
Les marchés monétaires restent insensibles au cas SVB

«A première vue, il semble qu’il n’y ait pas de raison de craindre une contagion de la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) au secteur bancaire américain au sens large, ce qui explique un certain calme sur les marchés interbancaires et monétaires», estime Céline Choulet, économiste bancaire chez BNP Paribas, pointant cette banque, qui a vu ses dépôts tripler avec les levées de fonds de start-up en 2020-2021 et les placer en titres longs sans se couvrir sur le risque de taux.
Si les craintes sont remontées sur un certain nombre de banques régionales, la facilité de la Fed annoncée dimanche soir pour apporter les liquidités nécessaires aux banques en difficulté contre des actifs de qualité en garantie semble devoir permettre d’éviter de les exposer au besoin des refinancements interbancaires et/ou monétaires auprès d’autres institutions. Le taux US Libor 3 mois avait peu bougé vendredi alors que le choc touchait déjà les actions américaines (-1,5%). Et le taux à 3 mois recomposé à partir du taux de référence Sofr (au jour le jour et garanti) a chuté de 9 points de base (pb) lundi, en signe que les banques pourraient en effet avoir moins recours à ces marchés.
Le nouveau Programme de financement bancaire à terme (BTFP), sécurisé par le Trésor via une ligne de 25 milliards de dollars du Fonds de stabilisation des marchés (FSE) - qui avait offert jusqu’à 10 de levier aux facilités proposées par la Fed lors de la crise du covid -, leur offre des prêts pouvant aller jusqu’à un an pour un montant égal aux garanties apportées sous forme de bons du Trésor américain ou de titres adossés à des prêts hypothécaires (MBS) valorisés au pair, et avec un coût correspondant au taux swap indexé au jour le jour (OIS) sur un an majoré de 10 points de base (pb).
«Tout l’intérêt consiste en cette valorisation à 100% du pair des actifs apportés en collatéral, alors qu’ils ont pu perdre beaucoup en valeur de marché avec la hausse des taux depuis un an, et on peut comprendre cette approche des régulateurs puisque ce sont eux qui ont demandé aux banques d’avoir des actifs de haute qualité au bilan», estime Benoit Gérard, stratégiste taux chez Natixis, en référence aux quelque 300 milliards de dollars d’actifs «disponibles à la vente» (available for sale) dans les «trading books» des banques américaines selon la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC). Ces petites banques en difficulté, qui ont très mal géré leur actif-passif (ALM) parce qu’elles recherchaient du rendement à une époque où il y en avant moins, «ne sont pas soumises au ratio de liquidité à court terme (LCR) imposé aux grandes banques américaines», rappelle Céline Choulet. Pour l’experte, les marchés monétaires, où les liquidités restent très abondantes avec toujours plus de 2.000 milliards déposés chaque jour à la Fed sous forme de Reverse repo O/N, pourraient aussi amortir un éventuel choc sur les taux courts.

L’Europe à l’abri
La situation est un peu comparable sur les marchés européens. Certes, l’écart entre les contrats à terme sur le taux interbancaire Euribor 3 mois et les swaps à 3 mois sur le taux monétaire au jour le jour €str ont atteint un plus haut depuis fin novembre vendredi, à 2 pb, un mouvement de 8 pb par rapport à son niveau atteint le jour précédent. Depuis novembre, cet écart était négatif. Il s’agit d’une mesure du risque bancaire : plus l’écart est élevé, plus il indique que les conditions de financement des banques se compliquent. «Cette remontée de l’écart entre Euribor et €str est avant tout liée à l’€str, qui a chuté vendredi avec les interrogations sur les trajectoires de taux, même si une petite composante liée au risque crédit a pu jouer», explique Benoit Gérard, qui précise que, si les marchés restent calmes lundi, la situation est incertaine et qu’il est encore trop tôt pour écarter tout risque de contagion via les marchés monétaires.
Plusieurs éléments viennent en tout cas tempérer les risques pour l’Europe. D’une part, le secteur est bien moins fragmenté qu’aux Etats-Unis, et les acteurs trouvent donc plus facilement des liquidités. Surtout, la Banque centrale européenne (BCE) contribue à maintenir un accès au financement accommodant. «Les banques ont profité des programmes de TLTRO pour gonfler leurs dépôts auprès de la BCE, qui atteignent des montants records (4.158 milliards d’euros), souligne Simon Outin, directeur de la recherche crédit sur le secteur financier chez AllianzGI. En parallèle, les opérations de refinancement principales (MRO) permettent aux banques d’accéder à des liquidités en échange de titres - à des taux au jour le jour à 3%, plus élevés que le taux de dépôt». L’intérêt de l’Euribor comme jauge du risque bancaire est donc plus limité que par le passé. Quant à la baisse des titres bancaires européens, elle est davantage liée aux inquiétudes sur le secteur qu’à des tensions propres aux groupes locaux.

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