
La chute de la livre turque inquiète les marchés

L’ensemble des indices actions européens souffrent vendredi, alors qu’un risque de propagation des difficultés de la Turquie à l’Europe fait désormais surface, minant les cours des banques et l’euro.
Vendredi, la livre turque a perdu jusqu'à 12% face au dollar. A la-mi-séance à Paris, elle cédait 6,2%. La devise pâtit des menaces de sanctions de la part de Washington, après l'échec de négociations entre les Etats-Unis et la Turquie au sujet au sujet du pasteur américain Andrew Brunson, soupçonné par Ankara de terrorisme et détenu dans une prison turque.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a exhorté vendredi ses concitoyens à changer leurs devises étrangères pour soutenir la livre turque à l’agonie, affirmant qu’il s’agissait d’une «lutte nationale» contre la «guerre économique» déclarée selon lui à la Turquie. «Si vous avez des dollars, des euros ou de l’or sous votre oreiller, allez dans les banques pour les échanger contre des livres turques. C’est une lutte nationale», a lancé M. Erdogan dans un discours à Bayburt (nord-est) retransmis à la télévision.
Aggravant la situation, le président américain Donald Trump a annoncé vendredi après midi sa volonté de doubler les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium turcs.
Un article du Financial Times rapportant que la Banque centrale européenne (BCE) était préoccupée par l’exposition des banques européennes à l'économie turque est venu ajouter de l’huile sur le feu. Selon le quotidien britannique, la BCE craindrait que des emprunteurs turcs ne se soient pas couverts contre la chute de la livre et fassent défaut sur leurs emprunts libellés en devises étrangères, qui constituent environ 40% du bilan des banques turques.
La BCE surveille la situation en Turquie et est en contact avec les banques de la zone euro concernant leur exposition au pays, a indiqué une personne proche du dossier au Wall Street Journal. Si les craintes de la BCE ne sont pas trop élevées à ce stade, l’institution est attentive aux répercussions éventuelles pour les banques de la zone euro de la chute de la livre turque et de l'évolution globale de l'économie turque, a précisé cette personne.
A la suite de cet article, l’ensemble des banques européennes souffrent sur les marchés. Directement citées par le Financial Times, BNP Paribas, BBVA et UniCredit perdent respectivement 3,4%, 4,2% et 3,3%. Les autres banques européennes n'échappent pas à ce coup de semonce, Deutsche Bank abandonnant 3,5% et Crédit Agricole cédant 1,7%.
La chute des banques pèse sur l’ensemble des indices européens : le CAC 40 recule de 1,1% à la mi-journée, le DAX 30 perd 1,7% et le FTSE Mib se replie de 1,7% également. La Bourse de Londres de son côté cède 0,7%.
Une exposition à l'économie turque à relativiser
S'éloignant de ses points bas de la matinée, l’euro abandonne 0,4% à 1,1478 dollar. Signe d’inquiétudes sur le marché, les rendements des obligations allemandes évoluent à leur plus bas niveau depuis trois semaines en raison d’une fuite vers les actifs sûrs, souligne Commerzbank. Le rendement du Bund à 10 ans s’inscrit actuellement à 0,35%.
«Pendant quelques jours, les marchés internationaux ont observé le plongeon de la livre turque avec plus de curiosité que d’inquiétude, semblant considérer qu’il ne s’agissait que du problème de la Turquie», indique Sean Callow, stratégiste devises chez Westpac. «C’est en train de changer», ajoute-t-il.
Néanmoins, l’exposition des banques du continent à la Turquie est relativisée par les intermédiaires de marché. «Il reste peu probable que les répercussions liées à la Turquie amènent le volume de crédit à se tarir dans une région de la zone euro», juge Carsten Hesse, économiste chez Berenberg. Selon ses calculs, si la zone euro venait à réduire ses exportations de 20%, cela retirerait à peine 0,1 point du produit intérieur brut (PIB) de l’ensemble de l’union monétaire.
«Il est vrai que la Turquie constitue une exposition pour les banques européennes mais les pertes seraient limitées», souligne de son côté Christian Parisot, responsable de la recherche actions chez Aurel BGC . «Le vrai problème est qu’il y a actuellement une succession d'éléments négatifs sur les pays émergents et sur les changes liés à ces pays, avec des craintes sur la Turquie mais aussi sur le rouble russe, sur la vigueur de la croissance chinoise dans un contexte de tensions commerciales, ou encore sur le Brésil», ajoute-t-il.
Les investisseurs craignent également que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, menace l’indépendance de la banque centrale du pays. Cette dernière a laissé ses taux d’intérêt inchangés le mois dernier et «de nombreux investisseurs pensent que les pressions politiques l’empêchent de prendre les mesures nécessaires», renchérit Jörg Krämer, économiste en chef chez Commerzbank, dans une note publiée vendredi.
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Népal : trois ministres du gouvernement provisoire nommés après les émeutes meurtrières
Katmandou - La nouvelle Première ministre du Népal Sushila Karki a présenté lundi les trois premiers membres du gouvernement provisoire qu’elle dirigera jusqu’aux élections convoquées en mars après les émeutes meurtrières de la semaine dernière Les nouveaux ministres ont prêté serment à la mi-journée devant le chef de l’Etat Ramchandra Paudel, lors d’une courte cérémonie organisée sous une tente devant les ruines de la présidence incendiée par les manifestants. Ancien patron de l’Autorité de régulation de l'électricité, Kulman Ghisang s’est vu attribuer les portefeuilles de l’Energie, des Infrastructures, des Transports et du Développement urbain. Economiste reconnu et ancien secrétaire du ministère des Finances, Rameshwor Khanal a été promu ministre des Finances. Quant à l’avocat Om Prakash Aryal, spécialisé dans les dossiers de corruption, de gouvernance et de défense des droits humains et des libertés, il dirigera un grand ministère de la Loi, de la Justice et des Affaires parlementaires. L’ex-cheffe de le Cour suprême, Sushila Karki, 73 ans, a pris vendredi les rênes du pays dans la foulée des plus graves émeutes antigouvernementales que le pays a connues depuis l’abolition de la monarchie en 2008. Elle doit conduire le pays jusqu'à des élections législatives anticipées fixées le 5 mars 2026. Selon le dernier bilan publié par les autorités, les violences ont fait au moins 72 morts et des centaines de blessés, dont 191 étaient toujours hospitalisés dimanche. Le 8 septembre, la police a ouvert le feu à Katmandou sur des milliers de jeunes manifestants réunis sous la bannière d’une «Génération Z» venus dénoncer le blocage des réseaux sociaux et, au-delà, la corruption du gouvernement. Le lendemain, des groupes de manifestants ont mis à sac la capitale en incendiant et détruisant tous les symboles du pouvoir, dont le Parlement et de nombreux bâtiments ministériels. Au pouvoir depuis 2024, le Premier ministre KP Sharma Oli, a été contraint de démissionner. Lors de sa première prise de parole publique dimanche, Mme Karki s’est engagée à satisfaire les exigences des jeunes protestataires. «Nous devons travailler en accord avec la pensée de la génération Z», a-t-elle déclaré, «ce qu’ils réclament, c’est la fin de la corruption, une bonne gouvernance et l'égalité économique». Dans un pays où plus des trois quarts de la main d'œuvre sont employés dans l'économie informelle, plus de 20% des jeunes Népalais de 15 à 24 ans sont au chômage, selon de récentes estimations de la Banque mondiale. Alors que le produit intérieur brut (PIB) annuel par habitant frôle à peine les 1.450 dollars, les manifestants ont régulièrement dénoncé le train de vie luxueux des enfants de l'élite qui s’affichent sur les réseaux sociaux. © Agence France-Presse -
La Bourse de Paris en hausse, les yeux sur la Fed
Paris - La Bourse de Paris a ouvert en hausse lundi, faisant fi de la dégradation par Fitch de la note de la dette française, les yeux rivés sur la réunion de la Réserve fédérale américaine (Fed) qui devrait baisser ses taux cette semaine. Vers 9H30 (heure de Paris), le CAC 40 prenait 0,72%, en hausse de 56,61 points, à 7.881,85 points. Vendredi, l’indice vedette parisien était resté stable (+0,02%). «Les acteurs du marché nourrissent de grandes attentes à l’égard de la prochaine réunion de la Réserve fédérale américaine et de sa décision sur les taux d’intérêt», relève Andreas Lipkow, analyste indépendant. L’institution monétaire de la première économie mondiale se réunit les 16 et 17 septembre pour déterminer de la suite de sa politique. Elle devrait abaisser ses taux pour la première fois depuis décembre 2024, afin de stimuler l’activité économique américaine, sur fond de détérioration du marché du travail ces dernières semaines. «La Fed baissera probablement ses taux de 0,25 point de pourcentage», prévoient les experts de Natixis. L’inflation du mois d’août, publiée la semaine dernière, est restée globalement conforme aux attentes du marché. Elle ne constitue donc plus, selon les analystes, un obstacle à un assouplissement monétaire de la banque centrale américaine. «Je pense que vous allez procéder à une forte baisse. C’est le moment idéal pour baisser les taux», a d’ailleurs affirmé dimanche le président des Etats-Unis Donald Trump, qui réclame à cor et à cri un tel mouvement depuis plusieurs mois. Une baisse des taux est généralement bonne pour les actions car elle permet aux entreprises de se financer à moindre coût, ce qui améliore les perspectives d’investissements et donc de croissance de l’activité. La dette française dégradée L’agence de notation Fitch a abaissé vendredi soir la note souveraine de la France à A+, sanctionnant le pays pour son instabilité politique persistante et les incertitudes budgétaires qui contrarient l’assainissement de ses comptes publics très dégradés. Ouvrant le bal des examens d’automne des agences de notation, Fitch dresse un constat sévère de la situation des finances publiques dans la deuxième économie de la zone euro, quatre jours après la chute du gouvernement Bayrou et la nomination de Sébastien Lecornu. Elle juge notamment improbable la réduction du déficit public sous les 3% du PIB en 2029 comme l’ambitionnait le gouvernement sortant pour remettre la France dans les clous européens. Cette dégradation était attendue par les investisseurs parisiens, et n’a eu donc que peu d’effet sur le marché obligataire. Vers 9H30 (heure de Paris) le taux d’intérêt à dix ans hexagonal était de 3,50%, le même niveau que vendredi soir en clôture, avant la décision de Fitch. L'écart avec celui de l’Allemagne atteignait 0,80 point de pourcentage, contre 0,79 point en fin de semaine dernière. Euronext CAC40 © Agence France-Presse -
Rubio rencontre Netanyahu à Jérusalem pour parler des conséquences de la frappe israélienne au Qatar
Jérusalem - Le secrétaire d'État américain Marco Rubio rencontre lundi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour examiner les conséquences d’une attaque israélienne contre des dirigeants du Hamas au Qatar et ses répercussions sur les efforts visant à instaurer une trêve à Gaza. La rencontre entre MM. Rubio et Netanyahu devait commencer à 10h00 (07h00 GMT) à Jérusalem, selon le département d’Etat. M. Rubio a indiqué à des journalistes qu’il comptait discuter avec le Premier ministre de l’offensive militaire israélienne en cours sur Gaza-ville, ainsi que des discussions au sein du gouvernement israélien sur l’opportunité d’annexer des territoires en Cisjordanie, occupée par Israël depuis 1967, dans le but d’empêcher la création d’un État palestinien. Il a affirmé que le président américain Donald Trump souhaitait que la guerre de Gaza, déclenchée par l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas, le 7 octobre 2023, sur Israël, soit «terminée», ce qui doit passer selon lui par la libération des tous les otages enlevés ce jour-là et des garanties sur le fait que le Hamas «ne soit plus une menace» pour Israël. La visite de M. Rubio avait été prévue avant la frappe israélienne ayant visé des dirigeants du Hamas, le 9 septembre au Qatar, une attaque qui a fortement contrarié Donald Trump. Washington est l’allié numéro un d’Israël, mais aussi un proche allié du Qatar, pays à la pointe des efforts diplomatiques, avec l’Egypte et les Etats-Unis, en vue d’un accord de cessez-le-feu et de libération des otages à Gaza. Le Qatar abrite la plus grande base militaire américaine au Moyen-Orient. La visite de M. Rubio est destinée afficher la solidarité des Etats-Unis avec Israël à une semaine d’un sommet codirigé par la France et l’Arabie saoudite aux Nations Unies et destiné à promouvoir la reconnaissance internationale de l’Etat de Palestine, ce à quoi s’opposent fermement M. Netanyahu et ses alliés d’extrême droite au sein du cabinet israélien. «Capitale éternelle» Le secrétaire d’Etat a indiqué que l’attaque israélienne à Doha ne le détournait pas du but initial de sa visite. Cette frappe «ne va pas changer la nature de notre relation avec Israël, mais nous allons devoir en parler», a déclaré M. Rubio avant son départ. «Nous ne sommes évidemment pas contents de (cette attaque mais) nous devons aller de l’avant et déterminer ce qui va se passer ensuite», a-t-il ajouté. La frappe visait une réunion de dirigeants du Hamas rassemblés pour examiner une nouvelle proposition de cessez-le-feu américaine pour Gaza. Elle a fait cinq morts, cinq Palestiniens membres du Hamas et un policier qatari. Catholique pratiquant, M. Rubio s’est recueilli dimanche avec M. Netanyahu au mur des Lamentations, lieu le plus sacré du judaïsme où les juifs sont autorisés à prier. Le mur des Lamentations, vestige du Second Temple juif, détruit par les Romains en l’an 70, est situé à Jérusalem-Est, secteur de la Ville sainte occupé et annexé par Israël depuis 1967. Dans un message sur X, M. Rubio a ensuite déclaré que Jérusalem était la «capitale éternelle» d’Israël. M. Netanyahu a déclaré lui que l’alliance d’Israël avec les États-Unis n’avait «jamais été aussi forte». Les Etats-Unis sont un des rares pays à reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, enjeu clef du conflit israélo-palestinien. L’annexion de Jérusalem-Est n’est pas reconnue par les Nations unies, et l’Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas souhaite faire de ce secteur la capitale de l’Etat palestinien pleinement souverain et indépendant auquel aspirent les Palestiniens. © Agence France-Presse