Les chambres de compensation avancent vers un processus de résolution équilibré

Le règlement permettra aux banques d’être plus exigeantes avec les CCP européennes.
Fabrice Anselmi

Près de quatre ans après la proposition de la Commission européenne (CE), le Conseil et le Parlement européens se sont accordés le 23 juin sur un nouveau règlement – que L’Agefi s’est procuré – sur le recouvrement et la résolution des chambres de compensation (CCP) afin de réduire encore les risques systémiques en cas de défaut de membres compensateurs (CM) qui utilisent ces CCP pour compenser chaque année l’équivalent de plusieurs milliers de milliards de produits dérivés.

Pour rappel, le mécanisme de gestion des défauts actuel, prévu par l’article 45 du règlement Emir, faisait encore craindre des effets de contagion : lorsqu’un CM de la chambre connaît un problème de valorisation et/ou un défaut de paiement sur la marge variable (VM) liée à un produit dérivé dont il est contrepartie, ce mécanisme prévoit de puiser d’abord dans la marge initiale (IM) ad hoc qu’il a versée au titre du contrat, puis dans sa contribution au fonds de défaillance (DFC) mis en place au niveau de chaque CCP, puis dans les ressources propres de la CCP («skin in the game») jusqu’à 25% de son capital réglementaire - dont le montant est assez limité que ce soit au titre d’Emir pour les CCP ou au titre du statut bancaire pour l’activité de clearing d’Eurex et LCH SA. Enfin ce mécanisme peut s’appuyer sur les contributions au fonds de défaillance des autres CM.

Quand ce système «en cascade» n’est pas suffisant, Emir prévoyait de faire appel à d’autres contributions complémentaires («cash calls») des CM selon des règles de plafonnement propres à chaque CCP, mais pas du tout de recouvrement harmonisé. Alors que les Etats avaient proposé cet hiver de mobiliser jusqu’à 50% du capital réglementaire des CCP afin de les responsabiliser, le nouveau règlement prévoit, précisément après la pleine utilisation du fonds de défaillance, une série d’outils de recouvrement et résolution pouvant répondre à un événement avec ou sans défaut - alors lié à d’autres pertes commerciales, juridiques, opérationnelles ou informatiques de la CCP.

En général, la CCP devra mobiliser, en premier lieu, un montant supplémentaire de ses ressources propres préfinancées («skin in the game») situé entre 10% et 25% d’exigences de fonds propres, fondé sur son profil de risques (structure, activités, dérivés, etc.) et calculé selon des standards techniques qu’il conviendra à l’Autorité européenne des marchés (Esma) et à l’Autorité bancaire européenne (EBA) de fixer. «De ce point de vue, le projet est un bon compromis, qui veut tenir compte du principe de proportionnalité pour les petites CCP», analyse Elena Tonetto, conseillère Affaires publiques de l’Association européenne des CCP (EACH).

Flexibilité

Ensuite seulement, la CCP pourra, après autorisation de son autorité de régulation et donc avant une éventuelle contribution complémentaire de sa part, demander à ses membres des «cash calls» prédéfinis et plafonnés, à hauteur de deux fois les DFC. «Les ‘clearingsmembers’ avaient plutôt demandé une fois les DFC, mais le plus important pour eux était de pouvoir plafonner et donc provisionner ces dépenses éventuelles, rappelle Antoine Pertriaux, responsable d’Adamantia Research. Les CCP devront donc élaborer au préalable un plan de recouvrement et de résolution avec toutes les étapes précises.»

A ce stade, les CM n’ont pas obtenu l’obligation d’un vote sur la hauteur de leur participation à la résolution de la CCP selon les différents événements, avec ou sans défaut directement liés à l’un d’eux. «Ce n’est pas inscrit dans la réglementation, mais ce n’est pas interdit et nous travaillons avec les CCP pour qu’elles prévoient ce genre de mesures dans leur plan au niveau du recouvrement ou avant la résolution», indique une banque, sachant que ces contributions ne seront appelées qu’après vérification de l’impact de cet outil sur les CM non défaillants et sur la stabilité financière des Etats membres. C’est aussi à ce stade juste avant la résolution que le régulateur pourrait demander à la CCP de participer à la recapitalisation par conversion de nouvelles dettes subordonnées de long terme de type «bail-in», et de s’abstenir de distributions (dividendes, rachats d’actions, rémunérations variables) pendant une période pouvant aller jusqu’à 5 ans.

En cas de «non-default event» sans préjudice lié aux «clearing members», lorsque les dispositions de la CCP en recouvrement ont permis d’éviter une résolution, l’autorité de régulation pourra en outre exiger d’elle, selon le principe «no creditor worse off» (NCWO), qu’elle rémunère pour leurs pertes des membres compensateurs (qui devront le cas échéant répercuter ce dédommagement à leurs clients) en espèces ou en créances sur ses bénéfices futurs. «En effet, le plan de recouvrement et le plan de résolution peuvent prévoir que la CCP puisse appliquer une décote (‘haircuts’ ou VMHG limités dans la durée et le montant) sur les gains sur VM d’un membre compensateur non défaillant, mais devra, au moins a posteriori, aussi appliquer ce principe NCWO», poursuit Antoine Pertriaux.

Ce dernier remarque que «les ‘clearing members’ avaient demandé, avant même la crise, des IM ‘stables et robustes’ – même plus élevées – afin de tenir compte des risques de concentration et d’éviter les effets procycliques des augmentations d’IM qu’ils ont vécu en mars-avril, au plus mauvais moment en termes de liquidité… Au lieu de cela, le choix a été fait d’une moindre harmonisation globale et de plus de flexibilité pour les CCP, sous réserve de règles de gouvernance (même d’urgence) précises.»

«Nous devons bien examiner ce qui c’est passé au printemps pour améliorer les paramètres de calcul des IM, sans pour autant décourager les couvertures. Plus globalement, ce texte est un pas en avant, et nous verrons ce que cela donne une fois entré en vigueur, d’ici deux à trois ans», conclut la banque «clearing member», cet accord devant faire l’objet d’une déclaration publique des associations professionnelles (FIA-Isda) avant le vote en session plénière du Parlement européen avant fin septembre.

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