
L’Autorité de la concurrence anticipe une bulle des concentrations

Dans « les tout prochains jours », l’Autorité de la concurrence rendra sa décision en matière de droits voisins, sur le respect ou non par Googledes mesures conservatoires, a précisé Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité, à l’occasion de la présentation du rapport annuel du gendarme de la concurrence. En avril 2020, elle avait enjoint à Google de négocier avec les éditeurs et agences de presse la rémunération due au titre de la loi relative aux droits voisins pour la reprise de leurs contenus protégés. L’Autorité se prononcera sur le fond du dossier d’ici à la fin de l’année.
Fin septembre, l’Autorité examinera les engagements de Facebook en matière de publicité en ligne, après la saisine de Criteo en 2019 dénonçant un manque de clarté et d’objectivité dans l’accès aux services publicitaires de Facebook. Ces engagements étaient soumis à consultation publique jusqu’au 5 juillet.
Avec le redémarrage de l’économie, l’Autorité anticipe un retour des opérations, voire «une bulle des concentrations», en raison aussi de la restructuration des secteurs déjà en difficulté (habillement, …) et de ceux fragilisés par la crise (hôtellerie, transport aérien, …). Isabelle de Silva souligne une tendance à la complexité, avec l’an dernier dix décisions avec engagements, un nombre plus élevé que d’habitude, et pour la première fois deux décisions d’interdiction, l’une dans la grande distribution (Soditroy) et actuellement devant le Conseil d’Etat, et l’autre dans les oléoducs (Ardian).
Qu’est-ce qu’un acteur dominant ?
L’Autorité prévoit également d’ouvrir de nouveaux chantiers. Elle va lancer une étude sur la notion de «dominance». Actuellement est considéré comme dominant un acteur qui détient plus de 50% de son marché. Ce concept est-il toujours pertinent à l’ère du numérique ? Faut-il prendre en compte l’effet sur l’écosystème, l’effet plateforme ? s’interroge la présidente de l’Autorité. Constatant un nombre toujours élevé de sanctions liées aux échanges d’informations, l’Autorité proposera des lignes claires pour aider les entreprises.
Le gendarme de la rue de l’Echelle compte aussi se pencher sur le secteur du cloud computing, puis sur le nudge (comment influencer quelqu’un) et le dark patterns (comment inciter quelqu’un à faire ce qu’il ne veut pas), des thématiques à la croisée du droit de la consommation et du droit de la concurrence. Enfin, afin de détecter les ententes dans les marchés publics, l’Autorité va travailler sur des outils algorithmiques.
De plus, l’Autorité se félicite de pouvoir désormais communiquer dès le stade de la communication des griefs, comme peut le faire notamment la Commission européenne, et d’alerter ainsi les acteurs du secteur concerné. Elle bénéficie également de pouvoirs renforcés avec la transposition de la directive ECN+.
Une année 2020 record
En dépit de la crise sanitaire, l’Autorité de la concurrence a signé une année 2020 record en termes de sanctions, avec près de 1,8 milliard d’euros d’amendes infligées, dont 1,2 milliard à l’encontre d’Apple pour abus de dépendance économique, et 444 millions à l’encontre de Novartis, Roche et Genentech pour abus de position dominante dans le traitement de la DMLA. Un montant qui fait de l’Autorité française la plus active au niveau mondial. Ces sanctions se traduisent par 18 milliards d’euros d’effets positifs sur l’économie française, grâce notamment à l’arrêt des prix excessifs imposés par le cartel et par les remèdes pris.
Jeudi, l’Autorité a aussi dévoilé sa carte interactive des sanctions en open-data. Si ne figurent pas encore d’entreprises chinoises, «cela arrivera, anticipe Isabelle de Silva, car elles sont de plus en plus présentes dans l’économie française, notamment en matière de concentration».
Numérique et climat restent les sujets de demain
Le Digital Markets Act (DMA) doit permettre de cibler les pratiques les plus nocives dans le secteur numérique. Mais dans ce projet, il y a «un chaînon manquant dans la coordination entre l’enquête du DMA et celle de l’Autorité de la concurrence, explique Isabelle de Silva. Il faut un outil pour choisir la voie la plus appropriée. Nous avons fait des propositions pour coordonner les enquêtes, pour accéder aux informations du dossier, et pour mettre en œuvre le DMA». Par ailleurs, la présidente se félicite de l’intensification du dialogue et de la coopération sur le numérique au niveau du G7.
Avecl’article 22 du règlement européen sur les concentrations permettant de renvoyer à la Commission européenne toute concentration, sous les seuils actuels de déclaration, mais qui affecterait la concurrence, «nous nous focaliserons sur les secteurs innovants (numérique, santé, biotechs) et dans les secteurs industriels très concentrés», prévient Isabelle de Silva.
Enfin, la prise en compte du développement durable dans l’analyse concurrentielle suscite un débat. Le droit de la concurrence ne doit pas freiner la lutte contre le climat, mais des ententes doivent-elles être exemptées si elles sont bonnes pour l’environnement ?
Plus d'articles du même thème
-
Google échappe au démantèlement
Le groupe de Mountain View s'évite, dans une décision de justice historique rendue mardi 2 septembre, de devoir se séparer de son navigateur Chrome. Ce verdict esquisse une nouvelle ère réglementaire, plus favorable aux Big Tech, avec le soutien actif de la Maison-Blanche. -
Google va pouvoir garder Chrome et évite le démantèlement
Le géant de la technologie bénéficie d'une décision favorable d'un juge américain qui l'obligera toutefois à partager des informations avec ses concurrents. Son action en profite en Bourse. -
Les lignes directrices du règlement européen sur les subventions étrangères semblent encore trop larges
Bruxelles a lancé une consultation publique, ouverte jusqu’au 12 septembre. Les acteurs de la place pourraient demander plus de critères pour éviter que les entreprises ne multiplient les notifications.
