
La solidité du marché carbone européen est entre les mains des Etats membres

Le Système communautaire d'échange de quotas d'émission (EU ETS, selon le sigle anglais) commence timidement, depuis sa réforme en 2018, à jouer son rôle d’incitation à la décarbonation de l'économie, rapporte l'édition 2019 de l’«Etat du marché carbone européen», publiée lundi 17 juin. Le prix du quota est désormais suffisamment élevé pour pousser les énergéticiens à produire de l'électricité à partir du gaz et moins du charbon sur le parc de production installé.
Tout au long de 2018, «le prix des quotas était au-dessus du prix minimum de ‘switch’ du charbon au gaz», ce prix ayant progressé d’environ 6 euros la tonne de CO2 début 2018 à plus de 20 euros, souligne le rapport élaboré par plusieurs centres de recherche et sociétés de conseil (ERCST, EcoAct, I4CE, ICIS et le centre Wegener de l’Université de Graz). Des niveaux de prix toutefois insuffisants pour soutenir le déploiement de nouvelles technologies bas carbone, déplorent les auteurs.
Plusieurs constats favorables sont salués au fil de cette édition. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) couvertes par l’EU ETS (45% des GES de l’UE) ont baissé de 4% en 2018, essentiellement dans le secteur de la production d'électricité. Mais, avouent les auteurs, «le rôle effectif joué par l’EU ETS dans cette baisse demeure incertain». Ce qui est sûr, c’est que l’intensité carbone de l'électricité est en baisse, ainsi que celle de certains secteurs industriels.
De son côté, le plafond d'émissions imposé aux centrales électriques, aux installations de l’industrie manufacturière et de l’aviation, c’est-à-dire la quantité théorique de quotas mis sur le marché (gratuitement ou aux enchères), décroît linéairement chaque année. Si bien que l’objectif pour 2020 (une réduction de 21% des GES) a déjà été dépassé.
Des défaillances persistantes à corriger
L’efficacité toute relative du marché carbone dépend plus que jamais des décisions que prendront les dirigeants politiques pour corriger ses défaillances persistantes, ont commenté des experts participant à la présentation du rapport. Le Conseil européen des 20 et 21 juin est donc attendu avec impatience. Il doit se prononcer sur le programme stratégique de l’Union européenne (UE) pour 2019-2024 et les ambitions à long terme en matière de climat.
Les décisions que prendront ou non ces dirigeants auront un impact sur la demande de quotas carbone et donc sur l’équilibre de l’EU ETS : renforcement des objectifs de réduction des GES en 2030, neutralité carbone en 2050, développement des énergies renouvelables, rythme des plans de sortie du charbon, évolution des paramètres de la Réserve de stabilité de marché (MSR).
Introduite en 2019, la MSR a pour but de réduire le surplus historique de quotas et de réguler la quantité de quotas en circulation sur le long terme. Mais «les paramètres actuels de la MSR pourraient ne pas être suffisants pour neutraliser l’effet des objectifs 2030 pour l’efficacité énergétique et les renouvelables sur l’équilibre offre-demande de l’EU ETS», s’alarme le rapport. D’autant qu’à ces défis s’ajouteront bientôt des événements dépendant peu des dirigeants de l’UE comme Corsia, le mécanisme mondial de «compensation carbone» par l’aviation civile, ou la politique climat du Royaume-Uni après le Brexit. Des chocs qui mettront encore à l’épreuve le marché carbone.
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Taxe Zucman : malgré la division de la classe politique, Marc Ferracci affirme qu'il n'y a "pas de tabou"
Paris - Le ministre démissionnaire de l’Industrie Marc Ferracci a affirmé vendredi ne pas avoir de «tabou» sur la mise en place d’une taxe sur les très hauts patrimoines dite «Zucman» qui divise la classe politique, tout en soulignant sa «préoccupation» quant au fait de «ne pas pénaliser l’esprit d’entreprise». «Il n’y a pas de tabou. Avec une préoccupation, c’est de ne pas pénaliser l’esprit d’entreprise», a souligné le ministre interrogé au micro de Sud Radio. Ce dispositif, qui prévoit de taxer à hauteur de 2% les patrimoines de plus de 100 millions d’euros, concernerait 1.800 foyers fiscaux selon son promoteur, l'économiste Gabriel Zucman. D’après lui, elle rapportera jusque 20 milliards d’euros par an, alors que d’autres économistes estiment son rendement plutôt autour de 5 milliards. Le ministre s’est inquiété de cette taxation car elle inclut «l’outil professionnel": «ça veut dire que quelqu’un (...) qui a une entreprise, qui a des perspectives très importantes mais qui ne fait pas forcément aujourd’hui de résultats économiques qui permettent de verser des dividendes, sera soumise à cette taxe», a-t-il souligné, en citant l’exemple des «licornes» du secteur technologique. De fait, a poursuivi le ministre, les propriétaires de l’entreprise Mistral AI, la «décacorne» française de l’intelligence artificielle valorisée à 14 milliards d’euros, «seraient soumis à cette taxe». «Pour devoir payer la taxe, les gens vont être obligés de vendre les parts de cette entreprise», a-t-il ajouté, en insistant sur le sujet «absolument crucial» de la souveraineté alors que des entreprises chinoises veulent «racheter» des entreprises françaises. «Appliquer une taxe rigoureuse uniquement en France, ça pose un problème. C’est le risque de voir les gens optimiser comme on dit, c’est-à-dire essayer d'éviter la taxe en allant ailleurs», a-t-il ajouté. Le président LR du Sénat Gérard Larcher s’est dit hostile jeudi à la mise en place de cette taxe, la qualifiant d’"illusion», alors que pour la gauche c’est «la base de tout accord» de non censure du gouvernement Lecornu selon l’eurodéputé Raphaël Glucksmann (Place publique). «Il faut discuter (...) On voit bien que si on ne trouve pas un terrain d’atterrissage sur ce sujet, on aura beaucoup de mal à trouver un accord», a estimé le ministre, en soulignant que le Parti socialiste, «seul interlocuteur (...) disposé à discuter avec le gouvernement» en a fait «un sujet très central». © Agence France-Presse