L’Espagne retourne aux urnes en pleine croissance

L’incertitude politique pourrait affecter la trajectoire budgétaire.
Xavier Diaz

Pour la troisième fois en quatre ans, les électeurs espagnols se rendront aux urnes le 28 avril. L’échec du vote du budget 2019 par la coalition menée par le socialiste Pedro Sanchez (PSOE), aux côtés de Podemos et des indépendantistes (dont les catalans), est à l’origine de ce scrutin législatif anticipé. Cette situation n’inquiète pas les investisseurs : « Les ‘spreads’ espagnols n’ont pas réagi à cette incertitude politique, note Angel Talavera, économiste chez Oxford Economics. Ils pensent que cela se passera bien, comme cela a été le cas ces dernières années. » La croissance espagnole constitue un soutien fort. Elle reste au-dessus de son potentiel (estimé à 1,5 %) et surtout de la moyenne de la zone euro. Ce cycle d’expansion devrait se poursuivre entre 2019 et 2021, selon la Banque d’Espagne, qui prévoit une croissance de 2,2 % en 2019. L’économie espagnole est d’abord soutenue par la demande interne, grâce notamment à la consommation des ménages (+2,3 % en 2019). Le secteur des services est en forte croissance, comme en témoigne un indice PMI à près de 57. La baisse du taux de chômage à 14,7 %, la hausse du pouvoir d’achat (grâce à la baisse des prix de l’énergie mais aussi au bond de 22 % du salaire minimum) expliquent cette résistance. De quoi compenser le ralentissement de la demande externe.

« Les élections ne devraient pas être un canal d’affaiblissement de la croissance », juge Frédérique Cerisier, économiste à BNP Paribas. En revanche, cela peut affecter les finances publiques et poser la question de la trajectoire de la dette publique, qui s’élève à 97,7 % du PIB. Le FMI anticipe une baisse à 92,5 % à l’horizon 2023. « Cela va dans le bon sens mais la dette reste élevée, poursuit l’économiste. Elle ne diminue que grâce à la croissance et à la baisse des taux d’intérêts souverains. La question de savoir comment assurer sa réduction de façon plus durable se posera à moyen terme. » Le problème est que le vote du budget devient un enjeu politique avec pour conséquence que le déficit structurel n’évolue guère. Les difficultés politiques des dernières années ont pu empêcher les différents gouvernements de réaliser la consolidation budgétaire nécessaire au moment adéquat, quand la croissance dépassait 3 %. Les derniers sondages donnent une victoire au PSOE mais sans majorité absolue. Il devra trouver des alliés pour former une coalition, que ce soit avec Podemos ou Ciudadanos et des indépendantistes, dont les Catalans. « Ce sera un gros problème », juge Oxford Economics, qui estime élevé le risque d’une deuxième élection. Or, sans majorité forte, les budgets seront adoptés avec plusieurs mois de retard, comme en 2017 ou 2018.

POTENTIEL FAIBLE

Par ailleurs, si les réformes, du marché du travail notamment, ont permis d’améliorer la compétitivité du pays, leurs effets sont désormais passés, indique Goldman Sachs. De son côté, Natixis estime que si la dévaluation interne menée par l’Espagne après la crise a produit des effets positifs, elle n’a pas amélioré la situation de long terme de l’économie : la croissance potentielle reste faible, le chômage structurel élevé et la réindustrialisation insuffisante. Au-delà de l’aspect structurel, un ralentissement plus marqué de l’économie, comme le prévoit la Société générale (1,3 % en 2020), dans un contexte politique incertain, pourrait enrayer la croissance. « Nous prévoyons une demande externe plus faible en raison du ralentissement américain. Parallèlement, la croissance interne sera contrainte par plusieurs facteurs : le taux de chômage aura atteint son niveau structurel, la fin du rattrapage de la consommation de biens durables des ménages, dont le taux d’épargne atteint un point bas (6,6 % du revenu disponible), et enfin un investissement qui se tarit », affirme Danielle Schweisguth, économiste à la Société générale. Or, il faut que le gouvernement puisse prendre des décisions face à un ralentissement qui pourrait être plus sévère, ce qui ne sera pas aisé en cas de parlement fragmenté.


Le Portugal en octobre

Toute l’Europe du sud, à l’exception de l’Italie, part en campagne. Portugal et Grèce renouvelleront leur parlement en octobre. Au Portugal, les élections ne devraient pas faire dévier le pays de sa trajectoire d’amélioration des finances publiques, selon les analystes de Scope Rating, qui viennent de relever la perspective à positive et confirmer la note BBB du pays. L’avance du parti socialiste dans les sondages rassure les investisseurs. Le déficit public est passé de 11,2 % du PIB en 2010 à 0,5 % en 2018. La dette s’est réduite à 121,5 % du PIB contre un plus-haut de 130,6 % en 2014. Mais la croissance potentielle (estimée à 1,5 %) reste limitée par des facteurs structurels : faible productivité, position nette extérieure élevée, fragilité persistante du secteur bancaire et vieillissement de la population.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles Economie

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...