
Casino joue son avenir avec ses créanciers

C’est le grand jour pour Casino. Les créanciers du distributeur, dont la dette nette en France se montait à plus de 4,5 milliards d’euros à fin décembre 2022, doivent rendre aujourd’hui leur verdict sur l’offre de refinancement proposée le 24 avril par le milliardaire Daniel Kretinsky. Celle-ci prendrait la forme d’une augmentation de capital réservée de 750 millions d’euros via la société EP Global qu’il contrôle, et de 150 millions qui seraient apportés par la société Fimalac. Enfin, 200 millions d’euros supplémentaires seraient également mis au pot par les autres actionnaires existants à l’occasion d’une émission d’actions avec maintien du droit préférentiel de souscription. Au total, l’apport d’argent frais sous forme de capital porterait donc sur 1,1 milliard d’euros.
Si Daniel Kretinsky, qui détient déjà 10% du capital du distributeur, est bien conscient de la situation difficile dans laquelle se trouvent Casino et son patron, Jean-Charles Naouri, l’homme d’affaires tchèque n’est pas le seul en lice. Le même jour que celui du dépôt de son offre, et sans qu’il en soit informé, le groupement Les Mousquetaires, qui exploite les magasins Intermarché, rejoignait les discussions entamées en mars dernier par Teract, une filiale du groupe coopératif agricole français InVivo, et Casino en vue d’un rapprochement de leurs activités françaises de distribution.
«Dans ce contexte, InVivo et le groupement Les Mousquetaires envisagent un investissement de 300 millions d’euros dans la nouvelle entité», ont précisé les parties dans un communiqué commun. «Casino a des discussions en cours avec d’autres investisseurs potentiels pour venir compléter le tour de table, confirmant l’objectif de lever un montant total de 500 millions d’euros de fonds propres afin de doter ce nouvel ensemble de moyens financiers complémentaires pour mettre en œuvre son plan stratégique ambitieux», poursuit le communiqué.
L’offre initiale présentée par Daniel Kretinsky était conditionnée, selon la lettre envoyée à Casino par EP Global, à «une réduction très substantielle de la dette brute non sécurisée du groupe, soit par voie de rachat en numéraire et de conversion en capital».
Le conseil d’administration de Casino va donc demander l’ouverture d’une procédure de conciliation afin de disposer d’un cadre sécurisé de discussion avec ses créanciers. Daniel Kretinsky et les fondateurs de Teract tentent, eux, de faire converger leurs intérêts dans le cadre de la restructuration du distributeur, ont rapporté à l’agence Agefi-Dow Jones des sources proches du dossier. En fin de semaine, Fimalac, qui était représentée au sein du conseil de Casino par Thomas Piquemal, a quitté avec effet immédiat l’instance de gouvernance en raison du risque de conflit d’intérêts.
D’une durée de quatre mois, pouvant être prolongée d’un mois, cette procédure de conciliation devrait permettre au distributeur en difficulté de conclure un accord amiable avec ses principaux créanciers. Selon ces sources, le tribunal de commerce de Paris devrait nommer d’ici à la fin de cette semaine le mandataire judiciaire Marc Sénéchal en qualité de conciliateur. La période de consultation préalable à l’éventuelle ouverture de la procédure doit s’achever à 17 heures ce mardi.
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Des offres concurrentes en voie de conciliation
L’heure ne paraît plus à l’opposition frontale entre les deux propositions concurrentes. L’offre de restructuration purement financière de Daniel Kretinsky s’opposait jusqu’à présent au projet industriel de rapprochement entre Casino, Teract et le groupement Les Mousquetaires, censé déboucher sur la création d’un nouvel acteur français de la distribution.
Mais Daniel Kretinsky et les fondateurs de Teract, emmenés par son directeur général, Moez-Alexandre Zouari, ont récemment engagé des discussions dans l’espoir de présenter aux créanciers de Casino une offre commune ou, a minima, deux offres complémentaires. «Jean-Charles Naouri a tout fait pour que les deux parties se rapprochent, comptant au passage sur ses bonnes relations avec Daniel Kretinsky et Moez-Alexandre Zouari pour s’assurer une bonne place dans la gouvernance de la future entité», indique un avocat. «Les discussions devraient s’étirer encore pendant quelques semaines, soit le temps nécessaire pour que les parties s’entendent sur une proposition suffisamment pertinente financièrement et industriellement pour convaincre une majorité de créanciers», assure un banquier. Contacté, le groupe Casino n’a pas souhaité commenter ces informations.
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Mauvaise note
La situation financière de Casino «n’est plus tenable sans une intervention rapide», indiquait Daniel Kretinsky dans une interview au magazine Le Point au début du mois de mai, reprenant presque mot pour mot les conclusions des analystes d’Oddo BHF publiées quelques semaines plus tôt. La dette est, depuis plusieurs années, devenue un des sujets cruciaux du groupe contrôlé par Jean-Charles Naouri par le jeu dangereux d’une cascade de holdings très endettées. Pour l’ensemble du groupe, la dette totale se monte à 6,37 milliards d’euros, en hausse par rapport aux 5,9 milliards d’euros de 2021. Sur l’ensemble de l’année 2022, le résultat financier du groupe était négatif de 935 millions d’euros, dont une charge de 343 millions d’intérêts sur passifs de loyer. Malgré la cession de près de 20% de son distributeur de gros Assai au Brésil au mois de mars dernier pour l’équivalent d’environ 720 millions d’euros afin, selon la société, d’«accélérer son désendettement», la dette reste colossale. Pire, les performances de l’actif Casino s’étiolent.
Ces derniers jours, Casino a d’ailleurs vu sa notation financière s’enfoncer davantage. Le 9 mai dernier, S&P Global a dégradé la note globale du distributeur de deux crans, de CCC+ à CCC-. L’agence d’évaluation a également réduit de trois à quatre crans les différentes appréciations sur les différentes familles de dette («senior secured», «senior unsecured» et hybrides»). Toutes restent assorties d’une surveillance négative, ce qui traduit un risque accru de défaut. Le 17 mai, Fitch est également entré dans la danse, réduisant d’un cran, de CCC- à CCC, la note du groupe stéphanois, afin de traduire un risque de défaillance très important.◆
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