Sujets d'actualité
ETF à la Une

L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
- Revolut s’offre les services de l’ancien patron de la Société Générale
- Le Crédit Agricole a bouclé l'acquisition de Banque Thaler
- Les dettes bancaires subordonnées commencent à rendre certains investisseurs nerveux
- Les émetteurs français de dette bravent la crise politique
Contenu de nos partenaires
-
Wall Street recule face au ralentissement de l'emploi malgré la perspective de baisses de taux de la Fed
Washington - La Bourse de New York a clôturé en baisse vendredi après la dégradation du marché du travail en août aux Etats-Unis, l’inquiétude d’un ralentissement économique prenant le pas sur l’optimisme quant à une baisse des taux de la Fed. Le Dow Jones a reculé de 0,48% et l’indice élargi S&P 500 a perdu 0,32%. L’indice Nasdaq, à forte coloration technologique, a terminé proche de l'équilibre (-0,03%). La place américaine se montre quelque peu «angoissée» face à un possible «ralentissement économique» aux Etats-Unis, a souligné Jose Torres, analyste d’Interactive Brokers. Le marché du travail a continué à se dégrader en août aux Etats-Unis, avec un taux de chômage en progression, à 4,3%, selon les données officielles publiées vendredi par le ministère du Travail américain. La première économie mondiale a créé seulement 22.000 emplois le mois dernier, un niveau bien inférieur à ceux auxquels les Etats-Unis étaient habitués. Les analystes s’attendaient à 75.000 créations d’emploi, selon le consensus publié par MarketWatch. Les investisseurs demeurent prudents, ne connaissant pour le moment pas encore «toutes les implications de cette faiblesse persistante du marché du travail», notent les analystes de Briefing.com. Le flou autour des droits de douane de Donald Trump risque de continuer à freiner les embauches, a relevé par ailleurs Art Hogan, analyste de B. Riley Wealth Management. Mais ce rapport sur l’emploi donne aussi le feu vert à un assouplissement monétaire de la part de la banque centrale américaine (Fed) lors de sa réunion de septembre, avec la possibilité d’un futur coup de fouet pour l'économie. Il «laisse également entendre que d’autres mesures seront nécessaires pour stabiliser le marché du travail avant la fin de l’année», a noté Samuel Tombs, analyste de Pantheon Macroeconomics. Les acteurs du marché s’attendaient déjà à ce que le Fed réduise ses taux dans une fourchette de 4,00% à 4,25% lors de sa prochaine réunion. Désormais, ils sont aussi une majorité à anticiper d’autres baisses lors des réunions d’octobre et de décembre, selon l’outil de veille FedWatch CME. Dans ce contexte, sur le marché obligataire, les taux d’intérêt ont nettement reculé. Vers 20H15, le rendement de l’obligation d’Etat américaine à échéance 10 ans tombait à 4,09%, contre 4,16% jeudi en clôture. A deux ans, il reculait à 3,52% contre 3,59%. Au tableau des valeurs, le géant des semi-conducteurs Broadcom a brillé (+9,41% à 334,89 dollars) après l’annonce de résultats supérieurs aux attentes pour le troisième trimestre de son exercice décalé, tant au niveau de son chiffre d’affaires que de son bénéfice net par action. Le groupe pharmaceutique Kenvue a chuté (-9,15% à 18,66 dollars) après parution d’informations de presse assurant que le ministre américain de la Santé pourrait lier son médicament phare, le Tylenol, au développement de l’autisme chez l’enfant. Selon le Wall Street Journal, le ministre américain de la Santé Robert Kennedy Jr, contesté pour ses positions antivaccins, s’apprêterait à lier la prise d’acétaminophène (ou paracétamol) - principe actif du Tylenol aux Etats-Unis ou Doliprane en France - chez les femmes enceintes au développement de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant, dont l’autisme. Le spécialiste des véhicules électriques Tesla (+3,64% à 350,84 dollars) a été recherché après que son conseil d’administration a proposé un plan de rémunération inédit sur dix ans pour son patron Elon Musk, qui pourrait lui rapporter plus de 1.000 milliards de dollars, sous conditions, et renforcer son contrôle sur l’entreprise. L'équipementier sportif Lululemon Athletica a plongé (-18,58% à 167,80 dollars) en raison de prévisions ne convainquant pas les analystes. L’entreprise s’attend à un bénéfice net par action compris entre 12,77 et 12,97 dollars pour l’année complète, alors que les anticipations étaient de 14,15 dollars. Nasdaq © Agence France-Presse -
Wall Street clôture en baisse après des chiffres décevants de l'emploi américain
Washington - La Bourse de New York a clôturé en baisse vendredi après la dégradation du marché du travail en août aux Etats-Unis, l’inquiétude d’un ralentissement économique prenant le pas sur l’optimisme quant à une baisse des taux de la Fed. Le Dow Jones a reculé de 0,48% et l’indice élargi S&P 500 a perdu 0,32%. L’indice Nasdaq, à forte coloration technologique, a terminé proche de l'équilibre (-0,03%). Nasdaq © Agence France-Presse -
Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse