
Les flux financiers opaques facilitent les activités illicites

Daniel Wager, vice-président de la stratégie mondiale de conformité en matière de criminalité financière, LexisNexis Risk Solutions
La fuite des « Pandora Papers » soulève des inquiétudes autour de l’utilisation de juridictions offshore et de sociétés écrans pour cacher des comportements potentiellement contraires à l’éthique ou criminels. Il s’agit du dernier exemple d’une série de fuites (Panama Papers, Paradise Papers, etc.) appelant à des améliorations mondiales en matière de transparence financière.
Ces incidents ont révélé comment les sociétés offshore peuvent être utilisées pour dissimuler des sources de richesse et réduire ou échapper aux obligations fiscales dans leur pays d’origine. Si les juridictions et les structures d’entreprise non transparentes peuvent être utilisées de manière légitime, ces enquêtes révèlent qu’elles restent les véhicules de prédilection des acteurs menant des activités illicites.
Les gouvernements ont la responsabilité de mettre fin à ce type d’agissements tels que l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent, qui sont souvent facilités par les centres financiers offshore, tout en garantissant une imposition équitable des citoyens et des entreprises. Ces points de pression devraient contraindre les responsables politiques à accroître la transparence du système financier mondial – pourtant, les progrès sont lents.
Un contrôle préalable approfondi de la connaissance du client (KYC), facilité par des outils de filtrage et des données sur les personnes politiquement exposées (PEP) et les médias indésirables, ainsi que par les registres de propriété effective, peut aider à identifier les relations souvent complexes entre les personnes en position de pouvoir, les criminels et les sociétés offshore.
Les institutions financières sont de plus en plus réglementées dans ce domaine, avec des réglementations telles que les directives anti-blanchiment de l’Union européenne qui les obligent à élaborer une approche fondée sur le risque, basée sur l’identification des PEP et des bénéficiaires effectifs et tenant compte des pays à haut risque et des sources de richesse des clients.
Toutefois, certaines « entreprises et professions non financières désignées » (EPNFD) semblent constituer un maillon faible de la réglementation actuelle en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (LBA) et le financement du terrorisme (CFT). Un nombre restreint mais significatif d’EPNFD, comme les professionnels du droit, les prestataires de services aux sociétés et fiducies et les sociétés immobilières, jouent un rôle clé dans la dissimulation de la propriété des actifs.
Selon le Groupe d’action financière (Gafi), ces professions devraient être soumises aux exigences de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, mais dans la réalité, elles sont souvent non réglementées et mal surveillées. En conséquence, nombre d’entre elles n’appliquent pas de solides mesures de vigilance à l’égard de la clientèle.
Depuis que l’affaire des Pandora Papers a éclaté, un groupe de législateurs américains bipartisans a proposé une nouvelle loi, appelée Enablers Act, qui modifierait la loi sur le secret bancaire, vieille de 51 ans, en exigeant du département du Trésor qu’il crée des règles de base en matière d’obligations de vigilance pour les gardiens américains qui facilitent le flux d’actifs étrangers vers les Etats-Unis.
En réponse au scandale des Panama Papers, l’Union européenne a adopté des règlements rendant obligatoire la publication des registres de propriété effective. Même dans les Etats membres qui ont mis en place de tels registres, des obstacles tels que l’obligation pour le public de payer, d’utiliser un numéro d’identité national ou de connaître le numéro d’identification fiscale de la société qu’il recherche rendent l’accès aux données difficile. Au-delà du débat éthique sur les structures offshore et leurs utilisations, l’avantage évident découlant d’une meilleure transparence est qu’elle réduit les frictions dans les chaînes de transaction.
Plus l’accès aux informations sur l’identité des personnes et des entreprises est large, plus il devient facile pour les institutions financières et les EPNFD de faciliter les affaires légitimes et celles qui sont conformes aux normes de risque et de gouvernance de ces organisations. En plus de porter atteinte à l’intérêt public, l’obscurcissement peut, à long terme, nuire à la productivité du secteur des services financiers.
Une transparence accrue contribuerait également à améliorer la confiance dans les services financiers, ce qui est essentiel pour un secteur qui dépend de la confiance du public pour sa licence sociale d’exploitation. Les approches progressives de la transparence produiront de meilleurs résultats pour toutes les parties prenantes sur le long terme, par rapport à d’éventuelles réponses réactionnaires qui menacent de répéter les scandales et les révélations d’activités opaques.
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