
Casino rebat les cartes en testant de nouveaux scénarios de consolidation

Casino lance l’opération sauvetage. Dans deux communiqués distincts mais parfaitement coordonnés, les distributeurs Casino et Teract ont indiqué mercredi soir avoir engagé des discussions exploratoiresqui pourraient mener au rapprochement de leurs activités françaises au sein d’une même entité. Cette dernière serait contrôlée par Casino, tandis qu’une autre structure à créer, qui aurait la charge de l’approvisionnement en produits agricoles et locaux, reviendrait aux actionnaires de Teract.
Selon des sources proches du dossier, « les discussions sont à un stade très peu avancé, les deux parties cherchant pour le moment à identifier de potentielles synergies entre les actifs ». La proximité des hommes à la tête de Casino et de Teract pourrait toutefois faciliter la conclusion d’un accord. Jean-Charles Naouri, le PDG de Casino, et Moez-Alexandre Zouari, le directeur général de Teract, se connaissent depuis plus de deux décennies et s’apprécient, de l’avis d’une majorité d’observateurs. Moez-Alexandre Zouari est, en effet, un familier du groupe Casino dont il est l’un des plus puissants franchisés.
Il est également à l’origine de la création de Teract, en compagnie de Matthieu Pigasse et de Xavier Niel. Les trois investisseurs ont rapproché en 2022 leur véhicule d’investissement coté 2MX Organic de la branche distribution du groupe InVivo, créant ainsi un nouvel acteur de la distribution en France.
Risque d’opacité accrue
Si les investisseurs semblent apprécier l’idée d’un mariage avec le groupe de Jean-Charles Naouri - le titre Teract a gagné 6,3%, à 6,87 euros –, le marché mesure encore son soutien sur Casino tant les incertitudes sur l’architecture générale de l’opération dominent. Au bout du compte, Casino s’est contenté d’engranger 1,1% à 11,62 euros. « Ce rapprochement pourrait faire sens », commente Christine Kam, analyste chez Octo Finances, qui souligne que Casino et sa maison mère Rallye « ont besoin d’une solution à court terme pour rembourser ou refinancer leurs dettes ». Sans masquer quelques doutes : « la monétisation des activités en France via un rapprochement avec Teract permettrait à Casino de faire face à ses échéances 2024 mais elle complexifie l’organisation du groupe, avec un risque de perte de lisibilité sur l’Ebitda et les ‘free cash flows’ du périmètre France ».
Casino a bouclé en janvier une réorganisation de ses activités en France, propice aux manœuvres capitalistiques, en rassemblant l’ensemble de ses filiales de distribution locales (Franprix, Monoprix, Distribution Casino France, Easydis et AMC) au sein d’une nouvelle société holding, CGP Distribution France. Selon Casino, cette opération a pour but de « simplifier » et d’« accroître la lisibilité de son organisation juridique », mais plusieurs analystes ont évoqué la volonté du groupe de faciliter l’entrée de nouveaux investisseurs afin d’alléger les craintes sur son endettement colossal. La dette nette de CGP Distribution France est estimée à près de 4 milliards d’euros au 31 décembre 2022...
Profils complémentaires
La structure de la transaction qui pourrait intervenir entre Casino est Teract est peu claire à ce stade, laissant le marché à ses propres fantasmes. Le rapprochement en vue entre CGP Distribution France et Teract, suivi d’une introduction en Bourse du nouvel ensemble, pourrait être une solution pour monétiser les activités tricolores de Casino et faire entrer des liquidités dans les caisses du distributeur en difficulté, suggère Octo Finances. Selon les options d’apports d’actifs retenues, Casino pourrait détenir 70-85% de la nouvelle entité, en raison de la taille plus modeste de Teract. « Aussi, en introduisant partiellement la nouvelle entité en Bourse (20-40%), Casino pourrait récupérer 1 à 1,5 milliard d’euros », estime Octo Finance.
« Nous pouvons imaginer un scénario selon lequel Teract absorberait CGP Distribution France, Teract restant une société cotée en Bourse avec Casino comme principal actionnaire de Teract », envisage pour sa part Bank of America. « Si cela devait se produire, Casino pourrait devenir une société holding avec plus de 85% de ses actifs cotés en France et en Amérique latine, avec la possibilité de monétiser une partie de ses participations à terme pour rembourser sa lourde dette », ajoute la banque d’affaires américaine.
Aussi, le marché semble apprécier la perspective d’un rapprochement entre deux acteurs au profil complémentaire, Teract affichant une faible taille sur le segment alimentaire. Détenu à 76% par le groupe coopératif agricole français InVivo Group, Teract est un acteur diversifié de la distribution dans l’Hexagone, avec un portefeuille principalement constitué d’enseignes de jardinerie (Jardiland, Gamm vert et Delbard) et d’animalerie (Noa). Ses enseignes alimentaires, parmi lesquelles figurent Boulangerie Louise, Frais d’Ici et Bio&Co, comptent pour à peine 15% de son activité, selon des estimations d’analystes.
Quand bien même le rapprochement de ses activités françaises avec celles de Teract présenterait des intérêts financiers et stratégiques, Casino ne serait pas complètement tiré d’affaire. « Nous commençons à croire que cela pourrait être le début de la fin pour Jean-Charles Naouri, car il est désormais contraint de partager son pouvoir », nuance Bryan, Garnier & Co. A terme, que le dirigeant conserve ou perde le contrôle de Casino au profit de Teract, son empire resterait confronté aux mêmes problèmes structurels (consommation excessive de trésorerie et pénurie d’actifs à céder pour refinancer sa dette), ajoute l’intermédiaire financier. A moins que les actionnaires de Teract acceptent de remettre au pot…
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