
La Fed va devoir éviter les malentendus

Comme la Banque centrale européenne (BCE) la semaine dernière, la Réserve fédérale américaine ne devrait rien annoncer de nouveau à l’occasion du premier comité de politique monétaire (FOMC) de l’année, mercredi, mais elle sera tout autant attendue sur sa communication.
Malgré le contexte toujours critique sur le front de la pandémie, la remontée des anticipations d’inflation et des taux longs aux Etats-Unis ainsi que les débats sur un «tapering» (ralentissement des achats d’actifs) ont préoccupé les marchés depuis que les sénatoriales de Géorgie ont donné une certaine marge de manœuvre budgétaire au nouveau président Joe Biden.
«Les marchés semblent convaincus que le prochain mouvement de la Fed sera d’en faire plutôt moins que plus. Mais un changement de régime de la politique monétaire est une étape-clé pour les investisseurs, et les expériences de ‘tapering’ de 2013 et 2018 sont encore dans toutes les mémoires», relativise Franck Dixmier, directeur des investissement obligataires chez Allianz GI.
Prudence pour le premier FOMC de l’ère Biden
«Face au caractère autoréalisateur de scénarios trop optimistes, Jerome Powell va devoir réaliser un véritable numéro d’équilibriste», estime Jean-Louis Mourier, économiste d’Aurel BGC. «Il profitera probablement de cette réunion pour étouffer l’idée que la Fed est sur le point de réduire son ‘quantitative easing’ (QE), confirme Thomas Costerg, économiste US chez Pictet WM. Il dira, pour une fois, que le plan budgétaire adopté fin décembre et celui encore attendu pour les prochains mois ne changent pas la donne sur l’action monétaire.» Une nouveauté, sachant que la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle reste mal comprise...
La banque centrale, qui réajuste généralement sa communication en janvier en même temps qu’elle change ses gouverneurs votants (ses présidents de Fed régionales cette année comme tous les cinq ans), ne devrait pas toucher à sa stratégie tournée depuis août vers l’emploi plus que vers l’inflation. Elle pourra encore s’appuyer sur des perspectives moroses sur le marché du travail, et sur des perspectives d’inflation très hypothétiques – malgré un swap 5y5y (5 ans dans 5 ans) proche de 2,3% et un effet de base sur les prix du pétrole qui les matérialisera momentanément après avril. Elle pourra aussi souligner les effets de la pandémie sur l’économie, alors que les mauvaises nouvelles sur le plan des vaccins ont fait chuter les rendements des US Treasuries lundi (de 1,10% à 1,04% pour le 10 ans. Joe Biden pourrait gérer la crise sanitaire autrement que son prédécesseur, même s’il est plutôt resté vague sur ce sujet jusqu’à présent.
«Il n’est même pas certain que le sujet d’une ‘opération twist’ vers les Treasuries à plus long terme - voire celui du contrôle de la courbe (YCC) latent depuis l’été 2020 - soit abordé, poursuit Thomas Costerg. Pour nous, le risque est plutôt de voir la Fed augmenter ses achats de Treasuries : au rythme actuel de 80 milliards de dollars par mois (960 sur l’année), ils couvriraient moins d’un tiers du déficit américain en 2021, contre 71% (sur 3.348) en 2020. Elle attendra cependant un motif, peut-être la baisse de croissance que nous attendons à -0,5% (non annualisée, au lieu de +0,6% pour le consensus) sur le premier trimestre.»
Le consensus anticipe désormais plutôt la réduction du QE pour 2022, et «selon un processus très progressif qui pourrait durer toute l’année», estime Lee Hardman, analyste forex chez MUFG, qui voit donc le dollar encore s’affaiblir cette année. La remontée des taux Fed funds est attendue seulement pour 2023, ou même 2025 pour Pictet WM.
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