
Alessandro Dazza (Imerys) : «Il était impossible de se préparer à une telle envolée de l’énergie»

Même si Imerys profite toujours de la vigueur de la reprise économique, le groupe de minéraux doit jouer contre la hausse des coûts de production, provoquée notamment par l’envolée des prix de l’énergie. «Il était impossible de se préparer à une telle amplitude», reconnait Alessandro Dazza, le directeur général d’Imerys, dans un entretien à L’Agefi, au lendemain de la publication des résultats trimestriels. Rien qu’au troisième trimestre, les coûts variables ont augmenté de 32 millions d’euros, conséquence de la hausse des prix du fret, des matières premières, de l’énergie et des emballages. Des discussions ont été engagées avec les clients pour répercuter la hausse des prix de l’énergie sur le prix de nos produits «mais ce rattrapage va prendre du temps», ajoute le dirigeant.
L’Agefi : Ce troisième trimestre est-il celui du retour à la normale ?
Alessandro Dazza : Le deuxième trimestre 2021 avait connu une très forte reprise de l’activité (+30%), en comparaison à un printemps 2020 marqué par le premier confinement. Depuis, le rythme a eu tendance à se normaliser mais la croissance reste très forte (+18,6%), avec plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires au troisième trimestre et une profitabilité en amélioration.
Cette croissance est portée par nos grands marchés, comme la construction, qui représente environ un tiers de notre chiffre d’affaires. Après le rebond post-confinement, le secteur se tient bien. Les produits de grande consommation redémarrent comme, dans une moindre mesure, les minéraux pour la papeterie. En revanche, dans l’automobile, industrie pour laquelle nous fournissons par exemple des minéraux pour les peintures ou les plastiques, il y a une très forte baisse de la demande. Toute la filière souffre des pénuries, notamment de composants électroniques, et nous pensons que cela va durer en 2022.
Comment Imerys s’adapte-t-il à la chute de la production automobile ?
Nous avons augmenté nos stocks, à la demande de nos clients, pour pouvoir répondre le moment venu au redémarrage de leurs cadences. Nous avons également réduit la production de certains produits spécifiques. Cela a peu d’impact sur notre marge et il est largement compensé par la progression de l’activité dans les autres métiers.
L’automobile reste un secteur prioritaire pour Imerys. Nous produisons deux éléments essentiels pour les batteries électriques, le graphite synthétique et le noir de carbone, qui permettent à l’énergie de circuler dans la batterie. Ce marché est promis à un fort développement au cours des dix prochaines années. Nous avons investi une centaine de millions d’euros cette année pour doubler notre capacité de production. Nous poursuivrons ces investissements en 2022 pour répondre à la croissance à deux chiffres de la demande.
Imerys souffre-t-il lui aussi de pénuries ?
Non, car la très grande majorité de nos matières premières vient de nos propres mines. En revanche, nous sommes confrontés à de fortes tensions logistiques. C’est une bataille de tous les jours pour trouver des containers ou des camions, débloquer des marchandises, gérer les retards…Compte tenu des tensions habituelles de fin d’année et du nouvel an chinois, nous ne voyons pas s’éteindre ce phénomène inédit avant la fin du premier trimestre 2022.
Quels sont les effets de l’explosion des prix de l'énergie pour Imerys ?
Cette envolée a des conséquences pour l’industrie mondiale, et pour nous aussi, car il était impossible de se préparer à une telle amplitude. Il est possible de négocier sur des approvisionnements en matières premières mais sur l’énergie il y a peu de levier. L’impact est donc immédiat dans les comptes. Nous discutons avec nos grands clients pour répercuter la hausse des prix de l’énergie. Ils comprennent. Mais ce rattrapage prendra du temps.
Vous avez pris la direction générale d’Imerys en février 2020, alors que la crise du Covid grondait, et après avoir quitté le groupe entre 2018 et 2020. Comment percevez-vous le groupe aujourd’hui après le plan de transformation engagé pendant votre absence ?
Ce plan était difficile mais nécessaire. Je suis très satisfait de l’organisation actuelle. La croissance que nous enregistrons depuis la fin 2020, supérieure à celle de nos comparables, démontre son efficacité. Notre portefeuille d’actifs est bien équilibré. Et même si nous sommes toujours attentifs à une évolution possible, nous ne voyons pas dans l’immédiat d’activité à céder.
