
Une bataille s’annonce en Europe sur la compensation des dérivés

Alors que s’ouvriront les négociations sur le Brexit, les législateurs européens devraient reprendre leurs travaux sur l’un des sujets les plus polémiques de ces dernières années : la compensation des transactions sur dérivés. La Commission européenne est en effet tenue de présenter cette année une révision du règlement Emir de 2012 qui prescrit aux contreparties des transactions sur dérivés OTC de faire couvrir leurs risques par une chambre de compensation. Elle le fera «mi-mars», selon une porte-parole, et aurait aimé s’en tenir à une révision à la marge. Mais deux sujets risquent de rendre le débat législatif plus brûlant que prévu.
Sous la pression des Pays-Bas et du Royaume-Uni, les législateurs avaient consenti à ce que les «régimes de retraite» soient exemptés de l’obligation de compensation qui les aurait obligés à libérer des liquidités importantes. L’exécutif européen a depuis reconduit cette exemption, pour la dernière fois en décembre 2016, jusqu’à l’été 2018. Reprenant les évaluations fournies par l’industrie, elle estime que sa suppression aboutirait à réduire de 3,1% les retraites aux Pays-Bas et de 2,3% au Royaume-Uni.
La baisse des revenus des retraités ne toucherait d’ailleurs pas que ces deux pays. Elle atteindrait en moyenne 3,66% dans l’ensemble de l’Union européenne. L’exemption est formulée de manière assez générale pour inclure d’autres formes d’épargne retraite, comme l’assurance vie. Axa Assurance Vie Mutuelle, Ageas ou encore CNP Assurances en bénéficient également.
Pas de données sur l’ampleur des risques
L’exécutif européen rejette la responsabilité de ce régime particulier sur les chambres de compensation elles-mêmes: «les contreparties centrales n’ont pas consenti à ce jour les efforts nécessaires pour l'élaboration de solutions techniques appropriées et pour que les effets négatifs de la compensation centrale des contrats dérivés de gré à gré sur les prestations de retraite des futurs retraités restent inchangés», peut-on lire dans une décision de prolongation de l’exemption datant de 2015.
Mais Bruxelles se refuse à fournir des données sur l’ampleur des risques qui restent ainsi non couverts, tout en précisant qu’il existe des règles de gestion bilatérale des risques par échange de collatéraux moins liquides que ceux exigés par les chambres. Pour l’instant, deux options sont envisagées : une nouvelle exemption temporaire ou une exemption permanente. «Le débat commence tout juste», indique une source diplomatique.
La pression monte sur la compensation à Londres des contrats en euros
Cette révision d’Emir intervient par ailleurs alors que la pression politique sur l’avenir de la compensation à Londres des contrats libellés en euros prend de l’ampleur. Le 18 janvier, devant le Parlement européen, Manfred Weber, chef de file du parti populaire européen, majoritaire, a déclaré : «nous n’accepterons pas que l’euro soit géré largement depuis la City si le Royaume-Uni n’appartient plus à l’Union européenne».
Dans ce contexte, le régime accordé aux pays tiers dans Emir pourrait faire l’objet d’âpres débats, si les législateurs considéraient qu’il peut fournir le cadre des futures relations entre d’un côté les chambres de compensation basées à Londres et, de l’autre, les régulateurs européens et la BCE qui, tous, siègent actuellement dans le collège de supervision de LCH Clearnet, LME CLear, ICE ou CME. «Personne ne peut encore répondre à la question de savoir si on utilisera la révision d’Emir pour revoir le régime des pays tiers... C’est un sujet très sensible politique et complexe juridiquement», explique une source diplomatique.
A la fin de l’année dernière, la député socialiste Pervenche Berès avait interrogé Mario Draghi sur l’accès des chambres basées à Londres à son guichet. Le 10 janvier, le président de la BCE lui a répondu que «le retrait du Royaume-Uni pourrait mener à une perte de surveillance et de supervision sur les chambres de compensation britanniques». «Il sera important de trouver des solutions pour, à tout le moins, préserver ou idéalement renforcer, (leur) niveau actuel».
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