
La discorde persiste sur la taxonomie verte européenne

Le quatrième tour de négociations sur la taxonomie verte aura au moins eu un avantage : permettre aux représentants des trois institutions européennes de terminer l’inventaire de leurs divergences concernant la certification des investissements verts, plus d’un an après la publication des propositions de la Commission européenne.
Malgré des débats longs et animés, jusqu’à tard mercredi soir lors d’un trilogue, une principale pierre d’achoppement demeure sur le mode de gouvernance du label. La brève proposition initiale de la Commission européenne (CE) ne donne en effet que des lignes directrices visant à identifier les activités économiques vertes en fonction de six objectifs environnementaux. Aux termes de cette proposition, la mise en place des normes techniques précises pour les différents secteurs serait ensuite déterminée au cas par cas par un groupe d’experts dont les décisions seraient promulguées par l’exécutif européen après consultation des deux autres institutions via un acte délégué - l’équivalent du décret en France.
Le Parlement européen (PE) soutient cette proposition, au contraire des États membres qui estiment qu’elle laisserait une trop grande marge de manœuvre à la CE. Le Conseil, soutenu par un grand nombre de lobbies qui craignent les experts de la Commission, entend reprendre la main sur le processus en créant son propre groupe d’experts et en imposant, pour les décisions les plus importantes, le recours au régime des actes d’exécution, qui lui assure d’avoir le dernier mot.
Pour la CE et le PE, cette possibilité contreviendrait aux traités et plus largement au droit européen. Selon une source au plus près des négociations, la France et l’Allemagne constitueraient les pivots d’une minorité de blocage robuste au Conseil sur cette question.
Autre point de divergence profond : l’exclusion de la classification de certaines catégories d’activités. A ce sujet, la France apparaît bien seule, elle qui souhaite faire du nucléaire une activité verte. Elle se heurte à l’opposition allemande, mais aussi à celle, farouche, de la co-rapporteure finlandaise du PE, Sirpa Pietikainen, qui a répété son opposition à l’inclusion du nucléaire dans le champs de la certification. L’exclusion des énergies fossiles, charbon inclus, ne devrait pas souffrir de contestation. Seul le gaz fait exception, certains Etats membres s’opposant à son exclusion. Un compromis consistant à exclure les nouvelles infrastructures gazières tout en conservant l’énergie gazière en elle-même pourrait être trouvé.
Les responsables européens semblent plus proches de s’accorder sur d’autres points, à l’instar de la définition des différentes sous-catégories de certifications. La Commission a proposé à ce sujet une classification avec un code vert foncé pour les activités qui contribuent effectivement à un objectif environnemental; vert clair pour les activités qui vont dans le sens de la transition écologique sans satisfaire les critères de la taxonomie et sans couleur pour les autres. S’ils souhaitent une définition plus claire de ces critères, les deux co-rapporteurs du PE s’accordent sur ce principe.
Enfin, selon deux sources, la volonté affichée par les États membres de repousser l’entrée en vigueur du règlement à 2022 au lieu du mois de juillet 2020 initialement retenu pourrait n’être qu’une posture de négociation destinée à servir de monnaie d’échange contre la satisfaction d’autres demandes.
Les propositions de la Commission seront très attendues par les négociateurs, dans l’optique du prochain trilogue prévu le 3 décembre. Un autre round de négociation pourrait avoir lieu le 16 décembre. Les différentes sources se sont montrées pessimistes quant à un accord avant la fin de l’année civile, malgré les ambitions de la Présidence finlandaise.
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Munich - Acheter une voiture chinoise sur les Terres de Volkswagen, BMW et Mercedes? «Et pourquoi pas?», sourit la designeuse allemande Tayo Osobu, 59 ans, déambulant dans la vieille ville de Munich, devenue vitrine géante du salon automobile. Venue de Francfort, elle découvre les plus de 700 exposants, dont 14 constructeurs chinois contre 10 européens, qui tentent de séduire le public avec des modèles high-tech dans toutes les gammes de prix. Sur la Ludwigstrasse, deux mondes se font face. D’un côté, le géant chinois BYD, dont les ventes en Europe ont bondi de 250% au premier semestre, expose ses modèles phares, dont l’un, une citadine électrique, se vend à partir de 20.000 euros. De l’autre, Volkswagen, numéro 1 européen en crise, tente de défendre son territoire malgré la chute des livraisons et un plan social historique. Tayo est impressionnée par les finitions des coutures à l’intérieur d’une voiture BYD. Sur la sécurité, aucun doute: «si elles sont vendues ici, c’est qu’elles respectent les normes européennes», répond-t-elle sans hésiter. Qualité au «même niveau» Les marques chinoises maîtrisent une grande partie de leur chaîne de valeur, des batteries électriques aux logiciels embarqués. De plus, elles bénéficient d’une main d'œuvre moins chère et d’économies d'échelle grâce au marché chinois gigantesque. Et fini la réputation de la mauvaise qualité. «Ce qui a changé en cinq ans, c’est qu'à prix inférieur, les Chinois sont désormais au même niveau sur la technologie et la qualité à bien des égards», résume l’expert du secteur Stefan Bratzel. Pour contenir cette offensive, la Commission européenne a ajouté l’an dernier une surtaxe pouvant atteindre 35% sur certaines marques chinoises, en plus des 10% de droits de douane existants. Objectifs visés: protéger l’emploi sur le Vieux continent, limiter la dépendance technologique et préserver l’image des constructeurs européens. Mais BYD contournera bientôt la mesure: sa première usine européenne en Hongrie doit démarrer sa production dès cet hiver. Il est encore «trop tôt» pour parler d’invasion, estime M. Bratzel. Les marques chinoises doivent encore établir «une relation de confiance» avec le public européen, développer des réseaux de concessionnaires et de service après-vente, explique-t-il. Des acheteurs potentiels le disent aussi: «Si on conduit une voiture chinoise, dans quel garage va-t-on en cas de problème?», s’interroge Pamina Lohrmann, allemande de 22 ans, devant le stand Volkswagen où est exposé un ancien modèle de l’iconique Polo. «J’ai grandi avec les marques allemandes, elles me parlent plus», confie cette jeune propriétaire d’une Opel décapotable, dont la famille roule plutôt en «BMW, Porsche ou Mercedes». «Image de marque» L’image des véhicules reste un point faible, mais déjà une certaine clientèle, jeune et technophile, se montre plus ouverte. Cette dernière est convoitée par la marque premium XPeng, lancée en Chine en 2014 : «Nous visons la première vague d’enthousiastes de la technologie», explique son président Brian Gu sur le salon. Loin de baisser les bras, les constructeurs allemands continuent de «renforcer leur image de marque européenne» avec «un héritage» échappant encore aux entrants chinois, explique Matthias Schmidt, un autre expert. Volkswagen a ainsi rebaptisé son futur modèle électrique d’entrée de gamme «ID.Polo», attendu en 2026 autour de 25.000 euros, pour capitaliser sur la notoriété de sa citadine. Et les Européens imitent les Chinois sur l’intégration du numérique, comme le nouveau système d’affichage par projecteur de BMW, et dans la course à la recharge rapide. Ils adoptent aussi les batteries lithium-fer-phosphate (LFP), moins coûteuses, et intègrent de plus en plus de pièces standards chinoises, afin de réduire les coûts et de combler l'écart technologique, note M. Schmidt. «Ce qui compte, c’est que les fonctionnalités et le prix soient convaincants», note Martin Koppenborg, consultant automobile de 65 ans, bravant la pluie sur un stand de BYD, visiblement séduit. Léa PERNELLE © Agence France-Presse