Les minoritaires d’EDF intensifient leur pression sur l’AMF

Les salariés actionnaires dénoncent le conflit d’intérêts potentiel du PDG, Jean-Bernard Lévy, et demandent un nouveau vote sur l’offre de l’Etat, auquel il ne participerait pas.
Bruno de Roulhac

EDF agite les esprits. Alors que la décision de conformité de l’AMF donnant le feu vert à l’offre de l’Etat sur EDF était attendue hier, la nouvelle présidente de l’Autorité, s’est exprimée sur Radio Classique. « L’AMF va faire son travail, c’est-à-dire qu’elle va contrôler la conformité de l’offre. Elle n’est pas juge du prix, ce n’est pas l’AMF qui fixe le prix de l’offre, mais elle va examiner de façon très approfondie, puisque c’est un dossier important, si toutes les conditions, notamment de contre-expertise sur le prix avec un expert indépendant etc., ont été respectés », a expliqué Marie-Anne Barbat-Layani.

Une intervention qui a fait réagir. « Quel est le meilleur moyen de protéger les intérêts des actionnaires minoritaires d’EDF en présence de doutes sérieux sur le caractère équitable du prix d’offre sans remettre en cause ou retarder excessivement le processus d’offre, dans l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes ? », s’interroge Sophie Vermeille, représentant deux fonds américains, dans un quatrième courrier adressé au régulateur, consulté par L’Agefi. Pour elle, la seule solution protégeant les intérêts de l’ensemble des parties prenantes « consiste à déclarer l’offre conforme tout en garantissant la bonne information des actionnaires minoritaires ». Ce qui signifie « de contraindre EDF » à préciser, notamment, les fondements de son contentieux indemnitaire contre l’Etat et le montant réclamé de 8,34 milliards d’euros là où tout « porte à croire que la société aurait dû demander un montant bien plus élevé ». Sophie Vermeille demande aussi que l’AMF précise clairement dans sa décision de conformité « l’ensemble des problèmes identifiés dans le processus d’offre », notamment sur la validité des conclusions de l’expert

La solution est le rehaussement du prix de l’offre

En outre, « il convient également d’interdire à l’État de procéder à des ramassages en Bourse en amont de l’ouverture de l’offre, afin […] d’éviter qu’une infime minorité [d’actionnaires] puisse décider de l’expropriation des autres », ajoute-t-elle. Et si l’Etat a des doutes à pouvoir atteindre le seuil de 90% permettant un retrait obligatoire, « la solution doit être un rehaussement du prix de l’offre », conclut Sophie Vermeille. Et une nouvelle fois, elle redemande la mise en œuvre d’une procédure d’apport purement centralisée des titres à l’offre, qui « permettrait à l’ensemble des actionnaires minoritaires de bénéficier d’un éventuel rehaussement du prix de l’offre par l’État ».

De leur côté, les salariés actionnaires d’EDF jouent leur partition. Alors qu’ils attendent, aujourd’hui jeudi, la décision du président du tribunal de commerce de Paris ce jeudi, sur le référé demandant la suspension des effets de ladélibération du conseil d’administration d’EDF du 27 octobre ayant rendu un avis favorable à l’offre de l’Etat, ils viennent de s’adresser de nouveau aux administrateurs d’EDF et à l’AMF dans un courrier, dont L’Agefi a pris connaissance. Rappelant les raisons de son référé, le FCPE « Actions EDF » propose de convoquer un nouveau conseil, en respectant cette fois-ci les délais de convocation et de mise à disposition des documents, afin de permettre le bon déroulement de l’offre. Surtout ce conseil permettrait de « remédier à [la] situation de conflit d’intérêts potentiel » du PDG d’EDF, Jean-Bernard Levy. D’une part, les salariés actionnaires rappellent que les conditions de nomination et de révocation, du PDG d’EDF sont dérogatoires au droit commun des sociétés anonyme, puisqu’il est nommé par décret et peut être révoqué par décret. Un argument déjà soulevé par Colette Neuville. D’ailleurs, les administrateurs nommés sur proposition de l’État et celui représentant l’État n’ont pas pris part au vote.

Double conflit d’intérêts

D’autre part, Jean-Bernard Lévy est censeur au sein du conseil d’administration de Société Générale. Or, Société Générale est l’une des deux banques présentatrices de l’offre de l’État. « Jean-Bernard Lévy est donc susceptible de voter […] en faveur d’une offre déposée par Société Générale pour le compte de l’État en considération de son intérêt propre de son rôle de censeur au sein du conseil d’administration de Société Générale, et non de l’intérêt de l’offre pour EDF et ses actionnaires minoritaires », précise le courrier. Aussi, les minoritaires mettent « en demeure Monsieur Jean-Bernard Lévy, par le présent courrier, de s’abstenir de participer à toute délibération et à tout vote dans le cadre de cette nouvelle réunion conseil d’administration d’EDF » relatif à l’offre de l’Etat. Contacté par L’Agefi, EDF n’a pas souhaité faire de commentaires sur ce courrier.

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