
Le Nasdaq donne le tournis aux investisseurs

Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, selon le dicton boursier, mais les valeurs technologiques ne semble plus avoir de limites. L’indice Nasdaq 100, à forte composante technologique, continue de battre record sur record et gagne désormais 40% depuis janvier, malgré la crise du coronavirus, et plus de 75% depuis ses plus bas de mars dernier. Entre hausse soutenue par de bons fondamentaux et exubérance, les spécialistes s’interrogent sur la soutenabilité du rebond. A l’image de la hausse exceptionnelle du fabricant de voitures électriques Tesla (dont le titre a été multiplié par plus de 5 depuis janvier), accentuée avec la division par cinq de la valeur nominale du titre (une division du nominal également opérée par Apple) ou du spécialiste des outils de visioconférence Zoom dont le titre a bondi, hier, de plus de 40% après l’annonce de ses résultats trimestriels et la révision en hausse de ses perspectives de croissance cette année.
Valorisations gonflées par le niveau des taux
La hausse du Nasdaq n’est pas sans fondement. D’abord par un effet technique lié à l’importance prise par le secteur technologique américain. Les stratégistes de Bank of America notent qu’à 9.100 milliards de dollars de capitalisation boursière, il dépasse pour la première fois la capitalisation de l’ensemble des marchés européens (y compris la Grande-Bretagne et la Suisse). «La technologie prend de plus en plus d’importance dans les indices, ce qui oblige les investisseurs à acheter ces titres s’ils veulent respecter leur benchmark», souligne Emmanuel Cau, stratégiste chez Barclays. Mais ces valeurs ont aussi bénéficié de la crise du Covid-19. «Beaucoup de ces entreprises ont annoncé des hausses de bénéfices aux premier et deuxième trimestres et affichent de bonnes perspectives de croissance, contrairement à nombre d’autres secteurs directement touchés par la crise du coronavirus», poursuit Emmanuel Cau. Elles sont aussi portées par la promesse d’un modèle de croissance plus digitalisé. D’autant plus que nombre de grandes majors technologiques américaines sont viables et profitables. Reste le niveau élevé de valorisation qu’Emmanuel Cau justifie par le niveau des taux d’intérêts qui entraîne un gonflement des valorisations par le biais de l’actualisation des cash flow et bénéfices futurs. «Le marché aime les histoires simples et le Nasdaq lui offre aujourd’hui quelque chose de rassurant avec un concentré d’acteurs positionnés pour un monde post-Covid. La valorisation et les risques passent au second plan», observe Jacques Aurélien Marcireau, gérant chez Edmond de Rothschild AM.
Toutefois, à 35 fois les bénéfices estimés pour 2020, la valorisation du Nasdaq est historiquement élevée, ce qui fragilise son rebond. Le stratégiste de Barclays voit deux risques potentiels : un changement de régime de taux (peu probable à court terme) et un risque réglementaire et fiscal.
Jacques Aurélien Marcireau rappelle que les choses ne sont pas aussi figées que ne le pense le marché. «Une société peut être leader dans son domaine mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura jamais de concurrence ou même qu’elle ne va pas disparaître. L’histoire du secteur technologique fourmille d’exemples ces dernières années avec Nokia, BlackBerry ou Yahoo», explique le gérant qui se montre dubitatif face à l’envolée du titre Zoom : «Cette société capitalise 127 milliards de dollars pour 2 milliards de profits attendus d’ici deux à trois ans. Or rien n’assure sa pérennité, assurer une visio-conférence ne relève pas de haute technologie. Elle est juste là au bon moment».
De même, Tesla bénéficie de l’engouement des particuliers pour la valeur et du marché pour la thématique du «monde d’après» le Covid. Le titre est cher et implique des parts de marché mondiales a minima de l’ordre de 10%, contre moins de 1% aujourd’hui, ce qui est très important, constate le gérant d’Edram. Or rien n’indique que Tesla ne sera pas confronté, à terme, à la concurrence d’un acteur chinois ou à une réponse des fabricants établis. Le titre reculait hier après l’annonce d’une nouvelle augmentation de capital de 5 milliards de dollars.
Impact décalé de la crise
L’engouement pour les valeurs technologiques, hors Gafam, ayant bénéficié de la crise pourrait aussi être confronté à une tout autre réalité. «Pour les investisseurs, la digitalisation devient centrale et devrait accélérer, ce qui justifie leur pari sur ces valeurs, affirme Jacques Aurélien Marcireau. Mais il est trop tôt pour le dire. Les budgets de dépenses informatiques sont généralement annuels. Donc il faut véritablement attendre la fin de l’année et les budgets 2021 pour s’assurer de la ruée vers l’investissement numérique». Le gérant estime que l’impact de la crise sera décalé dans le temps pour ces valeurs. «Les entreprises du numérique ne peuvent pas s’affranchir complètement de l’économie, nombre de leurs clients sont des entreprises classiques confrontées à la crise, avec des contraintes budgétaires qui tôt ou tard pourraient se matérialiser», juge-t-il. Une telle déception pourrait être le catalyseur d’une baisse des valeurs technologiques. Mais pas à court terme.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse