
Des zones d’ombre subsistent dans le règlement européen sur les subventions étrangères

Le 12 juillet prochain, le règlement européen sur les subventions étrangères (RSE) s’appliquera. A partir de cette date, la Commission européenne pourra ouvrir des enquêtes de sa propre initiative. Avec un objectif, remédier aux distorsions causées par les subventions provenant d’un Etat hors Union européenne (UE), tout en garantissant des conditions de concurrence équitable pour toutes les entreprises opérant dans le marché unique.
Dans le cadre des concentrations, ce règlement impose aux entreprises de notifier à la Commission européenne les acquisitions, si la cible ou l’entreprise commune génère un chiffre d’affaires d’au-moins 500 millions d’euros dans l’UE et si le montant cumulé des subventions étrangères est de 50 millions d’euros ou plus. Dans le cadre des passations de marchés publics à partir de 250 millions d’euros, tout participant bénéficiant d’une aide d’au moins 4 millions d’euros d’un pays non-membre de l’UE devra le notifier à Bruxelles. Dans tous les autres cas de figure, la Commission a la possibilité d’ouvrir des enquêtes de sa propre initiative si elle soupçonne l’existence de subventions étrangères génératrices de distorsions. Par exemple pour des appels ou d’offres ou des concentrations inférieurs aux seuils fixés.
Une preuve difficile à apporter
«Dans un marché mondialisé, on peut imaginer qu’une entreprise bénéficiant d’aides, par exemple de son Etat d’origine, puisse mobiliser ces fonds pour acquérir une société européenne en la payant au-dessus du prix de marché pour l’emporter, ou encore pour remporter un appel d’offres, en formulant une proposition à pertes, ceci en vue par exemple de pénétrer un marché, explique Christophe Lemaire, avocat associé chez Ashurst. Toutefois, démontrer que cette subvention étrangère a eu un effet négatif sur le marché européen pourra être difficile à établir».
Très attendus, le premier projet de règlement d’application et ses deux annexes, sur les concentrations et sur les appels d’offres, viennent d’être publiés. Le contenu «semble proche des procédures de concurrence et de concentration, explique Christophe Lemaire. Toutefois, nous devons rester prudents, le diable est dans les détails». Une phase de consultation sur le projet de règlement d’application et ses annexes est ouverte jusqu’au 6 mars 2023. Dans un second temps, après un premier retour d’expérience, la Commission adoptera des lignes directrices avant le 12 janvier 2026, rappelle Christophe Lemaire.
Allègement pour les aides inférieures à 4 millions d’euros
Pour l’heure, le règlement d’application, essentiellement procédural, définit notamment qui doit notifier, dans quels délais ; précise les pouvoirs de la commission, les remèdes et les engagements possibles, la gestion de la confidentialité des informations, l’accès au dossier…
En matière de concentration, «l’annexe ne donne pas de précisions sur la notion de contribution financière, poursuit Christophe Lemaire. Or elle est potentiellement très vaste… En pratique, l’analyse de la Commission s’opérera en trois temps : Elle appréciera d’abord si une mesure nationale est une contribution financière au sens du règlement ; puis si cette contribution constitue une subvention parce qu’elle procure un avantage à son bénéficiaire. Tel pourrait être le cas si, par exemple, dans un crédit étatique le taux d’intérêt n'était pas en ligne avec les taux de marché. Enfin, Bruxelles regardera si cette subvention a produit des distorsions sur le marché intérieur. Dans ce cas, la Commission pourra imposer des mesures réparatrices ou les entreprises adopter des engagements pour y remédier».
Consciente de la difficulté pour les entreprises de recenser toutes les informations demandées, «la Commission a allégé ses demandes pour les contributions inférieures à 4 millions d’euros par an et par pays. Un point positif, se félicite Christophe Lemaire. D’ailleurs, la Commission elle-même réalise que ses moyens devront être revus à la hausse pour analyser ces subventions étrangères». Dans l’étude d’impact, un budget de 90 millions d’euros sur 2021-2027, correspondant à 145 emplois équivalents temps plein, était prévu. Reste à savoir si la Commission disposera effectivement de ce budget.
Avec cette réglementation, «l’Europe, déjà très stricte sur les subventions de ses Etats membres, veut rattraper son retard par rapport aux autres puissances économiques, mieux protéger son territoire et se réindustrialiser, conclut Christophe Lemaire. Toutefois, comme en contrôle des concentrations, Bruxelles ne devrait pas prononcer beaucoup d’interdictions».
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