
L’Opep+ contente Washington mais déçoit les marchés pétroliers

Il n’a pas été question de «guerre en Ukraine», ni même de «conflit». Officiellement, la décision de l’Opep+ d’augmenter sa production de pétrole plus qu’attendu est liée à «la réouverture la plus récente des confinements dans les principaux centres économiques mondiaux», selon le communiqué publié par l’organisation jeudi. Les pays de l’Opep+, dont la Russie fait partie, ont convenu d’augmenter leur production de pétrole brut de 650.000 barils par jour (bpj) aux mois de juillet et d’août. Cette hausse est supérieure à celle de 430.000 barils par jour appliquée chaque mois depuis que ces pays ont recommencé à augmenter leur production après l’avoir drastiquement baissée en 2020.
Les Etats-Unis, qui faisaient pression pour que l’Arabie Saoudite pousse les pays producteurs à augmenter leur production, s’estiment satisfaits. Cependant, alors que les marchés avaient anticipé cette nouvelle, le prix du baril ayant reculé ces dernières séances, son officialisation n’a pas eu le même effet. Les cours se sont en effet redressés jeudi, à près de 118 dollars le baril, en hausse de près de 2% par rapport au jour précédent.
Cette réaction s’explique de plusieurs manières. En premier lieu, cette hausse de la production de 50% supérieure à celle qui était prévue n’en est pas réellement une. L’Opep+ explique qu’elle a simplement reporté sur les mois de juillet et d’août la hausse qui était déjà programmée en septembre. Par ailleurs, ce mouvement est loin de compenser les effets del’embargo européen sur le pétrole russe. «L’Europe veut supprimer entre 2 et 3 millions de barils par jours en provenance de la Russie d’ici à la fin de l’année. Avec l’augmentation de 630.000 barils par jour décidée par l’Opep+, le compte n’y est clairement pas», déclare Benjamin Louvet, gérant spécialiste des matières premières chez Ofi AM.
Doutes sur les réserves disponibles
Ensuite, des doutes subsistent sur la capacité des pays producteurs à réellement répondre à la demande. Au mois de mai, les pays de l’Opep+ affichaient une production inférieure de près de 3 millions de barils par jour aux quotas qui leur étaient attribués. Sur ce nombre, la Russie ne pesait que pour 900.000 barils par jour. Or, un professionnel du secteur considère «qu’il n’est pas envisageable qu’avec un prix du baril supérieur à 100 dollars, les pays fassent exprès de limiter leur production». Certains d’entre eux, comme le Nigeria, ou l’Angola, ne peuvent tout simplement pas remplir leurs quotas.
Reste les pays capables d’augmenter leur production, comme l’Arabie Saoudite ou les Emirats arabes unis. A la fin du mois d’août, ils pourraient décider d’accélérer le mouvement en mettant davantage de barils sur le marché. Ils joueraient leur rôle de producteurs d’appoint (swing producer), qu’ils ont souvent rempli par le passé. Encore faut-il qu’ils en soient capables. «L’Arabie Saoudite n’a les capacités de libérer rapidement que 500.000 à 1 million de barils par jour, explique Benjamin Louvet. Ce ne sera pas assez pour compenser le double effet de l’embargo sur la Russie et de la hausse prévue de la demande au quatrième trimestre.» L’Agence internationale de l’énergie, qui prévoit une demande de 100 millions de bpj au troisième trimestre, s’attend à ce qu’elle s’accroisse. Les effets de la sortie de la Chine de sa période de confinement, et la reprise du trafic aérien, qui représente 8% de la consommation mondiale de pétrole, devrait pousser la demande à 102 millions de barils par jour pendant les trois derniers mois de l’année, selon les prévisionnistes.
La victoire politique obtenue par les Etats-Unis pourrait donc n’avoir que peu de conséquences sur les prix dans les semaines, voire les mois à venir. «Il n’est pas impossible que, pendant l’été, les cours du baril atteignent 140 ou 150 dollars», estime Benjamin Louvet.
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Honiara - Les dirigeants des îles du Pacifique ont ouvert mercredi leur sommet aux îles Salomon, une rencontre marquée par des accusations d’ingérence visant la Chine à l’influence régionale croissante. Les îles Salomon, alliées de Pékin, ont interdit cette année à la plupart des acteurs non-membres, dont Taïwan, d’assister comme d’ordinaire aux réunions du Forum des îles du Pacifique (FIP) - une organisation regroupant 18 membres dont l’Australie, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Selon certains observateurs, Honiara agit sur demande de Pékin pour exclure Taïwan, dont la Chine revendique la souveraineté. La Chine cherche à renforcer son influence dans le Pacifique Sud. Elle compte parmi les partenaires les plus importants des îles Salomon, avec lesquelles elle a signé un pacte de sécurité en 2022. Pékin a même fait don de véhicules et d'équipements de police en amont du forum. Et c’est dans un stade de 10.000 places construit et financé par le pouvoir chinois dans la capitale, Honiara, qu’a eu lieu lundi une cérémonie de bienvenue pour les dirigeants. A l’ouverture du sommet, la présence policière a été renforcée dans la capitale. Les réunions ont commencé vers 09H00 mercredi matin (22H30 GMT mardi) et se tiendront principalement à huis-clos. Les observateurs craignent que des dissensions au sujet de la Chine lors du sommet ne compromettent la coopération régionale, essentielle dans tous les domaines, du changement climatique à la santé, en passant par la sécurité. «Des influences extérieures nous dictent désormais qui nous pouvons inviter», a accusé auprès de l’AFP le chef de la diplomatie néo-zélandaise, Winston Peters, le mois dernier. «Eléphant dans la pièce» La Chine est devenue «l'éléphant dans la pièce», explique aussi à l’AFP Mihai Sora, ex-diplomate australien aujourd’hui directeur du programme des îles du Pacifique au Lowy Institute. Pékin a même indiqué qu’il serait présent au sommet, sous une forme ou une autre, alors même qu’il n’est pas membre du FIP. L’ambassadeur de Chine aux Salomon, Cai Weiming, a affirmé que l'équipe de liaison de la police chinoise, déployée dans le pays insulaire au titre du pacte de sécurité, pourrait participer à la gestion de la sécurité du sommet. Des responsables néo-zélandais ont dit à l’AFP craindre que le forum ne «s’effondre» si la Chine y participait. Les points de tension ne manqueront pas. Outre la Chine, la coopération en matière de sécurité transnationale devrait être un sujet sensible. Des Etats membres ne veulent pas renoncer à ce qu’ils considèrent comme une souveraineté durement acquise, même pour faire face aux menaces régionales. Le changement climatique sera également une thématique majeure après la victoire du Vanuatu devant la Cour internationale de justice, établissant que les Etats sont tenus de lutter contre le changement climatique, faute de quoi ils doivent accorder des réparations. Si les partenaires du Forum travaillent ensemble sur la gestion des risques de catastrophes naturelles, certains s’inquiètent de voir des membres s’ouvrir à l’exploitation minière en eaux profondes ou à l’exploration pétrolière et gazière. Ben STRANG © Agence France-Presse -
« Bloquons tout » : une journée pour jauger la colère sociale en France
Paris - La France se prépare mercredi à une journée agitée dans le sillage de l’appel à «Bloquons tout» né sur les réseaux sociaux et qui devrait permettre de jauger la colère sociale, dans un pays en pleine crise politique. Blocages d’infrastructures de transports, de sites symboliques ou de lycées, manifestations, grève de la carte bancaire... Au lendemain de la nomination de Sébastien Lecornu qui remplace François Bayrou tout juste évincé de Matignon, et huit jours avant une mobilisation syndicale, une myriade d’actions sont prévues dès l’aube dans les métropoles, les petites villes et les campagnes. Mais l'étendue de la mobilisation reste incertaine. Quelque «80.000 gendarmes et policiers» sont mobilisés et «aucun blocage» ne sera toléré, a prévenu le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau. Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a dit pour sa part s’attendre à des actions «coups de poing», le mouvement ayant été «repris par l’ultragauche», mais ne pas penser qu’il mobiliserait «la société civile». Ce mouvement horizontal, né sur les réseaux sociaux et sans chef de file identifié, rappelle celui des Gilets jaunes, il y a sept ans, mais rassemble des personnes plus jeunes et plus politisées, selon une enquête de la fondation Jean Jaurès. Il conteste les mesures d'économie annoncées mi-juillet par François Bayrou (suppression de deux jours fériés, allongement du délai de carence en cas d’arrêt-maladie, doublement des franchises médicales, monétisation de la cinquième semaine de congés payés...) et rejette les classes dirigeantes, en particulier Emmanuel Macron. Selon un sondage pour la Tribune dimanche, 46% des Français soutiennent le mouvement. Dès lundi soir, des pots de départ de François Bayrou, ont rassemblé 11.000 personnes devant des mairies dans toute la France, selon une source policière, donnant un avant-goût de la mobilisation. Pour parer aux blocages, le patron du Groupement Mousquetaires/Intermarché, Thierry Cotillard, a ordonné des livraisons plus importantes qu’habituellement et dénoncé comme «vol» les appels aux «chariots gratuits». Si les TGV doivent circuler normalement et les métros parisiens quasi normalement, des perturbations sont prévues sur certaines lignes d’Intercités, TER et sur le réseau francilien (RER B et D, lignes H et R) ainsi que dans tous les aéroports français. Des tentatives de blocages de portes de Paris, des rocades de plusieurs villes et d’autoroutes sont aussi prévues. Dès mardi après-midi, des messages sur les panneaux du périphérique de la capitale indiquaient ainsi «Manifestation 10/09 - éviter Paris», a constaté l’AFP. Les autorités surveillent particulièrement les «points d’intérêts vitaux», comme les raffineries. «Position de force» L’une des inconnues tient à la visibilité que parviendra à atteindre ce mouvement, partiellement soutenu par les syndicats. La CGT et Solidaires ont appelé à le rejoindre quand la CFDT et FO, notamment, ont préféré se concentrer sur la journée intersyndicale du 18, ce qui n’empêche pas certaines sections de se mobiliser le 10. Pour la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, «les travailleurs et les travailleuses sont en position de force» et doivent se mobiliser «le 10 et surtout le 18 septembre». La convergence des colères se fait aussi, partiellement, avec celle du monde agricole. La Confédération paysanne, 3e syndicat agricole français, a annoncé sa participation. «Je suis très en colère de la politique qui a été menée», confie le porte-parole de la Confédération paysanne en Côte-d’Or, Thomas Maurice, qui manifestera mercredi après-midi à Dijon. Cet éleveur de chèvres dénonce la paupérisation des agriculteurs et «un système cadenassé au service d’une caste de la FNSEA», le premier syndicat agricole. Bérénice (prénom d’emprunt), cofondatrice de l’association des mères isolées, participera à des actions à Paris. «Les mères isolées sont très fortement attaquées depuis plusieurs années, avec la loi plein emploi et le RSA sous conditions» et «le budget va encore plus nous mettre à genoux», dénonce-t-elle. Le mouvement se poursuivra-t-il au-delà du 10 jusqu'à la journée syndicale du 18 ? «Il faut une action de masse, s’il faut une semaine de grève on la mettra, l’objectif c’est que Macron dégage», s’enflamme Sylvain Chevalier, secrétaire CGT du CSE à la centrale de Paluel (Seine-Maritime) où un piquet de grève se tient mercredi. Béatrice JOANNIS © Agence France-Presse -
Sébastien Lecornu prend ses marques à Matignon un jour de mobilisation
