Les Gafa n’échapperont plus à l’impôt

L’OCDE peine à rassembler des Etats désireux de taxer au plus vite les services digitaux.
Annick Masounave
Google
La Commission veut taxer les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple) à hauteur de 3 % de leurs revenus.  -  Bloomberg

C’est un fait, l’âge d’or de la fiscalité zéro, pour les multinationales du numérique, a pris fin. La Commission européenne estime que le taux d’imposition effectif des entreprises numériques dans l’Union européenne (UE) est inférieur de moitié à celui des entreprises traditionnelles (voir l’illustration), avec la bénédiction de quelques Etats membres. La fiscalité de sept d’entre eux, jugée agressive, a été dénoncée dans le cadre du « semestre européen ».

Certains accords fiscaux ont fait l’objet d’enquêtes de la part de la Commission, qui les a dans certains cas condamnés. C’est le cas de l’Irlande, à qui Bruxelles a demandé en août 2016 de récupérer 13 milliards d’euros auprès d’Apple. Un constat qui a poussé la Commission à relancer le projet d’assiette d’imposition commune dès octobre 2016. Le 15 mars, le Parlement européen s’est prononcé en faveur de l’harmonisation de l’assiette fiscale, et de la mise en place d’un guichet d’imposition unique pour les multinationales. L’un des enjeux de cette réforme est la mise à jour de la définition d’un établissement permanent. Historiquement liée à une présence physique, cette notion ne correspond pas au fonctionnement de l’économie digitale, par essence délocalisable.

Bruxelles a souhaité adopter des mesures de court terme, en introduisant une taxe indirecte sur les revenus générés par les activités digitales. L’Italie et le Royaume-Uni ont déjà adopté des mesures afin de taxer qui les transactions BtoB, qui les royalties. La Commission justifie cette mesure de court terme par la volonté de proposer un cadre réglementaire harmonisé et une sécurité juridique à ceux des Etats membres qui souhaiteraient légiférer sans attendre.

Ce projet de taxe sur les services digitaux (DST) a été présenté le 21 mars, il devrait, selon la Commission, concerner quelques centaines d’entreprises. « Dans le meilleur des cas, la taxe ne serait pas mise en œuvre avant le 1er janvier 2020. En parallèle, nous serons en train de stabiliser les derniers paramètres de la solution de long terme », selon Valère Moutarlier, directeur fiscalité directe, coordination fiscale, analyse économique et évaluation à la Direction générale Fiscalité et Union douanière de la Commission. « Les prochaines échéances permettront de savoir si un consensus à 27 est possible. Tout va se jouer d’ici au mois de juin, à l’occasion du sommet des chefs d’Etat, le 23 mars, et du sommet Ecofin informel, le 24 avril », poursuit-il. Bien que la Commission n’y soit pas favorable, certains Etats n’excluent pas de recourir à une procédure de coopération renforcée. « L’objectif est de mettre le pied à l’étrier avec un projet réaliste, qui sera affiné dans le temps. Nous savons que certains Etats sont opposés au projet. Nous espérons cependant que le contexte va nous aider à emporter leur adhésion », précise-t-on à Bercy.

Des réformes en ordre dispersé

Au niveau international, le G20 a placé les travaux sous l’égide de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Cent treize juridictions collaborent à la définition d’un cadre visant à encadrer l’optimisation fiscale, qui chaque année prive les Etats de 250 milliards de dollars de recettes fiscales. L’organisation voit d’un mauvais œil des réformes qui désormais avancent en ordre dispersé. « Nous prenons acte de la volonté de l’Union européenne d’inscrire ses travaux de long terme dans le cadre des travaux de l’OCDE », a déclaré Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales (CTP) de l’OCDE. Outre la Commission européenne, l’IRS (Internal Revenue Service) américain devrait prochainement publier ses propres règles. L’Inde a déjà mis en place un prélèvement visant à équilibrer le taux d’imposition effectif des entreprises du numérique fin 2017.

Dans le pré-rapport remis le 16 mars aux ministres du G20 Finances, l’OCDE s’est contentée de décrire les différentes pistes encore à l’étude. Les échanges ne permettent pas aujourd’hui de dégager un consensus sur la définition même d’établissement numérique, socle de toute réforme fiscale. De même, la collecte de données personnelles, créatrice de valeur pour certains, est considérée par d’autres – dont les Etats-Unis – comme une simple étape du processus de production. L’OCDE prévoit de publier des propositions concrètes en 2020. « Nous espérons parvenir à un consensus et devenir l’adulte dans la pièce », a conclu Pascal Saint-Amans.

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