
Bruxelles bouscule les Big Tech en lançant sa consultation sur le financement des réseaux télécoms

L’Union européenne engage un peu plus les hostilités sur le dossier épineux de la contribution des Big Tech au financement des réseaux télécoms. Comme le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton l’avait annoncé l’an dernier, la Commission européenne a donné le coup d’envoi, jeudi 23 février, de sa consultation publique sur «l’avenir des infrastructures de connectivité». Son véritable sujet porte sur une juste contribution financière des acteurs du numérique aux infrastructures locales (entendez fair share). A terme, Google, Netflix, Amazon et consorts pourraient se voir imposer le paiement d’une contribution au prorata de la bande passante qu’ils consomment sur les réseaux télécoms.
La Commission avance le sujet en termes choisis. Elle dit vouloir poser les bases de la transformation du secteur de la connectivité dans l’UE, avec pour échéance 2030, et «recueillir des points de vue sur l'évolution du paysage technologique et du marché», selon son communiqué. Certes, aucun géant technologique n’est cité dans l’annonce de cette «consultation exploratoire». La Commission dit vouloir consulter «toutes les parties prenantes» - entreprises, associations, particuliers - sur «la nécessité potentielle pour tous les acteurs bénéficiant de la transformation numérique de contribuer équitablement aux investissements dans les infrastructures de connectivité». Cette consultation est ouverte en ligne, pour douze semaines, avec pour date limite le 19 mai 2023.
Serpent de mer
Mais elle relance bien le serpent de mer de la contribution financière des Big Tech au financement des réseaux internet fixe et mobile. Car ils ont pour point commun d'être gourmands en bande passante, pour des services diffusant des contenus vidéo notamment. En ligne de mire : Netflix, Google (Alphabet), Facebook (Meta), Apple, Amazon et Microsoft, qui auraient consommé 57% du trafic internet en 2021, selon des données du cabinet Sandvine - 55% selon l'étude de l’Etno, la puissante association qui regroupe les opérateurs européens. Elle chiffrait les coûts d’infrastructure supportés par les opérateurs à entre 36 et 40 milliards d’euros sur l’année 2021.
«La charge de ces investissements est de plus en plus lourde. Et cela en partie à cause d’un faible retour sur investissement dans le secteur des télécoms, de l’augmentation du coût des matières premières, du contexte géopolitique mondial et du coût de l'énergie», a déclaré jeudi Thierry Breton lors d’un point presse.
Il va devoir dissiper les inquiétudes quant au risque de porter atteinte à la neutralité du net - principe selon lequel les opérateurs de réseaux devraient traiter tous les utilisateurs du réseau internet de manière équitable - un concept chéri par les activistes des droits digitaux.
Argumentaires affûtés côté télécoms
Une chose est sûre, les lobbyistes des ‘Big Telcos’ ont fourbi leurs armes, et attendent avec impatience l’initiative. Ils estiment qu’il est injuste que les groupes télécoms doivent dépenser des dizaines de milliards d’euros chaque année dans des infrastructures et doivent gérer un trafic internet croissant, alors qu’une poignée de fournisseurs de contenus profitent de l’audience - et des revenus afférents.
Plusieurs ont déjà affûté leur argumentaire : l’Etno affirme que la consultation est une étape urgente «pour remédier aux déséquilibres majeurs». Même son de cloche du côté des opérateurs télécoms français : «Les télécoms investissent dans leurs réseaux - 1,5 milliard d’euros pour Bouygues Télécom - alors que les groupes technologiques en utilisent une énorme partie sans investir en contrepartie», soulignait jeudi dernier Benoît Torloting, directeur général de Bouygues Télécom, interrogé par la presse. «Les opérateurs télécoms ne peuvent plus investir dans les infrastructures», or «les Big Tech ont besoin de nos infrastructures pour leurs services», précisait pour sa part la dirigeante d’Orange, Christel Heydemann, lors de la journée investisseurs de l’opérateur, le 26 février. Tout comme l’Arcep, le régulateur télécoms : sa présidente Laure de la Raudière, suggérait une «responsabilisation de ces acteurs sur l’augmentation continue des volumes de données sur internet» lors de ses vœux de début d’année.
En revanche, la Computer & Communications Industry Association (CCIA), qui représente les intérêts de ces entreprises technologiques, a critiqué la proposition dans un communiqué, estimant que «les Européens paient déjà les opérateurs télécoms pour l’accès à internet», et ne devraient pas avoir à payer ces derniers «une seconde fois via des services de streaming et de cloud plus coûteux».
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse