Les opérateurs du post-marché déconnectent à leur tour la Russie

L’exclusion des marchés financiers des transactions ciblées laissera des contrats en suspens.
Fabrice Anselmi

Depuis lundi et l’invasion de l’Ukraine, les marchés financiers européens ont commencé à rompre les liens avec la Russie, pour les infrastructures de trading comme pour la compensation et le règlement-livraison. En réponse aux sanctions financières de l’Union européenne (UE), qui prévoient aussi des restrictions sur les dépositaires centraux (CSD), Euroclear a rapidement déclaré avoir coupé son lien avec la chambre de compensation (CCP) Clearstream Banking Luxembourg (groupe Deutsche Börse) pour le règlement-livraison de transactions sur des titres russes et tous les titres libellés en roubles.

Le dépositaire d’Euronext et de la Bourse de Londres - qui poursuivait encore mardi les cotations de Gazprom et Sberbank - cessera de régler les transactions en roubles effectuées hors de Russie à partir du 3 mars, le temps pour les acteurs du marché de s’adapter. Le Royaume-Uni a indiqué qu’il empêchera aussi les banques russes de compenser des transactions en livres sterling, a priori en coordination avec les Etats-Unis qui feraient de même pour celles en dollars – déjà limitées par ailleurs avec un certain nombre de contreparties.

L’autre dépositaire central, Clearstream, a également annoncé, avec effet immédiat, que le rouble ne peut plus être une devise de règlement éligible pour les transactions à l’intérieur ou à l’extérieur de la Russie. «Les instructions en attente actuelles ne seront pas réglées, et les frais de pénalité (en cas de retard au nom du règlement européen CSDR, ndlr) ne seront pas appliqués (…). Les clients ne doivent pas chercher à créditer Clearstream Banking avec des montants en roubles», précise le communiqué. Plus en amont encore, Deutsche Börse a annoncé lundi avoir suspendu la négociation de certaines cotations russes.

Des situations problématiques

Si une plateforme de négociation interdit les transactions dans une devise ou avec des contreparties précises, cela s’arrête là. Qu’en est-il si les ordres ont déjà pu être négociés et éventuellement compensés par la CCP ? «Il se passe en général deux jours entre la transaction et le règlement physique titres/espèces. La compensation suit de près la transaction sur les dérivés, mais peut se dérouler en J+1 voire plus tard sur des instruments plus simples (actions, obligations). Et si l’interdiction de règlement tombe après la compensation, le règlement restera en suspens le temps que le CSD demande à une des contreparties de se retirer pour annuler l’opération», explique Siavash Vaziri, senior manager du cabinet de conseil en stratégie Julhiet Sterwen.

Cette situation problématique est encore plus probable pour les produits dérivés (contrats à terme ou swaps) qui courent sur plusieurs mois. Les experts estiment que les contrats Isda (International Swaps and Derivatives Association) doivent prévoir ce cas de force majeure ou de défaut, lié à une cause externe. Ils soulignent aussi que, même si la contrepartie «payeur» souhaitait régler l’autre contrepartie en lien avec la résiliation ou le débouclage d’un contrat, il est probable qu’elle se trouve rapidement dans l’impossibilité de le faire via le protocole Swift. Il sera intéressant de faire, après coup, le bilan des contrats débiteurs/créditeurs résiliés des deux côtés. En espérant qu’ils n’aient pas entraîné trop d’effets en chaîne.

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