Pourriez-vous le renforcer avec des acquisitions ?
En prenant en compte l’émission d’obligations durables de 300 millions d’euros réalisée en mai 2021, nous disposons de près de 2 milliards d’euros de liquidités. Cela nous donne les moyens de faire des acquisitions si nécessaires, comme Imerys l’a toujours fait dans le passé. Mais nous resterons prudents. Les valorisations ont tendance à fortement progresser, notamment sous l’effet de l’intérêt grandissant des fonds de private equity.
La crise récente a montré tout l’enjeu de l’accès aux matériaux. Comment Imerys sécurise-t-il ses approvisionnements ?
La course mondiale aux minerais ne s’est jamais arrêtée et il faut sans cesse anticiper les besoins. Notre portefeuille minier actuel nous offre une visibilité sur une dizaine d’années. C’est une bonne assurance pour le futur.
Ceci étant, les ressources ne sont pas inépuisables. Nous devons travailler à les utiliser de la façon la plus optimale possible et à les réutiliser lorsque le recyclage est possible. Cela demande des investissements de R&D, une évolution de la demande de nos clients mais aussi de certaines réglementations.
Cela fait partie de nos engagements environnementaux qui visent à diminuer de 36% nos émissions de gaz à effet de serre relatives au chiffre d’affaires sur 10 ans. Nous sommes bien avancés et nous pourrions probablement dépasser cet objectif. Nous ferons un premier bilan dans les prochains mois. Ces investissements environnementaux ne sont pas engagés sur une simple logique de calcul financier, car ils ne sont pas nécessairement rentables rapidement, mais simplement parce que c’est la bonne chose à faire. De plus, je suis persuadé qu’à terme cela deviendra un véritable avantage compétitif.
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Donald Trump rebaptise le Pentagone en « ministère de la Guerre » pour afficher la puissance américaine
Washington - Donald Trump a signé vendredi un décret visant à rebaptiser le ministère américain de la Défense en «ministère de la Guerre», ajoutant qu’il voulait par là envoyer un «message de victoire» et «de force» au reste du monde. Le président américain a laissé entendre qu’il pouvait se passer d’un vote du Congrès pour procéder à ce changement d’appellation. «Les mots comptent», a dit le chef du Pentagone Pete Hegseth, présent aux côtés de Donald Trump dans le Bureau ovale, assurant que cette nouvelle appellation devait permettre de «restaurer une éthique guerrière». Formellement, il s’agit pour l’instant d’une appellation «supplémentaire», selon un document distribué dès jeudi par la Maison Blanche. Un haut responsable du ministère a indiqué que le coût de cette opération, potentiellement très dispendieuse, deviendrait «plus clair» au fur et à mesure de sa mise en place. Peu après la signature du décret présidentiel, les mots «ministère de la Défense» ont été immédiatement retirés d’un mur dans le Pentagone, devant des caméras de télévision. Le site du ministère a été renommé et Pete Hegseth se présente désormais comme «ministre de la Guerre» sur X. «Nous allons soumettre (ce changement de nom) au Congrès», a prévenu Donald Trump. «Je ne sais pas (si les parlementaires voteront en ma faveur, ndlr), nous verrons bien, mais je ne suis pas sûre qu’ils aient besoin de le faire». «Trop défensif» Ce n’est pas la première fois que le républicain de 79 ans impose ses idées sans passer par la case législative. Son second mandat est marqué par une volonté assumée d'étendre le pouvoir présidentiel, à coups de décrets et de décisions empiétant sur les prérogatives du Congrès. Il a signé vendredi son 200e décret depuis son retour à la Maison Blanche en janvier. Le président des Etats-Unis avait déjà fait part de ce projet qui restaurerait une appellation ayant existé de 1789 à 1947. «Défense, c’est trop défensif, et nous voulons aussi être offensifs», avait-il déclaré. