
Les banques centrales arrêteront de soutenir les taux en 2022
Après une année 2020 marquée par l’intervention massive de toutes les banques centrales pour soutenir l’économie face à la crise du covid-19, l’annonce de la mise au point de vaccins avait légèrement fait progresser les taux américains à 10 ans (UST) fin 2020. Mais c’est surtout la victoire démocrate aux Sénatoriales du 6 janvier qui, étant synonyme de relance budgétaire forte, a enclenché un mouvement de hausse plus marquée, le 10 ans américain passant de de 0,92% à 1,12% le 8 janvier, puis jusqu'à 1,74% le 31 mars avec le Rescue Plan.
Ensuite, les troisième et quatrième vagues de coronavirus, le ton accommodant des banques centrales, puis la difficulté à fixer le plan de relance budgétaire aux Etats-Unis, ont inversé la tendance. Cela a donné de la matière «à un ‘squeeze’ (vente forcée des positions courtes, ndlr) sur tous les hedge funds et les autres investisseurs qui étaient ‘short’ sur les taux longs», rappelle Guillaume Martin, stratégiste de Natixis. Ce repli des taux longs a duré jusqu’à la réunion de septembre de la Fed, lorsque celle-ci a annoncé la réduction de son programme d’achats d’actifs (tapering) pour novembre tout en envisageant une première hausse de taux pour 2022.
-3% sur les taux longs en 2021
Depuis, l’indice des prix CPI n’a plus cessé de surprendre à la hausse (6,8% sur un an à fin novembre aux Etats-Unis ; 5,1% au Royaume-Uni ; 4,9% en zone euro) alors que les économistes pensaient avoir passé le pic d’inflation cet été. La Fed a lancé son «tapering» en novembre, puis l’a accéléré avec un revirement de ton très restrictif en décembre. LaBanque d’Angleterre (BoE) a surpris deux fois les marchés : en ne relevant pas son taux directeur en novembre, puis en le faisant (de 0,10% à 0,25%) en décembre malgré la cinquième vague de coronavirus et avec l’idée de faire deux ou trois autres hausses en 2022. La Banque centrale européenne (BCE) avait repoussé ses décisions à décembre, mais elle a également entamé son processus de normalisation. Elle a confirmé en mars la fin de son programme d’achats d’urgence pandémique (PEPP), en évoquant la possibilité (faible) d’une première hausse de taux en 2022. Elle a ensuite indiqué en juin la fin du taux d’emprunt amélioré (-1%) sur les opérations de refinancement ciblé à long terme (TLTRO 3), ce qui reviendra donc à faire remonter les taux courts sur les marchés.
Les banques centrales s’appuient sur des chiffres de l’emploi plutôt bons - mais difficiles à analyser -, et sur une inflation que la plupart des prévisionnistes voient désormais monter au moins jusqu’à la fin du premier trimestre, voire jusqu’à l’été. Mais elles font abstraction des possibles effets du variant Omicron entre autres incertitudes, et de la baisse des soutiens budgétaires. Ceux-ci risquent même de décevoir outre-Atlantique où le sénateur démocrate Joe Manchin a bloqué dimanche le plan social Build Back Better.
Dans ce contexte, les taux longs vont terminer 2021 plus ou moins autour de leur moyenne de l’année : 1,40% pour les UST 10 ans (soit une performance de -3%) ; 0,80% pour les Gilts (soit une performance de -4,5%) ; -0,35% pour le Bund (soit une performance de -2%). Les investisseurs sur l’OAT (autour de 0%) et le BTP (0,93%) auront aussi perdu près de -3%.
Trois hausses des taux aux Etats-Unis
Conscients du ton beaucoup plus «hawkish» des banques centrales, les marchés croient au relèvement des taux même si leurs positions fermes sur les taux longs ne sont pas de très bons signes pour la croissance future… «Aux Etats-Unis, le consensus est désormais à 3 hausses dans l’année, mais la question est plus de savoir quand, car la Fed pourrait préférer les enchaîner : avec un préavis d’un mois, le calendrier serait un peu serré au premier semestre, même avec un ‘tapering’ clos fin mars», poursuit Guillaume Martin. Il note que les gouverneurs ont déjà commencé à parler de réduction du bilan («quantitative tightening») : «Une bonne chose quand on sait (depuis 2019) combien le bon équilibre sur les réserves excédentaires est complexe à trouver», ajoute-t-il, en évoquant des taux UST autour de 2,50% fin 2022 – les consensus publiés avant la réunion du 15 décembre atterrissaient plutôt autour de 2,30%.
Presque tous les prévisionnistes voient les taux longs remonter surtout au premier trimestre, sous l’effet à la fois des «tapering» et des calendriers d’émissions, plus denses en cette période de l’année pour couvrir les besoins budgétaires. Deutsche Bank anticipe par exemple le Bund à 0,05% fin mars, et 0,25% fin 2022, comme Société Générale CIB. En France et en Italie, où il faudra faire avec un retour des risques politiques, l’OAT passerait à 0,50% puis à 0,65%, et le BTP à 1,45% puis 1,75%, malgré la division par deux des liquidités injectées avec le programme régulier (APP) après mars.
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