
Crise énergétique européenne, la situation va empirer avant de s’améliorer

Christopher Dembik, directeur de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank
L’histoire ne se répète pas mais elle bégaie souvent. La situation économique actuelle ressemble à celle du milieu du XIXe siècle, à deux grandes différences près : le capital est abondant et le travail se fait rare. Les facteurs exogènes impossibles à prédire et à éviter font une troisième différence.
La crise inflationniste que traverse l’Europe est la résultante d’une politique énergétique caractérisée par une dépendance de longue date aux énergies fossiles russes bon marché et par une sortie du nucléaire au profit des énergies solaire et éolienne, pourtant incapables d’assurer un approvisionnement constant en énergie à ce stade. Or si l’Europe avait adopté une approche pragmatique plutôt qu’idéologique en matière d’énergie, nous aurions certainement évité la flambée record des prix de l’énergie. En France, le coût des contrats à terme sur l’électricité à un an a augmenté de 1.000 % par rapport au coût moyen observé sur la période 2010-2019.
La crise énergétique européenne est partie pour durer. Trois solutions sont toutefois susceptibles d’atténuer son impact et l’une d’elles permettrait d’y parvenir presque immédiatement :
- L’efficacité énergétique, grande oubliée de la politique énergétique européenne. La crise énergétique
ne se réglera pas avec de petits gestes écoresponsables mais avec des investissements dans les innovations technologiques, notamment l’intelligence artificielle (IA). Cela pourrait apporter des avantages concrets aux utilisateurs et permettre de réduire la consommation énergétique lors des prochains hivers. L’entreprise qui exploite le métro de Barcelone a installé un système d’air conditionné contrôlé par IA dans ses 128 stations, qui a permis de réduire la consommation énergétique de 25 % et d’augmenter le taux de satisfaction des usagers de 10 %. Des systèmes similaires permettraient de réduire considérablement la consommation énergétique, quelques semaines après leur déploiement.
- Priorité au nucléaire. Qu’on l’aime ou non, l’énergie nucléaire fait partie intégrante de la solution. Alors que la plupart des pays européens rechignent à l’adopter, l’Asie ne se fait pas prier. En Europe, seuls la France et le Royaume-Uni construisent d’importants sites de production d’énergie nucléaire. Son emploi n’est pas sans risques mais contrairement à la plupart des déchets industriels, la radioactivité d’une barre de contrôle nucléaire diminue avec le temps. Le nucléaire garantit une indépendance énergétique et un coût abordable sur le long terme. Cette solution devrait occuper une place importante dans la transition énergétique si nous voulons l’avènement d’une économie bas carbone.
- Construire des infrastructures industrielles pour accélérer la transition verte. Cela fait quelques années que l’Europe investit massivement dans la transition énergétique mais il manque des infrastructures industrielles avec une capacité de contrôle de la chaîne logistique. La loi signant la fin des véhicules thermiques à partir de 2035 aurait dû en théorie stimuler l’adoption des véhicules électriques. Mais l’extraction et le traitement des minéraux essentiels nécessaires aux batteries électriques sont gérés et contrôlés par la Chine, deuxième puissance économique mondiale. La majorité des matières premières rares y sont extraites ou traitées (59 % et 88 % respectivement). Cette part est presque aussi importante pour les autres minéraux, comme le lithium et le cobalt (voir le graphique). Or il existe d’autres pays auprès desquels nous approvisionner en partie : le Chili pour le lithium, l’Afrique du Sud pour le platine et le Congo pour le cobalt.
L’hiver sera rude, aucun doute. Mais l’Europe n’est pas condamnée à revivre une crise en 2023. Il est possible de créer un cadre solide pour la transition énergétique européenne, à condition d’oublier l’idéologie et de se concentrer sur les solutions ayant fait leurs preuves pour diversifier le mix énergétique. Il incombe désormais aux dirigeants politiques de faire le bon choix.

Plus d'articles Energie
-
Le fonds norvégien et Allianz s’engagent dans l’éolien en mer du Nord
Le consortium formé par les investisseurs institutionnels et des gérants détient 49,9% du projet. -
Voltalia subit une lourde sanction boursière après ses pertes 2022
Le producteur d'énergies renouvelables a creusé ses pertes l’an dernier mais maintient son cap pour 2023. Le titre plonge. -
Akuo Energy prépare sa vente à des fonds d'infrastructures
Exclusif - Le processus de cession des parts des deux fondateurs au capital du producteur d'énergies renouvelables doit être lancé la semaine prochaine. Une transaction majeure en vue sur le marché français.
Contenu de nos partenaires
- La Société Générale présente sa nouvelle direction autour de Slawomir Krupa
- Credit Suisse entraîne le secteur bancaire européen dans sa chute
- Les actions chutent avec les banques américaines
- L’électrochoc SVB met la finance sous tension
- Credit Suisse, trois ans de descente aux enfers
- Les gérants prennent la mesure de la persistance de l’inflation
- Silicon Valley Bank : la chute éclair de la banque des start-up
- Slawomir Krupa sort la Société Générale du brouillard
- Chute de SVB : les Etats-Unis garantissent les dépôts et HSBC rachète les actifs anglais
-
Faire durer le plaisir
Motion de censure: le supplice chinois de la macronie
Après la journée chaotique de jeudi, Elisabeth Borne devra remonter à la tribune de l'Assemblée lundi, pour l'examen d'une motion de censure transpartisane visant à faire tomber son gouvernement. Les macronistes, trompés par LR, ont dû reprendre leurs esprits et leur calculatrice -
Empêchement
Macron, comment gouverner après le 49.3?
En attendant le rejet probable des motions de censure lundi, exécutif et majorité s'interrogent sur la suite du quinquennat. Comment continuer à gouverner après la démonstration éclatante de l'absence de majorité à l'Assemblée nationale? -
Diplomatie
Déportation d'enfants: Emmanuel Macron peut-il encore parler à Vladimir Poutine?
Le mandat d'arrêt émis vendredi par la Cour pénale internationale contre le président russe pour « déportation d'enfants » compliquera la reprise d'un éventuel dialogue avec Moscou