Très chers engrais

Matières premières agricoles
Annick Masounave

Bien qu’en baisse par rapport au pic du printemps 2022, le prix des engrais est appelé à rester à un niveau élevé en 2023. Le mouvement haussier a démarré à la fin de l’été 2021, avec l’augmentation des prix de l’énergie et notamment du gaz, qui représente par exemple 80 % du coût de production de l’ammoniac. En conséquence, 70 % des capacités de production européennes – essentiellement des engrais azotés – ont été réduites, voire mises à l’arrêt, en 2022.

Malgré la baisse des prix du gaz, qui ont été divisés par 5 depuis août 2022, les engrais affichent encore des prix historiquement élevés (voir le graphique). En effet l’une des conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, outre le renchérissement des prix de l’énergie et les tensions sur l’approvisionnement en énergie, a été la perturbation de la chaîne de production et de transport des engrais, bien que ces derniers soient exclus de l’arsenal européen de sanctions visant la Russie et la Biélorussie. Les exportations biélorusses de potasse ont été les plus touchées, en baisse de plus de 50 % en 2022. En particulier, la Lituanie a interrompu l’utilisation de son réseau ferroviaire pour transporter la potasse biélorusse vers le port de Klaipeda, qui gère généralement 90 % des exportations biélorusses, indique la Banque mondiale.

Les engrais minéraux sont obtenus par la transformation de nitrate, de potasse ou d’ammoniac. En 2021, la Russie était le premier exportateur d’engrais azotés et le deuxième fournisseur d’engrais potassiques et phosphorés, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). La Biélorussie est l’un des principaux exportateurs d’engrais potassiques, selon la Banque mondiale.

Aux baisses enregistrées dans la production de produits azotés (-3 %) et de potasse (-14 %) se sont ajoutés des quotas sur les exportations, à l’initiative de la Russie et de la Chine principalement. La Russie, qui a exporté plus de la moitié de sa production au cours des onze premiers mois de 2022, a annoncé vouloir limiter ses exportations à 11,8 millions de tonnes entre janvier et mai 2023. Les perspectives de production en Russie et en Biélorussie restent très incertaines en 2023, indique l’International Fertilizers Association (IFA), les deux pays ayant ajusté leur production.

La Chine, qui est également l’un des principaux pays exportateurs d’engrais, a introduit un système similaire au cours du second semestre 2022, pour la deuxième année consécutive. Ses exportations de phosphate et d’ammoniac ont chuté respectivement de 50 % et plus de 60 % en 2022, selon la Banque mondiale.

Plus forte baisse depuis 2009

Du côté de la demande, les prix et le caractère abordable des principaux composants des engrais en 2023 resteront compromis par les coûts du gaz naturel, ainsi que par l’incertitude entourant les exportations russes, la force du dollar américain et les restrictions chinoises à l’exportation, selon Gro Intelligence. En 2022, la consommation dans l’UE-27 a subi en 2022 la pire baisse depuis 2009, -11 % pour l’azote, -16 % pour le phosphate et -15 % pour les engrais potassiques. Cependant, une normalisation est prévue à long terme (voir le graphique). C’est dans les pays en développement – Asie de l’Est, Amérique latine, Europe de l’Est et Asie centrale – que les baisses les plus importantes devraient être constatées. Bien que l’IFA anticipe une reprise partielle de la consommation en 2023, les rendements pourraient se trouver affectés.

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