
Trois changements et une constante pour l’Europe

Les négociateurs du futur gouvernement de coalition en Allemagne ne s’attendaient pas à devoir désigner un nouveau président pour la Bundesbank. Voilà un problème de plus à régler dans leur programme bien chargé. La démission de Jens Weidmann se conjugue à deux autres moments qui pourraient changer le visage de l’union monétaire dans les prochains mois : l’après-Merkel outre-Rhin et la redéfinition du pacte de stabilité et de croissance, les fameux critères de Maastricht. Jusqu’à quel point faut-il en attendre un changement de politique ?
Avec le départ de Jens Weidmann, la Banque centrale européenne perd le plus emblématique de ses faucons, un farouche défenseur de l’orthodoxie monétaire, qui disait « non à tout », selon le mot de son adversaire, Mario Draghi. Mais un faucon aux serres élimées, dont l’opposition systématique aux mesures non conventionnelles de la BCE n’a pas empêché celle-ci de repousser ses limites. Son successeur – pourquoi pas Isabel Schnabel, la voix allemande la plus influente à la banque centrale – pourrait paraître moins rigoriste. Ce ne serait pas forcément le gage d’une politique plus accommodante, tant l’institution de Francfort a basculé dans le camp des colombes depuis dix ans.
Le résultat des élections générales en Allemagne laisse aussi espérer l’arrivée d’un gouvernement de coalition moins obsédé par les déficits et la dette. Sociaux-démocrates, libéraux et verts négocient une hausse du salaire minimum et posent la nécessité d’investissements publics dans la transition énergétique. L’exclusion de ces dépenses vertes du déficit, qui reste à négocier, intéresse Berlin comme ses partenaires, car elle permettrait de respecter la Constitution allemande tout en ouvrant une piste de réforme dans les règles budgétaires de l’Union européenne.
Pour autant, difficile d’imaginer Olaf Scholz, ministre des Finances et probable chancelier, abandonner ses lignes rouges. Le pré-accord de coalition, dont chaque mot a été pesé au trébuchet, n’annonce pas de grand soir. Pas une ligne, par exemple, sur l’Union bancaire ou l’Union des marchés de capitaux, deux pans essentiels à l’intégration économique européenne. Pas de réel débat autour du pacte de stabilité, ce faux carcan dont les grands pays se sont allègrement affranchis par le passé.
Or, si l’Allemagne s’est hissée à la hauteur de la crise sanitaire l’an dernier en co-signant le plan de relance européen, elle peut se montrer perplexe devant l’usage que font aujourd’hui ses voisins de leurs nouvelles marges budgétaires. L’Espagne détricote sa réforme des retraites, la France multiplie les cadeaux de peur que de nouveaux Gilets jaunes fleurissent sur ses ronds-points – vivement le chèque chocolat à Pâques, entre les deux tours de la présidentielle. Les futurs équilibres à Francfort, Berlin et Bruxelles ne doivent pas faire perdre de vue l’essentiel. Tous les gouvernements ont la responsabilité historique de faire de Next Generation EU un succès. Un échec signerait la fin de l’ambition européenne.
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Munich - Le chancelier allemand Friedrich Merz a réclamé mardi plus de «flexibilité» dans la réglementation européenne qui prévoit une interdiction des ventes de voitures thermiques après 2035, un calendrier décrié par l’industrie automobile, secteur-clé plongé dans la crise. «Nous tenons bien sûr fondamentalement à la transition vers la mobilité électrique», mais «il nous faut une réglementation européenne intelligente, fiable et souple», a déclaré le chancelier, en inaugurant le salon international de l’automobile à Munich. Lors de son tour du salon le faisant passer par le stand de l'équipementier allemand Mahle, il a insisté : «ce que nous devons fixer comme objectif, c’est la neutralité climatique. Mais c’est à vos ingénieurs et ingénieures de trouver le moyen d’y parvenir». Le message résonne auprès des géants allemands BMW, Mercedes et Volkswagen, qui remettent ouvertement en cause l’objectif de 2035 fixé par Bruxelles. Devant le chancelier, Arnd Franz, PDG de Mahle, a exhorté Bruxelles à «laisser de la liberté aux idées et à la concurrence des technologies». M. Merz a confirmé ses réserves sur le choix d’une seule technologie pour mener à bien la transition climatique. Celle-ci doit se produire, selon lui, de la manière la plus rentable possible en restant flexible sur les technologies. Le secteur de l’auto mise sur l'électrique, mais estime que le virage, en termes de ventes de modèles neufs en Europe, est trop lent pour atteindre pleinement le cap fixé d’ici 10 ans. Concurrence chinoise Plus de 150 entreprises - constructeurs de véhicules électriques, fabricants de batteries ou opérateurs de recharge - voient les choses différemment, exhortant lundi la présidente de la Commission européenne à «ne pas reculer». Au sein de la coalition au pouvoir à Berlin, le parti social-démocrate (SPD) a mis en garde mardi contre un recul sur les objectifs climatiques. «Remettre en question la sortie des moteurs thermiques met en danger la compétitivité à long terme et déstabilise notre économie», a déclaré Armand Zorn, vice-président du groupe SPD au Bundestag. Les constructeurs européens rencontreront vendredi Ursula von der Leyen à Bruxelles pour discuter de l’avenir du secteur face aux défis de l'électrification, de la concurrence et des tensions commerciales. Jan Vlasak, 35 ans, qui travaille chez un constructeur allemand dont il ne veut pas dire le nom, dit espérer que l’UE cèdera. «Je pense que (la date de 2035) devrait être revue, repoussée de cinq ou dix ans, ce serait bien», confie-t-il à l’AFP, dans les couloirs du salon. L'économie européenne est «dans une impasse», contrairement à la Chine, maîtresse dans l’art du véhicule électrique à coût raisonnable, abonde Markus Sigmund, employé chez un grand fournisseur. Le salon de Munich accueille une centaine d’exposants chinois sur environ 700, soit 40% de plus qu’en 2023. Mais M. Merz n’en a visité aucun pendant son passage. «Misérable» Allemagne Alors que le géant chinois BYD a présenté sa compacte Dolphin Surf à 20.000 euros, produite dès 2025 en Hongrie pour contourner les droits de douane, Volkswagen a répliqué avec trois marques (VW, Cupra, Škoda) et des modèles d’entrée de gamme à 25.000 euros, qui seront lancés en 2026. L’objectif ? Capter environ 20% du segment des petites voitures électriques en Europe, soit plusieurs centaines de milliers de véhicules par an. Un absent de marque à Munich: l’Américain Tesla, présent il y a deux ans, et dont les ventes européennes, grevées par le soutien d’Elon Musk à l’extrême droite du Vieux Continent, ont chuté de 43% au premier semestre. M. Merz a rappelé la tenue d’une prochaine «concertation» sur l’avenir de l’industrie automobile allemande, impliquant régions et syndicats, alors que le secteur a perdu plus de 50.000 emplois en un an sur un total d’environ 800.000, selon EY. Volkswagen va se séparer de 35.000 employés d’ici 2030 et arrêter la production dans deux usines allemandes, quand Porsche, Audi et des centaines de sous-traitants dégraissent également leurs effectifs. «La situation est misérable pour l'économie allemande», résume Ferdinand Dudenhöffer, expert du secteur. Louis VAN BOXEL-WOOLF © Agence France-Presse -
Brésil : les juges de la Cour suprême commencent à voter le verdict du procès de Jair Bolsonaro
Brasilia - Cinq juges de la Cour suprême du Brésil ont commencé à voter mardi pour condamner ou acquitter l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro, accusé de tentative de coup d’Etat dans un procès historique qui suscite la colère de Donald Trump. Si l’ex-chef de l’Etat brésilien (2019-2022), 70 ans, joue son avenir, l’enjeu est grand aussi pour la première puissance économique d’Amérique latine, entre guerre commerciale lancée par Washington en représailles au procès et pressions croissantes du camp conservateur pour une amnistie. M. Bolsonaro, qui se dit innocent, est accusé d’avoir conspiré pour son «maintien autoritaire au pouvoir» malgré sa défaite face au président actuel de gauche Luiz Inacio Lula da Silva lors de l'élection de 2022. «Le Brésil a failli revenir à une dictature», a déclaré le juge Alexandre de Moraes, avant de se prononcer pour une condamnation. Rapporteur du procès, il est le premier des cinq juges à voter dans cette audience publique retransmise en direct par les médias à travers le pays. Avec sept coaccusés, parmi lesquels d’anciens ministres et militaires haut gradés, M. Bolsonaro risque jusqu'à 43 ans de prison. - «Lynchage judiciaire» - Le verdict est attendu d’ici vendredi. Une majorité simple de trois des cinq juges suffira. En cas de condamnation, qui peut être contestée en appel, les magistrats fixeront ensuite les peines de chacun des accusés. Le juge Moraes a décrit une «organisation criminelle sous le leadership» de l’ancien chef de l’Etat qui, bien avant la présidentielle de 2022 et jusqu’après le scrutin, aurait tenté d’"empêcher une alternance du pouvoir». Rapporteur du procès, le juge Moraes est visé par des sanctions des Etats-Unis, qui l’accusent d’avoir des motivations politiques. Il se trouve en outre dans la situation particulière d'être à la fois juge et victime potentielle dans ce dossier. Le supposé plan putschiste prévoyait en effet son assassinat ainsi que celui de Lula, selon l’accusation. C’est la première fois qu’un ancien chef de l’Etat brésilien est jugé pour un projet présumé de coup d’Etat depuis la fin de la dictature militaire (1964-1985). Déjà inéligible jusqu’en 2030 pour désinformation électorale, M. Bolsonaro se dit victime d’une «persécution politique», à un peu plus d’un an de la présidentielle de 2026. Son fils aîné, le sénateur Flavio Bolsonaro, a dénoncé mardi sur le réseau social X un «lynchage judiciaire» contre son père, le décrivant en «défenseur de l’ordre et de la légalité». «Mesures appropriées» En résidence surveillée à Brasilia depuis début août pour des soupçons d’entrave à la justice, M. Bolsonaro n’est pas présent mardi au tribunal, a constaté un journaliste de l’AFP. Sa défense invoque des raisons de santé. Elle a d’ailleurs demandé qu’il puisse quitter son domicile brièvement dimanche prochain pour subir une intervention médicale. La société brésilienne, polarisée, se montre divisée sur le procès: si 53% des personnes interrogées estiment que le juge Moraes applique les lois, 39% perçoivent des motivations politiques, selon un sondage de l’institut Datafolha publié en août. L’affaire Bolsonaro est en outre au coeur d’une crise sans précédent entre Brésil et Etats-Unis. Dénonçant une «chasse aux sorcières» contre son allié, le président américain Donald Trump a imposé depuis le 6 août une surtaxe punitive de 50% sur une part importante des exportations brésiliennes. A l’approche du dénouement judiciaire, son administration adopte un ton menaçant. «Concernant le juge Moraes et les individus dont les abus de pouvoir ont sapé (les) libertés fondamentales, nous continuerons à prendre les mesures appropriées», a prévenu lundi un responsable du Département d’Etat américain. Anticipant une condamnation, le camp Bolsonaro s’active pour sa part au Parlement pour faire voter un projet d’amnistie au bénéfice de son leader. Ce mot d’ordre a été repris dimanche par des dizaines de milliers de ses sympathisants lors de rassemblements à travers le pays, à l’occasion de la fête de l’indépendance. Ramon SAHMKOW © Agence France-Presse