Paris - Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu, accueilli sévèrement par les oppositions, prend ses marques mercredi à Matignon le jour même d’une mobilisation pour «bloquer» le pays, avec pour mission de consulter les forces politiques avant de former un gouvernement. Troisième chef du gouvernement nommé depuis la dissolution, cinquième depuis le début du second quinquennat d’Emmanuel Macron, Sébastien Lecornu, âgé de 39 ans, succède à François Bayrou, renversé lundi par l’Assemblée nationale. Celui-ci l’avait doublé en décembre en forçant sa nomination alors que l’ex-ministre des Armées était déjà pressenti à ce poste. La passation de pouvoir entre les deux hommes a lieu à midi, le jour même d’une mobilisation pour «bloquer» le pays initiée par divers mouvements, dont l’ampleur reste indéterminée, avant une mobilisation syndicale le 18 septembre. Ce sera l’occasion pour Sébastien Lecornu, homme politique discret inconnu du grand public, de se présenter aux Français. Il a affirmé sur X mardi soir qu’il «mesurait leurs attentes» et qu’il «connaissait les difficultés» qu’ils rencontraient. «Nous sommes au travail, avec humilité, et nous allons tout faire pour y arriver». Première tâche confiée par Emmanuel Macron à ce fidèle compagnon venu de la droite, ministre de tous ses gouvernements depuis 2017: «consulter» les forces politiques en vue de trouver des «accords» pour préserver la «stabilité institutionnelle» du pays, alors qu’il ne dispose à l’Assemblée nationale d’aucune majorité. Le nouveau locataire de Matignon a déjà entamé ses consultations, selon un conseiller de l’exécutif. Sa mission est à haut risque dans un paysage politique éclaté et au vu des réactions très fraîches voire hostiles des oppositions à l’annonce de sa nomination. «Colère sociale» Alors que le président de la République a invité sa fragile coalition du centre et de la droite à «travailler» avec le Parti socialiste pour «élargir» son assise, le mouvement d’Olivier Faure a estimé qu’il prenait le «risque de la colère sociale légitime et du blocage institutionnel du pays» en nommant M. Lecornu. Pour tenir, le futur gouvernement devra obtenir a minima une non-censure du PS, indispensable pour doter la France d’un budget pour 2026, dont la préparation vient de faire tomber le gouvernement sortant qui avait présenté un effort de 44 milliards d’euros. Selon un interlocuteur régulier d’Emmanuel Macron, ce dernier pourrait cette fois accepter de réelles concessions aux socialistes, par exemple sur la taxation des plus riches, jusqu’ici un tabou pour lui. «Sans justice sociale, fiscale et écologique, sans mesures pour le pouvoir d’achat, les mêmes causes provoqueront les mêmes effets», a prévenu le PS qui proposait de nommer Olivier Faure à Matignon. Le Rassemblement national et les Insoumis ont pour leur part dénoncé la proximité entre le président et son nouveau Premier ministre, promettant la censure faute de changement de cap politique. «Le président tire la dernière cartouche du macronisme», a réagi Marine Le Pen, qui réclame une nouvelle dissolution, tandis que Jean-Luc Mélenchon dénonçait «une triste comédie de mépris du Parlement» en demandant une nouvelle fois le départ du président. «Calme» A l’inverse, l’ancien Premier ministre et candidat d’Horizons à la présidentielle Edouard Philippe a estimé que Sébastien Lecornu avait les «qualités» pour «discuter» et «trouver un accord» avec les autres partis. Le président des Républicains (LR) et ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui réclamait une nomination rapide face aux risques de «débordements» des manifestations de mercredi, s’est dit lui aussi prêt à «trouver des accords» avec M. Lecornu. A l’orée de discussions délicates, l’entourage de Sébastien Lecornu loue le «calme» de l’ancien sénateur normand et son absence d’ambition présidentielle, un «négociateur» qui a pu obtenir un «large consensus» sur la loi de programmation militaire. Alors qu’il a été épinglé dans la presse pour un dîner avec Marine Le Pen, ses proches récusent toute connivence avec le parti à la flamme, soulignant que dans l’Eure, son département, quatre députés sur cinq «sont passés au RN». Ce qui n’empêche pas le député LFI Eric Coquerel de le voir comme celui qui peut «aller chercher non pas du côté du PS mais du RN», en «surjouant» sur «l'économie de guerre» et les «intérêts vitaux de la France». L’intéressé entend lui composer son gouvernement sur la base de «la défense de (l’) indépendance» du pays, du «service des Français» et de «la stabilité politique». Anne RENAUT © Agence France-Presse