Quel avenir pour la dette des entreprises ukrainiennes ?

Romain Lacoste, gérant chez IVO Capital Partners
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Romain Lacoste, gérant chez IVO Capital Partners

Prises dans l’engrenage du conflit, l’Ukraine et les entreprises du pays doivent faire face à leurs échéances sur les marchés de capitaux internationaux.

Portée par la flambée du cours des céréales et les récoltes exceptionnelles de l’année 2021, l’économie ukrainienne commençait à rebondir après la révolution Euromaïdan. Le niveau des réserves du pays a atteint 31 milliards de dollars en décembre, leur plus haut depuis dix ans. L’intervention russe a mis fin de manière abrupte à la dynamique positive. Les images des décombres de l’usine d’Azovstal à Marioupol laissent imaginer l’impact du conflit sur l’économie ukrainienne, du moins dans les zones directement affectées, qui représentent près de 25 % du PIB du pays.

Le gouvernement, privé d’une partie de ses recettes fiscales et devant financer l’effort de guerre, doit trouver 5 milliards de dollars chaque mois pour couvrir ses dépenses. A ce rythme, le niveau d’endettement du pays pourrait dépasser son PIB d’ici à six mois. Si le gouvernement s’efforce de servir sa dette, une nouvelle restructuration après celle de 2015 paraît probable. Le cours des obligations souveraines incorpore déjà une forte probabilité de défaut et un niveau de recouvrement bas. Celui-ci est toutefois multifactoriel. Il pourrait s’avérer plus ou moins élevé que le cours actuel des obligations, soit 33% du pair, selon la durée du conflit – que chacun espère le plus court possible – et le niveau de soutien international pour la reconstruction du pays.

Selon certains scénarios – improbables en l’état actuel des choses –, les puissances occidentales, détenant une grande partie des réserves de change de la Russie, pourraient utiliser ces actifs afin de dédommager l’Ukraine des destructions liées à la guerre. Et ce, avec un impact positif sur le niveau de recouvrement sur les obligations souveraines. C’est une chose de geler des actifs, c’en est une autre de les saisir. Mais comme chacun sait, la créativité géopolitique n’a pas de limite.

La situation est différente pour les entreprises ukrainiennes. Les émetteurs privés sont en majorité des exportateurs de matières premières en bonne condition financière, avec des leviers d’endettement modérés et une liquidité confortable. Si le conflit pose évidemment des problèmes d’ordre opérationnel, l’actif productif a pour l’instant été bien préservé dans l’ensemble, en particulier dans la partie ouest de l’Ukraine qui regroupe la majeure partie des terres arables du pays. La saison d’ensemencement s’est terminée avec succès et les conditions climatiques actuelles laissent entrevoir une récolte abondante cet automne. Le principal obstacle à l’exportation, qui vient du blocage des ports de la mer Noire par la flotte russe, a été en partie surmonté avec l’émergence de routes alternatives, notamment via le Danube. Les exportateurs ukrainiens sont de nouveau en mesure de générer des revenus en dollars. Ils prévoient pour la plupart de continuer à servir leurs obligations internationales, dont certaines traitent à 50 % de leur valeur faciale, ce qui offre un potentiel d’appréciation important et totalement décorrélé de l’environnement économique global.

Au-delà de l’investissement sur le marché secondaire, la question du financement de la reconstruction de l’Ukraine sera sans doute l’un des grands sujets ESG (environnement, social, gouvernance) de la prochaine décennie. Et compte tenu de l’ampleur des besoins, les investisseurs internationaux devront prendre leurs responsabilités dans ce processus, au même titre que les institutions multilatérales.

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