BASF souffre d’une base de coûts trop élevée en Europe

Le groupe chimique, qui supprimera 3.300 emplois principalement en Allemagne, réduit aussi la voilure dans ses rachats d’actions.
Yves-Marc Le Réour
BASF
BASF devra procéder à un arrêt ou à une réduction de la production de plusieurs substances.  - 

BASF illustre les difficultés des relocalisations industrielles sur le Vieux Continent. Si la pandémie de Covid-19 avait incité de nombreux dirigeants politiques à vanter les mérites d’un raccourcissement des chaînes d’approvisionnement, la hausse des coûts énergétiquesconsécutive au déclenchement du conflit russo-ukrainien est revenue au premier plan dans le secteur chimique. Le groupe allemand a annoncé vendredi la suppression de 700 postes en production sur son site historique de Ludwigshafen, qui héberge son siège social. Cela se traduira par un arrêt ou une réduction de la production de plusieurs substances (caprolactame, précurseurs de dinitrotoluène, acide adipidique…) dans cette usine qui emploie 39.000 salariés.

«Les prix élevés de l’énergie représentent désormais un fardeau de plus sur notre rentabilité et notre compétitivité» dans la région, a commenté dans un communiqué le président du directoire, Martin Brudermüller. La flambée des cours du gaz naturel a représenté 69% de l’augmentation de sa facture énergétique toutes régions confondues l’an dernier. Le dirigeant a également mis en cause une réglementation excessive en Europe qui implique de longues procédures d’agrément débouchant sur «des coûts élevés pour la plupart des facteurs de production».

Des reclassements prévus au sein du groupe

Ces nouvelles suppressions de postes s’ajouteront à un programme de baisse des coûts déjà annoncé dans ses fonctions centrales (administration, R&D), qui aboutira à la suppression d’environ 2.600 postes d’ici à fin 2024, dont environ 65% sur le territoire allemand. Les emplois supprimés, qui laisseront la porte ouverte à des reclassements au sein du groupe, concerneront au total 3,9% de ses effectifs en Europe. Les mesures prises devraient lui permettre d’économiser environ 500 millions d’euros par an dans ses fonctions centrales à partir de 2025 et 200 millions d’euros supplémentaires à partir de 2027 grâce à la baisse de ses coûts fixes sur son site historique.

Une étude publiée le mois dernier par lafédération allemande des industries chimiques et pharmaceutiques (VCI) a révélé que près de 50% de ses membres prévoyaient de diminuer leurs investissements outre-Rhin cette année à cause des prix de l’énergie. BASF, qui mise sur les produits chimiques utilisés dans les batteries automobiles et sur le dynamisme de la demande chinoise, a l’intention d’augmenter son budget mondial d’investissement de plus de 43% à 6,3 milliards d’euros en 2023. Il prévoit une nouvelle hausse l’an prochain puis une baisse graduelle à partir de 2025. Selon les analystes d’UBS, «les effets positifs de la restructuration du groupe en Allemagne pourraient être amoindris par la hausse pondérée de 18% de ses investissements industriels à moyen terme».

Un nouveau recul du résultat d’exploitation

L’arrêt des activités de BASF en Russiea par ailleurs occasionné des dépréciations d’actifs de 6,3 milliards d’euros sur l’exercice écoulé. Le mois dernier, il avait estimé que ceci entraînerait une perte nette annuelle de 1,38 milliard d’euros. Il a depuis lors révisé ce montant à la baisse en publiant une perte de 627 millions dans ses comptes définitifs. Après une baisse de 11,5% à 6,9 milliards d’euros de son résultat d’exploitation (Ebit) retraité des éléments exceptionnels l’an dernier, l’Ebit devrait se situer dans une fourchette comprise entre 4,8 milliards et 5,4 milliards en 2023, affichant ainsi un nouveau recul significatif. Une amélioration de la demande attendue au second semestre limiterait le repli de son chiffre d’affaires qui s’élèverait entre 84 milliards et 87 milliards d’euros, alors qu’il avait progressé de 11% à 87,3 milliards en 2022.

Les actionnaires ne seront pas épargnés par les déboires du groupe. S’il proposera un dividende inchangé de 3,40 euros par action au titre de l’exercice 2022 lors de son assemblée générale le 27 avril prochain, ce niveau est légèrement inférieur au consensus qui anticipait en moyenne 3,46 euros. De surcroît, son programme de rachat d’actions, qui portait initialement sur 3 milliards d’euros jusqu’à la fin de l’année 2023, sera arrêté plus tôt que prévu en raison de «changements profonds dans l'économie mondiale», a justifié le groupe. A la mi-février, BASF avait racheté ses propres titres à hauteur de 1,4 milliard d’euros. Pour Samuel Perry, analyste chez Credit Suisse, cet arrêt «est une initiative raisonnable dans le contexte actuel», même si les investisseurs réagissent souvent mal à une telle annonce. L’action a d’ailleurs terminé la séance de vendredi en recul de 7,6% à 48,18 euros.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles Restructurations

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...