
Londres se donne la hausse des impôts comme principal horizon

En décidant, le 3 mars, d’augmenter le taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, le ministre des Finances de Boris Johnson, Rishi Sunak, a renversé une tendance historique et rompu avec l’un des tenants de l’idéologie conservatrice. La corporate tax, qui s’élève à 19 %, passera à 25 % après 2023, a annoncé le chancelier de l’Echiquier lors de la présentation du budget.
Cette hausse d’impôt, qui devrait rapporter l’équivalent de près de 20 milliards d’euros supplémentaires par an au Trésor public britannique, est considérée comme « risquée » par certains économistes. Paul Johnson, directeur de l’Institute for Fiscal Studies, un centre de réflexion de référence en matière de finances publiques, n’a pas caché sa surprise. Il craint de voir le Royaume-Uni perdre en attractivité auprès des investisseurs. Le taux de l’impôt sur les bénéfices restera certes inférieur à la moyenne des taux en vigueur dans les pays du G7, comme Rishi Sunak ne cesse de le répéter, mais la comparaison avec les pays membres de l’OCDE est moins flatteuse pour Londres : 24 pays sur 36 imposent les bénéfices des sociétés à un taux inférieur à 23 %.
Pour autant, la décision du ministre des Finances britannique n’est pas aussi audacieuse qu’il y paraît de prime abord. D’abord, parce que la hausse de 6 points ne sera appliquée qu’à partir de 2023. De surcroît, les entreprises qui réalisent un bénéfice annuel inférieur à 250.000 livres sterling (environ 290.000 euros) continueront à être taxées à 19 %.
Parallèlement à cette hausse, Rishi Sunak a également annoncé des mesures de soutien aux entreprises qui ont « émoussé » le choc suscité par la remontée prochaine de l’impôt sur les bénéfices, selon Adam Marshall, directeur général des Chambres de commerce britanniques. Le maintien du chômage partiel jusqu’à septembre prochain et le super crédit d’impôts aux entreprises qui investissent dans des usines et des équipements, en vigueur jusqu’en 2023, ont permis de faire passer la pilule.
Optimisme
Pour autant, la question de savoir comment le Royaume-Uni va stabiliser sa dette et relancer sa machine économique reste à peu près entière. « Comme on pouvait s’y attendre à ce stade de la crise, les annonces budgétaires donnent une vision limitée de la stratégie fiscale du gouvernement à moyen terme. (...) La trajectoire de la notation du Royaume-Uni dépendra, en grande partie, de la façon dont le pays reconstruit sa résilience fiscale et accroît son potentiel de croissance », estime Evan Wohlmann, analyste chez Moody’s.
Pour rétablir les finances publiques, le gouvernement va davantage taxer le revenu des salariés. A partir de l’année prochaine, le seuil de l’ « income tax » sera gelé jusqu’en 2026 de sorte que 1,3 million de Britanniques deviendront imposables et 1 million de contribuables supplémentaires verront leurs revenus taxés à 40 %.
Concernant la croissance, pour les deux prochaines années à venir, Rishi Sunak semble beaucoup compter sur la consommation des ménages pour relancer le moteur économique britannique, après une contraction historique de 9,9 % du PIB en 2020. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey, est également persuadé que l’activité économique du Royaume-Uni s’apprête à rebondir, dynamisée par une campagne de vaccinations menée tambour battant et la levée progressive du troisième confinement à partir du mois d’avril. Privés de sorties pendant près d’un an, les Britanniques dont l’épargne a gonflé à la faveur de la crise sanitaire seraient prêts à multiplier les sorties au pub et au restaurant pour rattraper le temps perdu.
L’Office for Budget Responsibility (OBR), l’organisme indépendant qui évalue la gestion des finances publiques, est optimiste pour 2020 et 2021. Il prévoit 4 % de croissance cette année et 7,3 % l’an prochain. Par contre, des prévisions pour 2023-2025 ne dépassent pas 1,6-1,7 % de croissance et son directeur, Richard Hughes, craint l’annonce de hausses d’impôts supplémentaires d’ici à la fin du troisième trimestre. « Le gouvernement va au-delà de difficultés importantes cet automne parce qu’il a peu anticipé sur les dépenses qui découleront des difficultés posées par la pandémie », a fait savoir Richard Hughes, en référence notamment aux coûts liés à la campagne de vaccination contre le Covid.
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