
L’ombre du doute plane sur la dette française

Les marchés ignorent encore les gros titres apocalyptiques qu’inspire la réforme des retraites et la contestation qui l’accompagne. Les écarts de taux entre le rendement 10 ans allemand et français restent contenus. Ils ont même diminué de 5 points de base (pb) entre le plus haut niveau de l’année, atteint le 17 mars (57 pb), et celui de mardi. Mais pour combien de temps ?
La France n’est pas une exception en Europe. «Depuis le début de l’année, les écarts de taux européens réagissent peu aux différentes nouvelles, remarque Arnaud-Guilhem Lamy, responsable des stratégies de gestions obligataires euro-aggregate chez BNP Paribas AM. Les marchés ont été rassurés par l’outil anti-fragmentation de la BCE et le programme NextGen EU. Surtout, un effet lié au marché primaire joue : les émissions allemandes atteindront un niveau record cette année, tandis que l’augmentation des émissions des emprunts français, espagnols ou italiens sera plus limitée».
Certes, l’impact macroéconomique des grèves est faible. L’Insee rappelle que celui-ci oscille entre 0,1 et 0,4 point de PIB d’un trimestre sur l’autre. Lors d’une grève des transports, l’impact est direct, avec la baisse de la valeur ajoutée du secteur, et indirect, en raison des perturbations de la production et des dépenses. La crise des Gilets jaunes, durant laquelle le spread OAT-Bund avait progressé de 10 pb, avait ainsi écorné la croissance de 0,1 point de PIB, contre 0,2 point lors de la grève des transports de 2018. Le blocage des raffineries pourrait s’avérer plus problématique, tempère Oxford Economics, qui chiffre toutefois l’impact du mouvement à seulement 0,1 point sur le PIB du deuxième trimestre 2023.
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Energie
A ce titre, le reflux des craintes liées à l’énergie efface les effets des mouvements sociaux. Les PMI sont ainsi ressortis en amélioration : l’indice composite publié mardi est remonté à 54,0 pour le mois en cours, contre 51,7 en février. L’indice pour les services, pourtant davantage concernés, remonte à 55,5 après 53,1 le mois précédent.
Pas sûr pour autant que le résultat de la réforme ne soit pas suivi par les investisseurs. «La contestation est plus lourde de conséquences au plan politique. Emmanuel Macron est fragilisé, ce qui peut le conduire soit à l’immobilisme, soit à une tentative de recentrage vers la gauche à rebours de l’approche pro-entreprises suivie jusqu’alors», écrit Bruno Cavalier, chef économiste d’Oddo BHF. Deux solutions qui seraient mal perçues par les marchés et tendraient la prime de risque française, estime l’économiste. Oxford Economics abonde, estimant qu’un retrait du texte ferait grimper les écarts de taux.
Or, chaque écart durable de 10 pb supplémentaire entre le titre à 10 ans français et allemand correspondrait à 40 milliards d’euros de dette supplémentaire à 2040, toutes choses égales par ailleurs. Selon le chiffrage du gouvernement, qui n’inclut pas les coûts liés à la réforme, celle-ci n’apporterait que 17,7 milliards d’euros de recettes. Le gouvernement pourrait donc devoir s’attacher à envoyer des signaux positifs aux investisseurs internationaux plutôt qu’aux manifestants, alors que le montant de la dette française frôle les 3.000 milliards d’euros.
«Les marchés ont tendance à se concentrer sur les élections lorsqu’il s’agit d’intégrer le risque politique», tempère un économiste. Lors de la dernière élection, l’écart OAT-Bund avait gagné 30 pb. «Le reste du temps, l’évolution des spreads dépend surtout de la dynamique de déficit et de croissance corrigée des taux d’intérêts». Deux facteurs qui ne sont pas encore en cause en France, mais dont les oscillations seront suivies de près.

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