
La BCE assume sa politique dans la tempête financière

L’attaque du communiqué de presse de la Banque centrale européenne donne le ton. Commentant sa décision de relever son taux directeur de 50 points de base, à 3%, la banque centrale rappelle que «l’inflation devrait rester trop élevée pendant trop longtemps». La décision avait beau avoir été communiquée dès décembre -la BCE s’était alors engagée à relever ses taux directeurs de deux fois 50 pb supplémentaires-, les marchés ont été pris de court.
Mercredi soir, la probabilité d’une hausse d’une telle ampleur était fixée à seulement 14,5%, selon les marchés de swaps, tant la tension sur les marchés était importante. «Toute autre décision aurait ouvert la voie à de nombreuses interprétations, qui auraient alimenté le stress de marché et entamé la crédibilité de l’institution», constate Bruno Cavalier, économiste en chef d’Oddo BHF.
Les inquiétudes sur le secteur bancaire n’ont donc pas ébranlé la détermination de la banque centrale. Celle-ci «suit de près les tensions actuelles sur les marchés et se tient prête à réagir si nécessaire pour préserver la stabilité des prix et la stabilité financière dans la zone euro», a concédé Christine Lagarde, la présidente de l’institution. Le communiqué mentionne de fait la solidité d’un secteur «bien capitalisé et disposant de liquidités», tout en rappelant que la BCE dispose d’outils pour assurer la stabilité de marché : la BCE est capable «de créativité à très court terme pour prévenir tout choc sur la liquidité», a ainsi souligné la gouverneure.
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Conflit d’objectifs
«La BCE insiste sur la règle de Tinbergen -un instrument par objectif- qui permettrait de concilier lutte contre l’inflation et stabilité financière», explique Florian Ielpo, responsable de la recherche macro chez Lombard Odier AM. L’économiste rappelle qu’en juillet 2008, lorsque la BCE avait monté ses taux en pleine tourmente financière, l’institution n’était focalisée que sur la maîtrise de l’inflation, et qu’elle ne disposait pas d’outils liés à son bilan pour absorber les chocs de marché.
Face à l’incertitude grandissante, «Christine Lagarde a pris soin de ne pas se laisser enfermer dans un débat sur un conflit d’objectifs, en n’opposant pas stabilité financière et stabilité des prix, souligne Bruno Cavalier. La BCE maintient ouvertes ses possibilités pour la suite, tout en suggérant ne pas avoir terminé le travail sur l’inflation.»
Or, la stabilité financière est essentielle dans la maîtrise de la dynamique de prix, puisqu’elle est nécessaire à la bonne transmission de la politique monétaire -un terme mentionné cinq fois dans le communiqué de presse.
Dépendance aux données
Les nouvelles projections économiques de l’institution, arrêtées avant les tensions sur Credit Suisse et les banques américaines, font par ailleurs état d’une économie européenne étonnamment résistante. «Les chiffres de la croissance montrent que l’économie européenne résiste bien -un scénario inquiétant pour la banque centrale, car il signifie que la transmission de la politique monétaire est plus lente ou moins efficace que prévu», insiste Florian Ielpo. De quoi forcer l’institution à poursuivre son approche basée sur les données, d’autant plus que, pour la première fois depuis le début du mandat de Christine Lagarde, la BCE s’est abstenue de tout engagement sur la trajectoire future de la hausse des taux. Les perspectives d’inflation, la dynamique de l’inflation sous-jacente, la force de la transmission monétaire mais aussi les données de stabilité financière continueront donc de dicter les décisions de la banque centrale, a expliqué la gouverneure.
Les marchés obligataires se sont réajustés, dans le sillage des annonces de la BCE. Le rendement du taux allemand à deux ans gagnait 20 pb, à 2,58%, après avoir perdu 76 pb entre vendredi 10 mars et jeudi midi. Le rendement sur le Bund à 10 ans progressait de 15 pb depuis son point le plus bas atteint jeudi, à 2,27%. L’OAT et le BTP à 10 ans gagnaient chacun 14 pb, à 2,82% et 4,18%.
Le mouvement s’est toutefois étendu aux Treasuries, qui ont pu s’effriter avec les craintes d’une contagion plus vaste de la crise de SVB au secteur bancaire. Le taux américain à 10 ans gagnait 20 pb entre son plus bas, jeudi, et jeudi soir, à 3,56%. Côté devises, l’euro progressait face au dollar de 0,4%, à 1,062. Les indices actions ont également progressé, le Stoxx 600 gagnant 2,2% sur la journée.
Les marchés de swaps parient désormais sur un taux terminal de 3,17%, atteint en septembre. Jeudi matin, les swaps tablaient sur un taux terminal de 3,12%, atteint dès octobre.
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