assouplissement pour le dépôt de résolutions sur les questions environnementales et sociales. Il propose de permettre à une coalition de 100 actionnaires de proposer collectivement des projets de résolutions, et de laisser au régulateur le soin d’arbitrer la recevabilité des résolutions proposées si l’entreprise s’oppose à leur inscription à l’ordre du jour, à l’instar de ce qui se pratique aux États-Unis. Le FIR demande aussi une simplification générale des procédures de dépôt de résolutions.
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Londres - L’ambassadeur britannique aux Etats-Unis, Peter Mandelson, a été limogé jeudi en raison de ses liens avec le délinquant sexuel américain Jeffrey Epstein, un revers de plus pour le Premier ministre Keir Starmer avant la visite d’Etat de Donald Trump au Royaume-Uni. La pression montait depuis plusieurs jours sur Keir Starmer, qui avait nommé il y a moins d’un an cet architecte du «New Labour» de Tony Blair, pour tenter de consolider les liens entre son gouvernement et la nouvelle administration Trump. Des mails entre le vétéran du parti travailliste de 71 ans et le financier américain, mort en prison en 2019, révélés cette semaine, «montrent que la profondeur et l'étendue des relations de Peter Mandelson avec Jeffrey Epstein sont sensiblement différentes de celles connues au moment de sa nomination», a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. «Compte tenu de cela, et par égard pour les victimes des crimes d’Epstein, il a été révoqué comme ambassadeur avec effet immédiat», a ajouté le Foreign Office. Dans une lettre écrite par Peter Mandelson pour les 50 ans de Jeffrey Epstein en 2003, et publiée en début de semaine par des parlementaires à Washington, le Britannique affirme que le financier américain est son «meilleur ami». Interrogé mercredi après la publication de cette lettre, le Premier ministre Keir Starmer lui avait apporté son soutien, assurant que Peter Mandelson avait «exprimé à plusieurs reprises son profond regret d’avoir été associé» à Jeffrey Epstein. Mais cette position est rapidement devenue intenable. En fin de journée mercredi, des médias britanniques, dont le tabloïd The Sun, ont rapporté que M. Mandelson avait envoyé des mails de soutien à Jeffrey Epstein alors que ce dernier était poursuivi en Floride pour trafic de mineures. Juste avant que M. Epstein ne plaide coupable pour conclure un arrangement dans cette affaire en 2008, Peter Mandelson lui aurait écrit: «Je pense énormément à toi et je me sens impuissant et furieux à propos de ce qui est arrivé», l’incitant à "(se) battre pour une libération anticipée». «Je regrette vraiment très profondément d’avoir entretenu cette relation avec lui bien plus longtemps que je n’aurais dû», avait tenté de se défendre l’ambassadeur dans un entretien diffusé mercredi sur la chaîne YouTube du Sun. Il y a affirmé n’avoir «jamais été témoin d’actes répréhensibles» ou «de preuves d’activités criminelles». «Sérieuses questions» «L’affirmation de Peter Mandelson selon laquelle la première condamnation de Jeffrey Epstein était injustifiée et devait être contestée constitue une nouvelle information», a fait valoir le Foreign Office pour expliquer la décision de le limoger. Dans une lettre au personnel de l’ambassade, citée jeudi soir par la BBC, Peter Mandelson affirme que ce poste a été le «privilège» de sa vie. «Je regrette profondément les circonstances qui entourent l’annonce faite aujourd’hui», ajoute-t-il. Les relations entre Londres et Washington sont «en très bonne posture», se félicite l’ex-ambassadeur, disant en tirer une «fierté personnelle» Pour Keir Starmer, ce départ, à une semaine de la visite d’Etat du président Donald Trump au Royaume-Uni les 17 et 18 septembre, est un nouveau coup dur. Le dirigeant travailliste, au plus bas dans les sondages, a déjà dû se séparer il y a quelques jours de sa vice-Première ministre, Angela Rayner, emportée par une affaire fiscale, ce qui a déclenché un remaniement de taille du gouvernement. Trois fois ministre et commissaire européen, Peter Mandelson était le premier responsable politique nommé ambassadeur à Washington, un poste traditionnellement réservé à des diplomates chevronnés. Cet homme de réseaux et d’influence, surnommé le «Prince des ténèbres», était déjà tombé à deux reprises par le passé en raison d’accusations de comportements répréhensibles ou compromettants. La cheffe de l’opposition conservatrice Kemi Badenoch a fustigé le «manque de courage» de Keir Starmer, qui «a encore échoué à un test de son leadership». Marie HEUCLIN © Agence France-Presse -
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