
Le pétrole devrait se maintenir près des 100 dollars jusqu’à la fin de l’année

La politique restrictive de l’Arabie saoudite et de la Russie porte ses fruits. La hausse des prix sur les marchés pétroliers s’est encore accélérée ces derniers jours, portée par la prolongation pour trois mois des restrictions de production par l’Arabie saoudite et la Russie.
Le baril de Brent a tutoyé les 95 dollars (88,8 euros) ce 18 septembre, avant de reculer en fin de journée à 94 dollars. Ce qui correspond encore à une progression de 6,5% en moins de deux semaines. Le mouvement est encore plus rapide pour le WTI, qui a pris 7% sur la même période pour afficher 91 dollars le baril, après avoir furtivement dépassé les 92 dollars.
Certains analystes, tels Citi et UBS, voient désormais le Brent atteindre momentanément les 100 dollars, tout comme le patron de Chevron, Mike Wirth. Quelques autres produits dépassent déjà ce prix symbolique. C’est le cas du baril nigérian, qui a touché les 100 dollars selon des données collectées par LSEG, ou du baril malaisien, qui affichait déjà 101,3 dollars en fin de semaine dernière, selon une note d’un analyste de la banque SEB, deux publications repérées par Reuters. «L’Arabie saoudite vend son pétrole avec un supplément par rapport au benchmark. Par exemple, les acheteurs européens doivent débourser 7,25 dollars au-dessus du prix du Brent pour les contrats de septembre», complète Giovanni Staunovo, stratégiste chez UBS. Ce qui porte ce contrat quasiment à 102 dollars.
Le prix actuel dépend avant tout d’un déséquilibre entre l’offre et la demande, qui devrait se maintenir au moins jusqu’à la fin de l’année, puisque les deux partenaires ont prolongé leurs baisses de production pour trois mois. La coupure russo-saoudienne, entamée fin juin, a clairement obligé la majorité des acheteurs à puiser dans leurs réserves. «Le mouvement des prix sur la période juillet-août était attendu car les coupures des Saoudiens et Russes se couplait à la forte demande saisonnière portée par la saison de roule aux Etats-Unis. La hausse de septembre l’était moins car la demande baisse généralement de manière saisonnière en raison des maintenances de fin de saison chez les raffineurs, mais s’explique en partie par des marges historiquement élevées et l’absence de dommages climatiques sur leurs raffineries», précise Nicolas Robin, gérant, marché des matières premières chez Columbia Threadneedle Investments.
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Pour maintenir les prix, la Russie et l’Arabie saoudite surveillent fortement les marchés pour éviter un faux pas. «La stratégie doit être revue chaque mois. Les deux pays essayent principalement de ne pas relever trop vite leur production, afin d’éviter une forte chute des prix. Ils scrutent donc les inventaires des acheteurs, et une baisse continue sur ce point pourrait inciter la Russie et l’Arabie saoudite à augmenter modestement leur production», anticipe Giovanni Staunovo. Un rapport de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), publié le 12 septembre dernier, anticipe d’ailleurs une chute des stocks mondiaux d’environ 600.000 barils par jour pour le troisième trimestre, puis de 200.000 barils par jour pour le quatrième trimestre. Une analyse toutefois critiquée par le ministre de l’Energie saoudien, le prince Abdulaziz Ben Salman. Celui-ci a ainsi déclaré ce 18 septembre, lors du World Petroleum Congress qui se tient actuellement à Calgary (Canada), que les anticipations de l’offre et de la demande n’étaient pas toujours fiables, et que l’EIA était «passée d’un rôle de prévisionniste et d’évaluateur du marché à celui de défenseur politique», selon une dépêche Reuters.
Les investisseurs potentiellement de retour sur le pétrole
Une sortie ordonnée de cette stratégie en début d’année prochaine semble ainsi plus probable qu’une accentuation du resserrement du marché. Les analystes n’anticipent pas spécialement de hausse plus importante des prix, à l’exception de surprises négatives chez certains producteurs. La possibilité d’un regain de croissance en Chine est d’ailleurs peu prise en compte dans leurs calculs. Un programme de relance économique de grande ampleur du côté de Pékin stimulerait théoriquement la demande pour les produits pétroliers, mais le pays a déjà constitué d’importantes réserves depuis l’hiver dernier. «Les Chinois sont très opportunistes. Ils ont acheté quand le marché était faible en début d’année, et devraient être moins présents compte tenu des prix actuels», relativise ainsi M. Robin.
Un élément semble toutefois commencer à poindre dans les analyses : le poids des investisseurs sur ce marché. Selon Giovanni Staunovo, ceux-ci ont retrouvé un certain intérêt pour la classe d’actifs. Le stratégiste d’UBS se base sur les dernières statistiques de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) compilant les positions acheteuses et vendeuses de contrats à termes et d’options sur le pétrole, qui ont vu les acheteurs se renforcer fortement. L’inversion de la courbe des contrats à terme est aussi pour lui un carburant pour faire venir davantage de fonds sur la classe d’actifs. «Avec une différence de cinq dollars entre celui à un mois et celui à six mois, cela incite les investisseurs à prendre des positions acheteuses pour capter du rendement en faisant rouler leurs positions», observe-t-il. Le gain d’une telle stratégie ne se matérialise toutefois que si le prix à échéance demeure plus élevé que le prix acheté à l’origine, et reste exposé à une baisse uniforme de la courbe. «La hausse du pétrole a commencé fin juin, et il est un peu trop tôt pour confirmer un retour des investisseurs. Leur intérêt pour la classe d’actifs reviendra lorsque la hausse des prix s’avérera pérenne», tempère toutefois M. Robin.
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