
Les convertibles offrent une vraie diversification

Aymeric de Tappie, responsable de la recherche sur les obligations convertibles chez EthiFinance
Les obligations convertibles européennes n’ont pas été épargnées par le tumulte des marchés actions, du crédit et des taux de ces derniers mois. A tel point que la performance de ces trois dernières années s’est affranchie de son paradigme historique : « une performance comparable à celle des marchés actions traditionnels avec moitié moins de risques ». Ainsi, en 2020 les convertibles affichaient +7,4 % alors que les actions reculaient de -4 %. En 2021, les convertibles ignorent le rebond des actions (+22 %) et ne progressent que de 1,6 %. Enfin, dans la baisse des marchés actions en 2022 (-14 % au 9 novembre), les convertibles accusent encore un décrochage, avec 16,5 %.
Mais trois ans ne font pas le printemps. En chiffres, le paradigme ancestral continue d’être d’actualité. Depuis 2008, la performance annualisée des convertibles (+2,7 %) reste comparable à celle des actions traditionnelles (+2,9 %) avec une mesure du risque inférieure de moitié à celle des actions (volatilité de 8,6 %, contre 17,5 % respectivement).
Et la classe d’actifs offre désormais un terreau favorable d’opportunités, tant pour les investisseurs que pour les émetteurs. Le marché primaire, atone en 2022, vient de renaître, avec deux nouvelles émissions (Ubisoft Nov2026 et Rag Stiftung Nov2027), pour près d’un milliard d’euros. Il atteint ainsi péniblement un peu plus de 4,8 milliards d’euros, contre une moyenne de 17 milliards d’euros sur les trois précédentes années. Son recul n’est cependant pas plus impressionnant que celui du « haut rendement » (high yield, HY), qui ne dépasse pas 22 milliards d’euros, contre 109 milliards l’année dernière. La normalisation des caractéristiques techniques des nouvelles émissions est aussi un message de la fin d’une époque où poussaient les convertibles zéro coupon avec des primes sur actions de plus de 50 %.
Avec plus de 70 milliards d’euros de capitalisation, le marché convertible reste confidentiel au regard de ses moteurs de performances que sont les actions ou le crédit. A titre d’exemple, il faut descendre à la 90e plus grande capitalisation boursière actions européenne pour atteindre la taille totale du marché des convertibles.
Cette confidentialité est une force pour les investisseurs. Elle donne un accès naturel à la diversification du risque, que l’on ne rencontre sur aucun autre marché. Il est composé d’acteurs mondiaux, à l’instar de LVMH, TotalEnergies, Adidas, BP, Delivery Hero, TUI ou encore Zalando. Il est aussi la source de financement de spécialistes reconnus dans la communauté des analystes actions, tels que l’opérateur de services d’infrastructures offshore BW Offshore, les opérateurs télécoms Deutsche Telekom ou Cellnex, la société de services Elis ou encore la société belge de biotechnologie Mithra Pharmaceutical.
Risque moindre
A cette diversification sectorielle et géographique des revenus, associée à la taille des chiffres d’affaires, des profils de risque entre les valeurs de croissance et celles de valeur d’entreprise, s’ajoute la singularité des convertibles. Elle apporte la touche finale qui classe ce marché en haut du podium de la diversification parmi les actifs listés. Les obligations sont émises avec un profil équilibré (soit avec un double moteur de performance, provenant de sa composante action et de sa composante crédit), ce profil évolue en fonction de la performance de l’un ou de l’autre, tous deux étant étroitement liés à la santé de l’entreprise. La maturité de l’obligation joue son rôle d’ajustement entre les trois grandes familles de profils.
Les opportunités naissent ainsi parmi les sensibilités au moteur action, comme BP Avr2023 ou Cellnex Jan2026, parmi les profils équilibrés, comme Ubisoft Nov2026 ou Schneider Jun2026 (réputé cher, mais un ambassadeur des profils ESG très recherchés), ou encore parmi les profils avec une sensibilité au moteur obligataire dans les catégories « qualité d’investissement » (investment grade, IG), à l’instar de GBL Avr2026 (3 % de rendement, mais une action à seulement 35 % de son prix d’exercice pour trois ans d’ici à la maturité), ou de HY, comme TUI Avr2026 (noté B- et plus de 17 % de rendement par an pendant trois ans). Notons qu’investir dans une obligation de type GBL Avr2026 offre l’avantage pour le porteur d’être rémunéré du rendement en attendant une remontée potentielle du cours de l’action. Le potentiel de performance est alors incomparable avec celui d’une obligation traditionnelle dans un segment IG équivalent.
Sur le segment des obligations convertibles notées officiellement en HY, les rendements atteignent 8,2 % pour une maturité de 3 à 5 ans, et une notation moyenne BB, à comparer avec 5,2 % pour les émetteurs de cette même catégorie à 3 ans.
Ainsi, dans l’environnement incertain que nous traversons, marqué par le risque de la récession en 2023 et des pressions inflationnistes jamais subies depuis plus de trente ans, les obligations convertibles offrent l’atout de la diversification et un retour à la normalisation de son profil de performance et un niveau de risque toujours inférieur à celui des actions traditionnelles.
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