Les mesures de la BCE limitent l’impact de la hausse du coût des dépôts pour les banques

Avec le prolongement des opérations de refinancement à long terme, les banques pourront continuer à se financer dans de bonnes conditions. Mais l’afflux de dépôts pèse.
Fabrice Anselmi
BCE banque centrale européenne ECB à Francfort.
La BCE a prolongé de juin 2021 à juin 2022 la période pendant laquelle ces TLTRO 3 se réaliseront.  -  Copyright ECB / Robert Metsch (CC BY-NC-ND 2.0)

La Banque centrale européenne (BCE) a recalibré jeudi ses opérations de refinancement à long terme ciblées (TLTRO 3) afin de soutenir le crédit bancaire face à la crise du Covid-19 dont les impacts économiques pourraient se matérialiser davantage au fur et à mesure que les soutiens des Etats se réduiront. Le Conseil des gouverneurs a donc prolongé de juin 2021 à juin 2022 la période pendant laquelle ces TLTRO 3 se réaliseront, comme depuis juin sur les TLTRO 3.4 ( 1.308 milliards d’euros empruntés pour trois ans), 3.5 ( 174 milliards) et 3.6 (50 milliards), avec un taux d’emprunt situé entre -0,50% et -1% pour les banques ayant un volume de prêts nets éligibles suffisant entre le 1er octobre 2020 et le 31 décembre 2021.

1.780 milliards

Alors qu’il restait une session TLTRO 3.7 le 18 mars, la BCE a en ajouté trois supplémentaires en juin, septembre et décembre, et a porté le montant d’emprunt maximum de 50% à 55% de l’encours de prêts éligibles au 28 février 2019. Avec 2.450 d’encours TLTRO 3 actuel sur un total de prêts éligibles d’environ 7.700 milliards, les banques vont ainsi voir leur capacité d’emprunt restante monter d’environ 1.400 milliards à 1.780 milliards.

En partant du principe que les banques ont obtenu le taux d’emprunt optimal de -1% pour la première année, et donc du différentiel avec le taux de dépôt (-0,50%) quand ces liquidités prêtées reviennent sur les comptes de banques par l’intermédiaire des agents économiques de la zone euro, ces conditions avantageuses fixées ont déjà pu permettre de générer potentiellement 7,3 milliards de compensation via ces intérêts de refinancement sur la base de l’encours actuel. En prolongeant ce taux favorable d’un an, ce sont potentiellement 7,6 milliards d’économies supplémentaires sur la base du même encours en deuxième année - Barclays évoque 4,2 milliards (avant impôts) pour les 16 plus grosses banques concernées.

En supposant que les banques rempliraient tout leur nouveau quota de 55% de TLTRO dès mars, les économies correspondant aux nouveaux encours se monteraient potentiellement jusqu’à 11,1 milliards de plus sur le nouvel encours possible. Pour autant, «on ne peut parler de cadeau comme mi-2020, car remplir les volumes de prêts éligibles risque de devenir plus difficile en 2021, alors que les entreprises seront moins demandeuses que cette année où une partie des prêts étaient nécessaires et garantis pour assurer leurs trésorerie», avance Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet WM. «Surtout, les banques devront refinancer ces prêts dès juin 2022 ou décembre 2022 par des financements plus longs, sous peine que cela leur coûte très cher ensuite, puisque ces financements d’environ 20 à 25 milliards au total, perdront, un an avant leur terme (de trois ans), 50% de leur éligibilité aux ‘passifs longs’ au numérateur du ratio structurel de liquidité à long terme (NSFR), et encore 50% six mois avant», rappelle Miguel Raminhos, analyste spécialisé chez Natixis.

Plus contraignant que «tiering»

Pour rappel, si les banques utilisaient tous leurs quotas restants pour se refinancer via les TLTRO 3 (1.780 milliards), ce sont autant de liquidités nouvelles qui, en plus des achats d’actifs de la BCE - sauf à ce que tous ces capitaux sortent de la zone euro, viendraient gonfler les bilans. 93% de ces montants (hors sorties de la zone euro) iraient en réserves excédentaires déposées à -0,50%, en tenant compte du système de «tiering» mis en place en novembre 2019 pour exempter de ce coût de dépôt négatif une partie des réserves excédentaires selon un multiple de 6 fois le montant des réserves obligatoires (1% des dépôts).

Alors que ce système de «tiering» a permis aux banques d’économiser environ 4 milliards d’intérêts, les analystes avaient imaginé, avant la réunion de jeudi, que la BCE l’augmenterait pour compenser en partie l’augmentation des réserves excédentaires, passées de 1.740 à 2.950 milliards entre fin mars et fin septembre. Ils voyaient ainsi le multiplicateur monter de 6 à 8-9 fois les réserves obligatoires, et même à 10 fois pour Barclays, «ce qui aurait permis aux 16 plus grosses banques concernées d’économiser 1,1 milliard supplémentaire par an», estime Amit Goel, analyste spécialisé de la banque anglaise. «En un an, le coût annuel des liquidités excédentaires est passé de 4,2 à 10,5 milliards d’euros par an, et il aurait donc plutôt fallu, en théorie pour compenser, passer le multiple de 6 à 14-15 fois les réserves obligatoires, sans demander aux banques d’effort de crédit, calcule Miguel Raminhos. On comprend que les gouverneurs aient préféré l’instrument des TLTRO, mais cela ne permettra, selon nos prévisions, que 8 à 9 milliards d’économies par an, ou 80% à 90% au mieux des coûts liés à l’excédent de liquidités.» Les analystes en concluent que la BCE finira bien par remonter aussi le multiplicateur du «tiering», mais plutôt fin 2021.

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