
Les métaux liés à la transition écologique restent à l’aube d’un «supercycle»

L’année 2021 avait débuté avec l’idée - lancée par Goldman Sachs - d’un nouveau «supercycle» des matières premières, comme au début des années 2000, avec l’explosion de l’économie chinoise. Cette fois, la hausse serait davantage tirée par la reprise mondiale et par la transition écologique. De fait, les métaux liés à la transition ont atteint des sommets en 2021 : 10.780 dollars/tonne pour le contrat LME à 3 mois sur le cuivre le 25 mai (+25% sur l’année) ; 21.130 dollars/tonne pour le nickel le 24 novembre (+26%) ; 70.508 dollars/tonne pour le cobalt le 28 décembre (+120%) ; 32.600 dollars/tonne pour le lithium (+443%) dont les données de marché restent cependant parcellaires ; et 3.171 dollars/tonne pour l’aluminium le 15 octobre (+42%)… Les métaux précieux (or, argent, platine, palladium) ont aussi connu des plus hauts - surtout le palladium à près de 3.000 dollars/once en mai, mais ont tous terminé l’année en baisse, notamment à cause de la chute de la production automobile liée aux difficultés d’approvisionnement au second semestre.
Tous les métaux sont donc loin d’avoir entamé ce «supercycle» lié à la transition écologique. Mais l’année 2022 ne devrait pas freiner une tendancede long terme, à moins que les Etats renoncent à leurs promesses face à des contraintes économiques de court terme. «On est d’accord que la transition coûtera cher, mais ne pas la faire coûterait encore plus cher à nos économies car le coût des dérèglements climatiques ne cessera d’augmenter, et les politiques se les verront reprocher, estime Benjamin Louvet, gérant spécialisé en matières premières d’Ofi AM. Les modèles de calcul de croissance semblent d’ailleurs mal prendre en compte le fait que les matières premières sont en quantité limitée», ajoute-t-il. Il rappelle que les équipements des énergies renouvelables (éoliennes et panneaux solaires) ont vu leur coût remonter pour la première fois depuis longtemps en 2021 - ce sera le cas des batteries électriques en 2022 : «Une hausse de 20% ou même de 40% sur les matières premières changerait la donne».
90% du cuivre extrait en 2050
Une étude du Fonds monétaire internationale (FMI) parue en octobre conclut que la production annuelle des quatre principaux métaux de transition (cuivre, nickel, cobalt, lithium) devrait être multipliée par 4 en moyenne) d’ici à 2040 pour respecter le scénario d’émission de CO2 «net zero» d’ici à 2050 (+1,5°C). La hausse des prix serait de plus de 100% pour le nickel et de plus de 200% encore pour le cobalt et le lithium d’ici à 2030, avec un revenu équivalent alors à celui du pétrole brut. Ne pas retarder les investissements dans la production de métaux éviterait «des augmentations de coûts inutiles» tandis que le recyclage et la conception de produits économes en métal permettraient d'échapper à «une expansion de l’exploitation minière néfaste pour l’environnement».
Le cuivre pourrait être le métal le plus contraint par la transition énergétique. Une étude de l’IFPEN indique que, avec un scénario «net zero» d’ici à 2065 (+2°C) et un recyclage plutôt ambitieux de 40%, «près de 90% des ressources en cuivre aujourd’hui connues (exploitables technologiquement et économiquement, ndlr) seraient extraites d’ici 2050». Cette prévision est moins liée à la consommation dans le réseau électrique et les transports, qu’à celle dans les biens de consommation, l’industrie et la construction. Même si une hausse des prix accroîtrait les ressources exploitables économiquement… L’indicateur IFPEN de «criticité géologique» aboutit entre 65% et 83% pour le cobalt - selon le taux de pénétration des batteries à faible contenu en cobalt, autour de 40% pour le nickel et de 30% pour le lithium.
Du côté des métaux précieux, l’argent semble le plus concerné dans l’immédiat. Meilleur conducteur électrique que le cuivre et l’or, il est utilisé pour 12% dans la production de panneaux solaires actuelles avec 130 GW en 2020, alors que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) espère 620 GW de production annuelle en 2030. Il est aussi utilisé pour 7% dans la production des 5 millions de véhicules électrifiés, que l’AIE espère voir multipliée par 12 en 2030. Le palladium, utilisé dans les pots catalytiques essence et dont la production reste en déficit chronique, devrait être encore plus sollicité pour le traitement des fumées des véhicules hybrides jusqu’en 2025, sans doute beaucoup moins après. Idem pour le platine, qui devrait être très utilisé ensuite pour les électrodes et surtout les piles à combustible nécessaires à la transformation de l’énergie à base d’hydrogène «vert» sur lequel presque tous les Etats comptent. «Selon le producteur Anglo platinum (leader mondial), cela mobilisera 25 tonnes en 2025 et 100 tonnes en 2030, sur une production annuelle de 250 tonnes», poursuit Benjamin Louvet.
Besoin de coordination
L’aluminium, très utile pour alléger le poids de véhicules électriques et pour les cadres des panneaux solaires, devra résoudre la contrainte d’une production «sale», mais l’AIE estime qu’une bonne partie des émissions de CO2 induites (21% des 11% d’émissions dues aux métaux, contre 70% dues aux énergies fossiles) pourraient être réduites à terme.
«Dans ce contexte, il est regrettable que les métaux n’aient pas été intégrés tout de suite à la taxonomie européenne sur les investissements durables qu’il faudra faire évoluer, même en ajoutant la condition que leur production progresse sur les émissions de CO2, conclut Benjamin Louvet. Avec une Chine passée de 10% à 50% de la consommation de métaux entre 2000 et 2021, des producteurs différents des énergies fossiles, et parfois très limités (essentiellement le Congo pour le cobalt ; seulement 5 entreprises pour 80% du lithium), les Etats vont aussi devoir retravailler sur leur collaboration internationale autour des énergies de la transition.» Vaste programme.
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