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Sur l’ESG, la politique de l’autruche n’est pas une option

Le backlash (contrecoup) est particulièrement perceptible depuis plusieurs mois aux Etats-Unis, illustré notamment par une série de départs d’investisseurs importants américains de l’initiative Climate Action+, le retrait récent de la plupart des banques américaines de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) ou encore celui de BlackRock de la coalition Net Zero Asset Managers (NZAM). Le tout sur fond de rétropédalages largement médiatisés d’entreprises emblématiques par rapport à leurs précédents engagements RSE, notamment ceux sur les sujets Diversité et Inclusion. Le tout, au diapason de la nouvelle administration américaine.
L’Europe n’est pas épargnée, comme en témoigne le tout récent départ du fonds de pension néerlandais Pensioenfonds Detailhandel de la NZAO (Net Zero Asset Owner Alliance). De ce côté-ci de l’Atlantique, le phénomène est en partie lié au contexte réglementaire. Contexte marqué, d’une part, par de nombreuses incertitudes (SFDR en cours de révision, hésitations sur la CSDR…) et, d’autre part, par le durcissement de certaines exigences (V3 du Label ISR en France ; lignes directrices de l’Esma sur les noms de fonds utilisant des termes liés à l’ESG ou au développement durable). En France, par exemple, 30% des 1.342 fonds labellisés ISR en novembre 2024 ont perdu leur label au 1er janvier 2025 (étude Morningstar octobre 2024).
Dans un contexte européen de compétitivité économique fragilisée, la tentation existe de réduire la voilure ESG de la finance durable : fermetures de fonds ESG (plus de 300 en 2024 en Europe) ; réduction à la baisse des engagements ESG ; achat de données ESG low-cost…
Contresens historique
Le repli serait pourtant une erreur stratégique. À l’heure où nos entreprises entrent dans le dur de la transition, avec des investissements souvent très lourds, ce serait un contresens historique. Rien ne serait pire, plus destructeur de valeur, que de s’arrêter au milieu du gué. Ce n’est pas en regardant ailleurs que les problèmes environnementaux du monde réel vont disparaître : les catastrophes naturelles, aggravées par le changement climatique, se multiplient, avec des dommages très lourds, des coûts de réparation astronomiques et des risques désormais considérés comme inassurables. 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée et, pour la première fois, le réchauffement global a dépassé le seuil symbolique de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. De même, les dommages causés à la biodiversité par les activités humaines sont destructeurs de valeur économique. Plus nous reculons devant l’obstacle, plus l’ajustement sera brutal, plus la transition coûtera cher, tant en investissements qu’en coûts de réparation.
L’accent mis actuellement sur les risques environnementaux ne doit pas occulter l’importance des autres sujets ESG : les politiques de diversité et d’inclusion, ou de santé au travail, pour ne citer que celles-ci, sont éminemment génératrices de valeur pour nos entreprises (innovation, adhésion, lutte contre le turn-over…), pour nos sociétés (cohésion sociale, relais de croissance…), et méritent d’être activement soutenues.
Données qualitatives
En ce début 2025, malgré ces vents contraires, il importe que les acteurs de la finance durable européenne gardent le cap : plutôt que de s’aligner par le bas en dégradant leurs démarches d’investissement ESG, ils devraient privilégier une sortie par le haut, en redoublant de vigilance sur le fléchage de leurs investissements. Ceci suppose, par exemple, de veiller à fonder leurs décisions sur des données qualitatives, reflétant au maximum «la vraie vie» des entreprises, pour continuer à maîtriser leurs propres risques financiers et à soutenir les acteurs économiques sur la base de leurs performances réelles. Revenir aux fondamentaux de l’investissement durable, en quelque sorte, pour protéger la valeur de leurs portefeuilles dans la durée.
Les turbulences que traverse aujourd’hui l’ESG pourraient au fond constituer une opportunité à plusieurs titres : une opportunité pour recalibrer plus sainement la finance durable (lutte contre l’ESG-washing, réalignement sur la création de valeur) d’une part et, d’autre part, une opportunité pour les investisseurs européens de mettre les bouchées doubles pour occuper le terrain laissé libre par le retrait américain.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse