
Bolloré mise sur l’effet (petite) taille pour Vivendi

C’était le dernier bout de l’héritage Seagram. Ce mardi 22 juin, les actionnaires de Vivendi doivent approuver en assemblée générale la scission d’Universal Music Group (UMG), un peu plus de 20 ans après la fusion avec le conglomérat canadien qui devait donner naissance à Vivendi Universal. Les deux grandes agences de conseil en vote, ISS et Glass Lewis, ont recommandé de voter en faveur de la scission. Et certains actionnaires importants, comme le fonds souverain norvégien, ont annoncé qu’ils voteraient pour. Une majorité simple, à 50%, est nécessaire pour approuver le projet présenté dans la sixième résolution.
Au-delà du symbole, la scission de la maison de disques à la Bourse d’Amsterdam via une distribution d’action aux actionnaires de Vivendi constitue une transformation majeure pour le groupe contrôlé par Vincent Bolloré, encore plus forte qu’avait pu l’être en 2014 la vente de SFR à Numéricable pour quelque 13 milliards d’euros.
UMG est, de très loin, le principal actif de Vivendi. En 2020, la maison de disques a réalisé un chiffre d’affaires de 7,4 milliards d’euros, soit 46% du total du groupe. Son poids est encore plus lourd sur les bénéfices : ses 1,3 milliard d’euros d’excédent brut d’exploitation représentent 80% de l’Ebitda consolidé. Vivendi se sépare d’un métier en pleine renaissance, après avoir réussi à opérer le virage du numérique : UMG est la seule division à avoir été en croissance organique en 2020. Et l’effet confinement, qui a pu soutenir l’écoute de musique en ligne l’an dernier, n’y est pour rien. UMG était déjà, en 2019, la seule source de croissance de Vivendi.
80% du bénéfice
Pas étonnant que la maison de disques soit la principale réserve de valeur du groupe. La signature ce week-end de la vente de 10% du capital d’UMG à Pershing Square Tontine valorise la maison de disques à 35 milliards d’euros. Sachant que Vivendi ne détient plus après cette vente à Pershing Square que 70% du capital d’UMG, 20% ayant déjà été cédés au chinois Tencent, cette part vaut 24,5 milliards d’euros, soit près des trois-quarts de la capitalisation boursière de Vivendi (34 milliards). Ce qui laisse peu de valeur pour Canal+, Editis ou Havas Group, les autres actifs de Vivendi.
Les analystes d’UBS ont récemment calculé qu’après la scission d’UMG, et avec les 20% du capital conservés par Vivendi, la somme des parties du groupe, y compris ses participations dans des entreprises cotées (Lagardère, Telecom Italia, Prisa…), s’élèvera à 18,3 milliards d’euros, soit 17 euros par action. Avant la scission, UBS valorisait les différents actifs de Vivendi à 36 euros par action.
Le marché va donc devoir apprendre à valoriser Vivendi sans sa première source de croissance et de profit. Le nouveau groupe pèsera, sur la base des chiffres 2020, 8,6 milliards d’euros et 300 millions d’euros d’Ebitda. Son principal atout résidera dans son bilan : Vivendi disposera d’une trésorerie nette positive. De quoi lui donner les moyens de faire des acquisitions, dans les médias ou l'édition. De quoi aussi interroger sur les intentions de son actionnaire de contrôle alors que sous l'ère Bolloré, Vivendi s’est plus illustré par les cessions que par les acquisitions.
Quel usage du cash ?
Agustin Alberti, analyste chez Moody’s, reconnait la « flexibilité financière de Vivendi » mais préfère garder une perspective négative sur la note Baa2 du groupe « car l’utilisation du produit de la vente (d’UMG, ndlr) et la structure finale du capital de la société restent incertaines ». De nombreux actionnaires s’interrogent notamment sur la mise en oeuvre d’une offre publique de rachats d’actions (OPRA) pouvant aller jusqu’à 50% du capital de Vivendi. ISS et Glass Lewis ont appelé à voter contre la résolution qui sera présentée ce mardi lors de l’AG. Dans le fond, les actionnaires minoritaires craignent que cette OPRA serve d’abord les intérêts patrimoniaux de Vincent Bolloré. Cette 23e résolution devra obtenir une majorité des deux tiers pour être validée.
A plus court terme, la scission d’UMG, qui devrait être finalisée en septembre, risque de créer quelques perturbations. Compte tenu du coût fiscal que l’opération impliquera pour eux, des actionnaires de Vivendi pourraient être tentés de vendre leurs actions avant la scission, soulignaient récemment les analystes du courtier indépendant Market Securities.
Du fait de la chute mécanique de sa capitalisation boursière post-scission, Vivendi risque aussi de se faire exclure de certains indices boursiers. Ce qui pèserait inévitablement sur le cours de Bourse.
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