
Danone sème le trouble en modifiant sa gouvernance

Danone ne peut se passer de CécileCabanis. Alors que la directrice financière de Danone a annoncé le 19 octobre qu’elle quittera le groupe le 19 février 2021 afin d’«ouvrir un nouveau chapitre de sa vie professionnelle», elle vient d’être nommée vice-présidente du groupe agroalimentaire. Elle siégeait déjà comme administratrice depuis 2018. «Je suis particulièrement heureux que Cécile Cabanis ait accepté ma proposition de prendre une position renforcée dans le conseil, en tant que vice-présidente, a déclaré Emmanuel Faber, PDG de Danone. Sa connaissance intime de l’entreprise depuis 16 ans et son expérience au sein du Conseil seront de précieux atouts dans cette phase de transformation».
Cette nomination, ainsi que celle de trois nouveaux administrateurs indépendants, s’inscrit dans le cadre du renforcement de la gouvernance de Danone pour accompagner son plan d’adaptation «Local First», annoncé le 23 novembre dernier. Programme qui doit permettre au groupe d’afficher une marge opérationnelle de plus de 15% dès 2022, et de dégager 1 milliard d’euros d’économies en 2023. Pour accompagner la mise en œuvre de ce plan, le groupe crée un quatrième comité, Stratégie & Transformation, au sein de son conseil d’administration. Il sera présidé par Benoît Potier. Une «mesure positive», note Jefferies, soulignant que Benoît Potier «semble être une voix forte au sein du conseil d’administration». Ce dernier quittera toutefois le conseil lors de la prochaine assemblée générale, tout comme Virginia Stallings, qui a atteint la limite d’âge statutaire de 70 ans.
Le rôle de Cécile Cabanis interroge
«Danone doit faire face à une crise majeure, dont la gouvernance n’en est que l’expression, explique OFG Recherche. La démission de Cécile Cabanis, numéro 2 du groupe, et de Francisco Camacho, numéro 3, constitue l’événement le plus marquant, devant le plan d’ajustement de novembre dernier, et la revue stratégique du portefeuille».
En attendant, «ces annonces dont celle concernant Cécile Cabanis, posent autant de questions en matière de gouvernance chez Danone que de réponses», confie Jean-Philippe Desmartin, directeur de l’investissement responsable chez Edmond de Rothschild Asset Management. «Nous avons du mal à imaginer une démarche moins favorable à la gouvernance d’entreprise que celle-ci et nous pensons qu’elle envoie le message que la représentation impartiale des actionnaires est loin dans la liste des priorités de Danone», note RBC.
En particulier le rôle de Cécile Cabanis interroge. «C’est surprenant. Le poste de vice-président avec un administrateur référent présente-t-il plus de pouvoir que celui d’administrateur-directeur financier qui était le sien précédemment ? s’interroge un analyste. Ce n’est pas certain». D’autant que Cécile Cabanis ne devra pas interférer sur les décisions de son successeur à la direction financière, Juergen Esser. Surtout le règlement intérieur du conseil stipule que la qualité de vice-président «ne comporte aucune attribution particulière en dehors de la présidence» des assemblées et des séances du conseil. Les vrais pouvoirs sont réservés à l’administrateur référent.
Pas de dissociation des fonctions
Danone annonce également l’arrivée immédiate de Gilles Schnepp, ancien PDG de Legrand, au conseil, en remplacement de Gregg Engles, «qui a décidé de démissionner conformément à la politique du conseil en matière de gestion des situations présentant de potentiels conflits d’intérêts», précise Danone. Gilles Schnepp sera nommé administrateur référent après l’AG du 29 avril 2021, poste occupé actuellement par Michel Landel. «La personnalité plus musclée de Gilles Schnepp pourrait permettra de mieux piloter le PDG, précise un expert. Quant à Gregg Engles, il ne pouvait rester en place au conseil au regard des contre-performances de WhiteWave», la société américaine achetée en 2017.
Le conseil d’administration «a laissé trop de liberté à Emmanuel Faber pour s’exprimer publiquement sur des sujets autres que Danone, estime-on chez OFG. Le PDG a sans doute porté trop loin l’image de Danone, en en faisant une société à mission. En outre la réorganisation du groupe par zone géographiques et non par métiers, va mécaniquement concentrer le pouvoir du PDG. Or, le conseil doit être en position de mieux contrôler le comité exécutif. Il n’est pas certain que ce schéma choisi l’autorise». D’ailleurs, Danone n’est pas allé jusqu’à dissocier les fonctions de président et de directeur général. «Cette dissociation aurait pu être une bonne idée», confie un analyste. Mais Emmanuel Faber ne semble pas prêt à lâcher une once de pouvoir.
Lors de l’assemblée générale du 29 avril 2021, la nomination d’Ariane Gorin, présidente d’Expedia Business Services, et de Susan Roberts, professeure en Nutrition à l’université de Tufts (Etats-Unis), sera proposée au vote. Les actionnaires de Danone seront aussi appelés à renouveler les mandats de Guido Barilla, Cécile Cabanis, Michel Landel et Serpil Timuray.
A l’issue de ces modifications, le conseil d’administration de Danone en 2021 comptera toujours 16 membres, dont 71% d’administrateurs indépendants (contre 57% aujourd’hui), et 50% de femmes (contre 43% aujourd’hui).
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