
Prospectus, le vœu pieux de la simplification
Dans le cadre de l’Union des marchés de capitaux de l’Union européenne, la modification de la directive Prospectus de 2012 visait à élargir à la fois l’accès des PME aux marchés financiers et la base d’investisseurs en Europe. Le but de la Commission était de simplifier les prospectus pour encourager les valeurs moyennes à émettre de la dette et des fonds propres. Le nouveau règlement Prospectus qui entrera en vigueur en juillet 2019 est loin de satisfaire à ces objectifs.
Parmi les grands thèmes du texte, l’allègement des prospectus pour les petites offres et les émetteurs récurrents se traduit par la possibilité de s’affranchir de l’obligation de rédiger un tel document dans certaines conditions. « Pour les petites offres, le seuil en deçà duquel un prospectus n’est pas nécessaire passe de 100.000 à un million d’euros, avec la possibilité laissée aux Etats membres de porter ce seuil jusqu'à 8 millions d’euros », explique Rosetta Ferrère, counsel chez CMS Francis Lefebvre. L’Autorité des marchés financiers (AMF) a lancé une consultation du 24 janvier au 21 février 2018 afin de définir ce nouveau seuil d’exemption pour les offres au public. « Quel que soit le seuil retenu, ces offres ne pourront pas être ‘passeportées’. Toute offre transfrontalière devra se conformer au règlement prospectus », ajoute l’avocate.
Pour les émetteurs récurrents, le règlement leur accorde la possibilité de s’affranchir d’un prospectus dans le cas d’un « tap » (nouvelle émission obligataire à partir d’une souche existante) ou d’une augmentation de capital inférieurs à 20 % du montant initialement émis dans les 12 mois suivant la première émission. « Un ‘tap’ obligataire n’est pas la même chose qu’une augmentation de capital. Il est difficilement envisageable de ne pas refaire de mise à jour du prospectus initial s’il y a eu des changements dans la situation financière de l’émetteur, estime Cédric Burford, associé de Clifford Chance. Il est donc peu probable que cette règle soit fréquemment utilisée pour les titres de créances. »
Hiérarchisation
Autre disposition sujette à caution, la mention des facteurs de risques dans le prospectus. « Les règles applicables aux facteurs de risques n’avaient quasiment pas changé depuis la première directive de 2003, mais la pratique avait évolué vers une présentation de plus en plus fournie et standardisée ne permettant pas aux investisseurs d’identifier réellement les risques spécifiques ou d’évaluer leur importance », rappelle Rosetta Ferrère. Désormais, les émetteurs devront les lister selon trois principes : identifier les facteurs de risques propres à l’entreprise et aux titres financiers, évaluer leur importance selon leur probabilité d’occurrence et l’ampleur estimée de leur impact, et les présenter par nature dans un nombre limité de catégories en les hiérarchisant. « Les entreprises vont devoir pondérer ces facteurs de risques entre leur probabilité de se réaliser et leur impact, ce qui restera subjectif. Elles risquent de vouloir mettre un maximum de ces facteurs dans la catégorie hauts risques », prévient Cédric Burford.
Pour les émissions dont le montant nominal par titre est inférieur à 100.000 euros, les entreprises devront rédiger un résumé du prospectus limité à 7 pages et mentionnant les 15 facteurs de risques les plus importants, confrontant là aussi les émetteurs à des choix complexes. « Au-dessus d’un montant unitaire de 100.000 euros, les émetteurs de dette structurée seront de toute façon rattrapés par le règlement Priips (Packaged Retail Investment and Insurance-based Products) qui prévoit de rédiger un document d’information clé de trois pages en cas de placement auprès de particuliers, ce qui est probablement encore plus difficile que le résumé du règlement Prospectus », souligne l’associé.
Seule réelle satisfaction pour les émetteurs français, le règlement introduit le document d’enregistrement universel (URD) permettant de mettre à disposition du marché toutes les informations sur l’entreprise pour chaque exercice, qui pourra être passeporté et servir à la constitution du prospectus afin d’émettre plus rapidement. L’URD ayant été directement inspiré du document de référence français, son adoption par les émetteurs tricolores se fera sans accroc.
Pour aller plus loin, la consultation de l’AMF sur le seuil de prospectus dans la version digitale de L’AGEFI HEBDO
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