
TotalEnergies n’oublie pas ses actionnaires

La nouvelle n’est pas de nature à faire retomber le débat sur les superprofits. Quelques jours après avoir été auditionné par des députés à ce sujet, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné a annoncé à l’occasion de la journée investisseurs de l’entreprise le versement d’un dividende exceptionnel de 1 euro à ses actionnaires en décembre prochain. Le dirigeant a beau justifier cette décision par la hausse du dollar, qui réduit de facto la valeur du coupon touché par les investisseurs américains, il n’est pas certain que le discours soit audible auprès du grand public. L’augmentation de l’enveloppe dédiée aux investissements le sera peut-être davantage.
Le groupe table sur des dépenses nettes en hausse de 14 à 18 milliards de dollars par an pour la période 2022-2025, contre 13 à 15 milliards prévus dans le précédent plan. Cet effort sera consacré «en priorité» au développement des énergies décarbonées et aux programmes de réduction de l’empreinte carbone qui atteindront un tiers des investissements, a précisé l’entreprise. Dans le détail, TotalEnergies prévoit d’allouer plus de 4 milliards de dollars au solaire et à l’éolien dès cette année, après 3 milliards en 2021, et 1 milliard en deux ans à son programme d’économie d’énergie.
En ligne avec sa stratégie climat, le groupe a par ailleurs annoncé la scission de sa polluante activité dans les sables bitumineux canadiens. Elle sera distribuée à ses actionnaires via une introduction en Bourse après accord de la prochaine assemblée générale programmée en mai 2023. TotalEnergies gardera temporairement une participation minoritaire dans la future société qui sera cotée à la Bourse de Toronto.
Hausse du cash et du dividende
Le pétrolier continuera en outre à investir dans le gaz naturel liquéfié (GNL), notamment pour compenser la potentielle perte de ses actifs russes. Dans le domaine, l’accent sera mis sur le Qatar et les Etats-Unis, un pays où le groupe n’exclut pas de se renforcer dans la production de gaz afin d’améliorer son intégration sur la chaîne de valeur. Premier exportateur de GNL depuis les Etats-Unis et deuxième producteur en mer du Nord, le groupe anticipe une croissance de 3% par an de ses ventes de gaz liquide d’ici à 2027, et un cash-flow structurel supplémentaire de 1 milliard de dollars sur la période. Le solde des investissements sera consacré au maintien de la production pétrolière et à des développements à «faibles coûts et basses émissions» dans le domaine.
Ces dépenses alimenteront la croissance de la génération de trésorerie de la société, prévue en progression de 4 milliards de dollars d’ici 2027 (sans la Russie) par rapport à son niveau de 2021 (y compris la Russie) en retenant des hypothèses prudentes d’un prix du pétrole à 50 dollars le baril et de 8 dollars par Mbtu (british thermal unit) pour le gaz européen. Chaque hausse de 10 dollars du cours de l’or noir au-dessus de ce prix ajouterait 3,2 milliards de dollars à cet objectif et le gain s’élèverait à 0,5 milliard en cas de prix du gaz grimpant de 2 dollars supplémentaires par Mbtu. Une dynamique qui devrait profiter aux actionnaires. TotalEnergies prévoit de leur retourner entre 35% et 40% des cash-flows en mettant le focus sur l’augmentation du dividende. Les rachats d’actions, confirmés à 7 milliards de dollars en 2022, seront toujours mobilisés en cas de prix élevés des hydrocarbures.
Les Français sont prévenus
Interrogés par une analyste, Patrick Pouyanné a indiqué que son groupe pourrait rendre de l’ordre de 2,5 milliards de dollars aux citoyens européens cette année, dont 500 millions liés à la ristourne à la pompe accordée en France, 1 milliard en cas de mise en œuvre de la contribution exceptionnelle voulue par Bruxelles et environ autant dus à la hausse des taxes sur le pétrole au Royaume-Uni, où le groupe est producteur. Il aussi réitéré sa menace. Si la France décidait de taxer les «superprofits» de TotalEnergies, il pourrait arrêter les réductions volontaires appliquées dans ses stations-service françaises.
Plus d'articles du même thème
-
Le marché de l’hydrogène bas carbone reste à l’état de promesses
Pour qu’en 2030, la capacité installée d’électrolyseurs soit alignée sur le scénario «Net Zéro» de l'Agence internationale de l’énergie (AIE), les investissements devront progresser annuellement de 70%. -
Ventes à perte : la mauvaise affaire pour Carrefour
Les distributeurs ont tous prévenu qu’ils ne vendront pas leurs carburants à perte. Mais tiendront-ils leur parole si le gouvernement va au bout de son projet ? -
CMA CGM et Maersk s’allient pour décarboner le fret maritime
Les deux armateurs veulent développer l’utilisation de carburants durables destinés aux porte-conteneurs. Le nucléaire représente une option à plus long terme.
Sujets d'actualité
- Société Générale : le mythe têtu de la «création de valeur»
- La Société Générale dévoile des ambitions décevantes pour 2026
- Après les années Oudéa, Slawomir Krupa met la Société Générale au régime sec
- L’ancien patron de la Bred, Olivier Klein, arrive chez Lazard
- La zone euro se dirige vers la récession
Contenu de nos partenaires
-
Exclusif
Séisme au Maroc: dans les coulisses du jour le plus long de Mohammed VI
L'Opinion a reconstitué les premières heures post sinistre du roi du Maroc pour répondre à la catastrophe naturelle la plus mortelle de son règne -
Spécial Pologne
« Les Russes veulent revenir » - la tribune d'Eryk Mistewicz
« Il y a 30 ans, le dernier soldat soviétique a quitté la Pologne. À en croire les idéologues de Poutine, les Russes aimeraient aujourd'hui retourner en Pologne et dans toute l'Europe centrale. Nous faisons tout, nous, Polonais et Ukrainiens, Français aussi, tous en Europe et aux États-Unis, pour les en empêcher », explique le président de l'Instytut Nowych Mediówryk. -
Editorial
Antonio Guterres, le prophète de malheur qui ne fait peur à personne
Le Secrétaire Général de l’Onu va crescendo dans les prévisions apocalyptiques