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a mobilisé l’armée pour imposer une image de puissance spectaculaire et combler son appétit de fastes militaires. Il a organisé un rare défilé le jour de son anniversaire, déployé la Garde nationale dans des villes dirigées par ses opposants, et ordonné une frappe exceptionnelle sur un bateau dans les Caraïbes dans le cadre de la lutte affichée contre le narcotrafic. Les démocrates dénoncent régulièrement ce recours aux militaires, révélateur selon eux d’une dérive autoritaire. Contre le «politiquement correct» Le président américain avait eu pendant son premier mandat une relation plutôt contrariée avec l’armée. Son ancien chef d'état-major, le général Marc Milley, l’a qualifié d’"aspirant dictateur». Des articles de presse avaient également attribué à Donald Trump des propos méprisants pour des militaires américains morts au combat. Cette fois, le dirigeant républicain a remanié l'état-major américain pour s’entourer de hauts gradés choisis par ses soins, et a nommé en la personne de Pete Hegseth un ministre à la loyauté farouche. Le chef du Pentagone, adepte d’un discours viriliste et d’opérations de communication musculeuses, a dit vendredi que l’objectif de l’armée américaine était d’atteindre «une létalité maximale, pas une létalité tiède». Il a dit vouloir aller à l’encontre du «politiquement correct». Aurélia END © Agence France-Presse -
Australie : la chasse à l’homme d’un « citoyen souverain » recherché pour le meurtre de deux policiers
Sydney - Les autorités australiennes ont promis samedi une récompense de plus de 500.000 euros pour toute information pouvant mener à l’arrestation du meurtrier présumé de deux policiers, un adepte des théories du complot dont la cavale depuis près de deux semaines tient le pays en haleine. Desmond Freeman, 56 ans, est recherché par plus de 450 policiers dans le bush australien depuis une fusillade mortelle le 26 août lors d’une perquisition à son domicile dans la petite ville de Porepunkah, dans le sud-est du pays-continent. Après avoir multiplié les appels à la reddition et interrogé ses proches, la police de l’Etat de Victoria a annoncé qu’elle paierait un million de dollars australiens (environ 560.000 euros) en échange d’informations permettant de le retrouver, un montant sans précédent pour cette force. «Cette somme reflète la gravité de ce crime violent et notre engagement à localiser Freeman dès que possible afin qu’il cesse de représenter un risque pour la population», a expliqué l’inspecteur Dean Thomas, insistant sur une récompense «susceptible de changer une vie». Freeman est soupçonné d’avoir abattu Neal Thompson, 59 ans et Vadim De Waart, 35 ans, qui faisaient partie d’une équipe de de dix agents venus perquisitionner chez lui dans une affaire non précisée, et d’en avoir blessé un troisième. Les victimes appartiennent à une section de la police chargée des délits et crimes à caractère sexuels et pédophiles. Ces faits sont exceptionnels dans un pays où les armes automatiques et semi-automatiques sont interdites depuis qu’un tireur isolé a massacré 35 personnes, en 1996, sur l'île de Tasmanie. Le monument national qui rend hommage aux policiers tués en service liste le dernier cas de décès par balle en 2023. «Terrain difficile» La police considère que Desmond Freeman, en fuite dans une zone de forêt dense, est lourdement armé. Les médias australiens décrivent le suspect comme un adepte de théories du complot radicalisé, qui a fait état de sa haine envers la police. Selon eux, il ferait partie de la mouvance complotiste des «citoyens souverains», dont les membres refusent l’autorité de l’Etat et de se soumettre aux lois. Sa femme Amalia Freeman et leur fils adolescent ont été brièvement placés en garde à vue par les enquêteurs, avant d'être relâchés. L'épouse du suspect a lancé un appel public pour qu’il se rende. "À ce stade, rien n’indique que Freeman soit assisté par une personne spécifique, néanmoins, compte tenu du terrain difficile et des besoins de s’approvisionner, cela reste une possibilité», a souligné la police samedi dans un communiqué, n’excluant pas non plus l’hypothèse d’un décès. Apparue aux Etats-Unis dans les années 1970, la mouvance des «citoyens souverains» se répand aujourd’hui en ligne, notamment sur Facebook dans des groupes où se côtoient des activistes mais aussi des opportunistes cherchant par exemple un moyen de s’affranchir du règlement de certaines factures. En France, ses adeptes estiment que l’Etat n’existerait pas en tant qu’entité publique mais serait en réalité une entreprise de droit privé créée en 1947, à laquelle ils n’auraient pas à se soumettre sans consentement. L’un deux a été condamné en avril à cinq mois de prison pour avoir refusé un contrôle de gendarmerie. © Agence France-Presse