
L’Occident se prête au jeu délicat des sanctions contre la Russie

La reconnaissance officielle par Moscou des régions séparatistes de Louhansk et de Donetsk en Ukraine a amené les gouvernements occidentaux à annoncer leurs premières sanctions contre la Russie. Dans la foulée de l’allocution du président Vladimir Poutine, la Maison-Blanche avait fait savoir lundi que le président américain Joe Biden allait signer un décret interdisant aux ressortissants américains de procéder à de quelconques échanges commerciaux ou investissements uniquement avec les deux régions indépendantes. Mardi soir, lors d’une conférence de presse, Joe Biden a dévoilé de premières sanctions américaines visant deux grandes banques, VEB et Promsvyazbank, ainsi que la dette souveraine russe afin de couper le pays de tout financement occidental. Des sanctions contre les élites russes seront dévoilées ce mercredi.
Le Royaume-Uni, lui, visera cinq banques et des hommes d’affaires russes pour leurs activités dans les deux régions séparatistes en gelant leurs actifs et voyages outre-Manche. L’Union européenne (UE) a décidé à l’unanimité des pays membres de cibler également 27 représentants, élus et entités russes ayant joué un rôle dans la violation de l’intégrité de l’Ukraine, ainsi que la capacité de la Russie à accéder aux marchés de capitaux et services financiers européens. «La réaction allemande de suspendre la certification du gazoduc Nord Stream 2 a été étonnamment rapide pour tout le monde», indique Martin Quencez, directeur du bureau de recherche à Paris du think thank German Marshall Fund of the United States.
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a souligné que les sanctions de l’UE viseraient des décideurs russes et des banques finançant des opérations en Ukraine. Mais il a ajouté qu’elles ne constituaient qu’une partie de la réaction européenne aux actions de la Russie, sans préciser la suite.
«On peut saluer l’unité de l’UE et de l’Otan, ce qui n’était pas évident au début de la crise, poursuit Martin Quencez. Tout le monde a conscience que les Accords de Minsk ont cessé lundi. La reconnaissance des deux régions ukrainiennes autonomes par la Russie, dont le président a obtenu mardi le feu vert pour l’utilisation des troupes dans le Donbass, redessinent encore les frontières de l’Europe définies après la guerre froide. Le scénario d’une stabilisation de cette ‘zone grise’ est possible, mais le coût économique et politique pour Vladimir Poutine est inférieur aux bénéfices : il est alors probable qu’il enclenche une phase 2, d’autant que la reconnaissance ne s’arrête pas à la ligne de front entre Ukrainiens et séparatistes, mais à toute la région», ajoute-t-il.
Interdire toutes les transactions ?
Des réponses militaires directes ne sont pas prévues. En cas d’escalade, les Occidentaux pourraient opter pour des sanctions économiques plus importantes. Dont celle évoquée par la Maison-Blanche de demander à l’entreprise Swift de débrancher du protocole des transactions internationales les entreprises et banques russes. «Mais Swift n’opère pas les transferts de fonds : c’est une coopérative qui propose une messagerie pour mettre en relation les quelques 11.000 institutions ou entreprises connectées lorsque les clients des banques doivent boucler une transaction, rappelle Hervé Postic, directeur général du cabinet de conseil Utsit (Universwiftnet). C’est aussi une société privée, avec une gouvernance précise et indépendante.» La société belge ayant quand même répondu positivement à la demande de «débrancher» l’Iran (en 2012) et la Corée du Nord (en 2017), le Parlement européen a adopté une résolution sur l’exclusion possible de la Russie en 2021.
Pour Hervé Postic, la question n’est pas tant d’imposer à Swift d’exclure les institutions et entreprises russes que d’interdire, également par la loi, leurs homologues américaines ou européennes de conclure des transactions avec elles. «Une entreprise russe qui vend des services à une entreprise européenne doit par exemple passer par la banque correspondante de sa banque russe en zone euro pour être créditée de la somme dans cette devise», poursuit l’expert des paiements. Seule la conversion des euros en roubles établirait le transfert des fonds en Russie.
Dans le cas symbolique de Gazprom qui vend du gaz naturel aux opérateurs européens, les transactions se déroulent en dollars, donc entre banques correspondantes aux Etats-Unis. Et la législation américaine aurait la capacité d’interdire à des banques européennes ayant des activités outre-Atlantique d’organiser de telles transactions en euros.
Reste à savoir si l’UE et les Etats-Unis souhaitent vraiment se couper des échanges avec les Russes, notamment pour le gaz, qui pèse 40% de l’approvisionnement européen et 80% en Allemagne et en Italie. «Ces derniers se sont montrés solidaires mardi. Il faudra voir au moment de prendre des décisions plus sévères», conclut Martin Quencez.
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Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse