La BCE est bien outillée face aux problèmes de liquidité

La Banque centrale européenne dispose d’une large palette d’instruments pour assurer la transmission de sa politique monétaire ou répondre aux problèmes de liquidité. Certains sont largement utilisés, d’autres resteront dans ses cartons. Explications.
Réunion de l’Eurogroupe du 8 novembre 2021. Paschal DONOHOE (Eurogroup President, Ireland), Christine LAGARDE (President of the European Central Bank)
La BCE est capable «de créativité à très court terme pour prévenir tout choc», a rappelé Christine Lagarde  -  Crédit European Union

Confrontée à la perspective de remonter ses taux en pleine tourmente financière, la Banque centrale européenne a cherché à rassurer les marchés, le 16 mars dernier. «Si cela s’avérait nécessaire, nous disposons d’outils, de mécanismes et d’une boîte à outils que nous sommes prêts à activer en cas de besoin», a ainsi insisté Christine Lagarde, présidente de l’institution.

Le principal outil de stabilisation financière passe par la baisse des taux et, depuis 2008, l’assouplissement quantitatif - deux outils qu’il est difficile d’utiliser dans un environnement inflationniste. Ironiquement, l’essentiel des autres mécanismes à disposition de la BCE ont été mis en place pour soutenir une inflation défaillante.

Refinancement

Côté banques, la BCE dispose de ses deux principaux outils, dont les taux sont déterminés en parallèle de son taux directeur. Les principales opérations de refinancement (main refinancing operations, MRO), d’abord, qui fournissent l’essentiel des liquidités aux banques européennes. Les prêts à une semaine, alloués chaque semaine, sont garantis par du collatéral et s’assortissent d’un taux fixé par la BCE (3,50%). La facilité de prêts marginaux (marginal lending facility), ensuite : les banques peuvent obtenir des liquidités sans limite de volume à un taux fixé par la BCE (3,75%), en échange de collatéral.

Les opérations de refinancement à long terme (LTRO), des prêts collatéralisés à trois mois, peuvent prendre le relais des opérations de MRO lorsque les tensions économiques ou financières sont durables. La BCE a affiné ces outils avec les LTRO ciblés (TLTRO) : les conditions auxquelles les banques peuvent emprunter de l’argent sont plus souples si certains volumes de prêts sont atteints. Des conditions qui ont permis aux banques des pays périphériques de la zone euro d’assurer les prêts à leurs économies, tandis que les banques des pays cœur ont placé l’essentiel de ces liquidités au sein de la banque centrale.

De fait, l’objectif de stabilité financière de la BCE passe aussi par la lutte contre la fragmentation, ce qui permet d’assurer le fonctionnement des marchés de capitaux européens. Actuellement, le seul outil utilisé par la BCE est la flexibilité dans les réinvestissements de son programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP).

A lire aussi: Les banques européennes cherchent à optimiser leurs opérations de refinancement

Signal

Aussi fournie que soit la boîte à outils de la BCE, les mesures d’apport de liquidité fonctionnent d’abord parce qu’elles envoient un signal aux marchés. Ainsi, non seulement les annonces concertées des banques centrales du dimanche 19 mars sur la mise en place de lignes de swaps en dollars anticipent toute tension sur les marchés, mais elles permettent aussi de les prévenir. «Les lignes de swaps étaient prêtes depuis plusieurs jours, confie un régulateur. Leur annonce, dimanche soir, après le sauvetage de Credit Suisse, envoie un signal fort de coopération entre les différentes banques centrales, qui a été bien reçu».

Un ensemble d’outils, pour le moment inactifs, témoignent aussi de ce rôle de prévention. L’«outil antifragmentation» (transmission protection instrument, TPI) permet ainsi à l’institution d’acheter des titres souverains sur les marchés, sans limites (bien que des conditions d’éligibilités s’appliquent), si des conditions de marché mènent à un écartement des taux trop importants.

Demeure aussi une relique de la crise de la zone euro, les opérations monétaires sur titres (outright monetary transactions, OMT), mises en place en 2012 et jamais utilisées. Elles permettent d’intervenir sur les parties courtes de la courbe (1 à 3 ans) des pays éligibles. Côté banques, un programme de LTRO spécifique à la période Covid (PELTRO) existe encore, même s’il a été peu utilisé.

Christine Lagarde a d’ailleurs rappelé que la BCE était capable «de créativité à très court terme pour prévenir tout choc sur la liquidité».

Mécanismes européens

L’Union bancaire, pour incomplète qu’elle soit, implique aussi la BCE dans la vie -et la mort- des banques. Dans le cadre du mécanisme de supervision unique (SSM), la BCE supervise les banques les plus importantes : 111 banques sont concernées, soit 82% des actifs bancaires européens. Le mécanisme de résolution unique (MRU), financé par le fonds de résolution unique (FRU) de 66 milliards d’euros abondé par les banques, permet à la BCE de résoudre les faillites bancaires.

L’Union des marchés de capitaux, loin d’être complète, pose, dans le cadre d’une résolution des crises bancaires, deux problèmes. D’une part, la taille du FRU est trop faible au regard des montants en jeu, même si des financements additionnels pourraient être trouvés, comme une ligne de crédit renouvelable proposée par le mécanisme de stabilité européen (MES). La Société Générale remarque par ailleurs dans une note de recherche que l’assurance des dépôts à l’échelle nationale et non européenne peut rendre les pays plus sensibles à des retraits domestiques importants : en cas de faillite importante, les réserves domestiques pourraient ne pas suffire à couvrir l’ensemble des dépôts.

Enfin, le MES, qui permet de soutenir les pays européens en difficulté, peut aussi intervenir pour recapitaliser les banques locales, «à partir du moment où ni l’Etat ni les marchés ne le peuvent sans causer davantage de tensions sur les marchés». L’institution créée lors de la crise de la zone euro peut également apporter de la liquidité aux marchés de dette souveraine pour prévenir toute transmission des tensions au refinancement des banques. Les conditions d’emploi du MES, qui doivent impliquer les parlements nationaux et se limitent aux institutions systémiques et viables, en limitent néanmoins l’intérêt.

Les dirigeants européens se retrouveront jeudi et vendredi pour un Conseil qui évoquera, entre autres, l’état de l’économie européenne et les tensions sur le système bancaire. Nul doute que les dirigeants feront écho aux déclarations de Christine Lagarde.

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