
- Financement
- Tribune
Défaillances d’entreprises : fausse alerte ?

Le nombre, une fausse piste
Arithmétiquement, force est de constater que le nombre exceptionnel de procédures de 2024 ne constitue qu’un rattrapage très partiel des défaillances évitées lors de la crise sanitaire. En supposant que les défaillances auraient dû, a minima, se maintenir à leur niveau de 2019 pendant la crise (alors que l’année 2019 se situe sensiblement en deçà de la moyenne de la décennie 2010), on peut évaluer à environ 53.000 le nombre de défaillances qui ont été empêchées de 2020 à 2022 par les mesures mises en œuvre par les pouvoirs publics (fonds de solidarité, prise en charge de l’activité partielle, exonération de charges et prêts garantis). Or, le surcroit de défaillances enregistré en 2023 et 2024 (toujours par rapport à 2019) représente moins de 40% des procédures évitées par l’ampleur du «quoi qu’il en coûte».
S’il fallait s’en tenir au nombre des défauts, le bilan en fin d’année 2024 serait donc particulièrement rassurant : non seulement plus de 30.000 disparitions judiciaires auraient été évitées sur les cinq dernières années mais ce nombre est probablement sous-estimé compte tenu du contexte économique tendu des TPE-PME. En effet, le choc inflationniste, l’atonie de l’activité, la hausse des taux d’intérêt, la contrainte de remboursement des PGE et l’incertitude politique, venant s’ajouter aux stigmates de la crise sanitaire, auraient dû aboutir à un nombre de procédures judiciaires très supérieur à celui de 2019.
A lire aussi: Les défaillances dans le monde sont à la merci des guerres commerciales
Un scénario de rattrapage, la preuve par la productivité
Certains analystes ont cru bon d’ajouter que la hausse des défauts s’expliquait aussi par l’explosion récente des créations d’entreprises (environ un million par an depuis 2021) avec un phénomène naturellement décalé de difficultés puis de disparitions judiciaires plus nombreuses. L’argument, pour logique qu’il paraisse, est démenti par l’analyse quand elle est menée en fonction de l’ancienneté de l’entreprise : la part des défauts attribuables à des entités de moins de trois ans, non seulement n’a pas progressé entre 2019 et 2024 mais elle s’est nettement repliée de 23% à 18%.
Quoi qu’il en soit, contrairement à l’image choc d’un record historique, le nombre de défaillances ne devrait pas, à proprement parler, constituer un sujet de préoccupation majeur au regard de la tendance longue. Ce diagnostic d’un scénario de rattrapage est confirmé par une étude approfondie de la Direction générale des entreprises qui montre bien que les entreprises moins productives ont, dans un premier temps, été davantage protégées par le soutien public en 2020 et 2021 puis ont été davantage exposées au rebond des défauts. Nous assistons donc à une forme de retour à la normale, les défauts des entreprises les plus fragiles ayant été simplement différés en 2023, 2024, et probablement 2025, la faible productivité apparaissant comme un facteur causal majeur de la hausse de la probabilité de défaut depuis 2022.
Une fragilisation spécifique des PME, une question d’écosystème ?
Ce diagnostic, globalement valide, explique parfaitement l’évolution des défauts dans l’hôtellerie-restauration, massivement soutenue par l’Etat en 2020-2021. Toutefois, si l’on considère les seules entités de six salariés et plus, on observe une explosion des procédures judiciaires qui dépasse largement le rattrapage des défaillances évitées durant la crise sanitaire. Dit autrement, les mesures de soutien public ont été très efficaces pour les petites entités mais ont finalement peu préservé les structures plus employeuses. Par extension, si l’on mesure, pour les seules PME et ETI (au-delà de dix salariés), le taux de rattrapage des défaillances évitées entre 2020 et 2022, il atteint 100% en fin 2024, contre 37% en moyenne et 27% pour les entités de moins de trois salariés.
Concernant les PME et ETI, dont les défauts ont progressé de 51% par rapport à 2019 (contre 28% pour la moyenne des entreprises), le scénario qui se dessine n’est donc pas celui d’un rattrapage partiel, mais celui d’une fragilité spécifique, qui n’affecte pas avec la même intensité les entités peu employeuses. Ce surcroît de défauts par rapport à 2019 augmente avec la taille des entreprises et concerne de nombreux secteurs, ce qui laisse à penser qu’il est moins causé par des facteurs conjoncturels (prix, taux, demande…) que par des facteurs structurels liés à la taille et/ou à l’emploi. Rappelons à cet égard, l’étude récente de Rexecode sur la surtaxation du travail qualifié en France au-delà de 1,4 Smic qui limite l’offre de travail qualifié, renchérit son coût et dont on peut penser qu’elle pèse in fine sur la productivité en période de baisse d’activité en exerçant une contrainte de rétention des qualifications.
Ce constat est particulièrement préoccupant car, dans un contexte de fragmentation du tissu productif avec la multiplication des entités sans salarié, il met en évidence une faiblesse spécifique des PME et ETI qui disposent au contraire d’une capacité d’investissement et qui valorisent leur capital humain via des dispositifs de formation et de protection sociale avancés.
Plus d'articles du même thème
-
Bouygues Telecom s'appuie sur Younited Credit pour proposer un smartphone à crédit tous les ans
L'opérateur lancera, lundi 8 septembre Smart Change, une offre pour renouveler son smartphone chaque année à prix réduit. Elle repose sur un crédit à taux zéro de 36 mois fourni par la fintech cotée. -
Les consolideurs doivent anticiper l'arrêt prochain de leurs outils phares
Il est urgent de pallier la disparition programmée des deux produits vedettes proposés par Oracle et SAP, alerte MeltOne. -
Mistral AI serait valorisé 12 milliards d’euros par une nouvelle levée de fonds
Le fleuron français de l’intelligence artificielle serait sur le point de finaliser une augmentation de capital de 2 milliards d’euros, à un prix qui lui permettrait de doubler sa valorisation.
ETF à la Une

L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
- Le Crédit Agricole a bouclé l'acquisition de Banque Thaler
- Les émetteurs français de dette bravent la crise politique
- L'indice Euro Stoxx 50 va perdre deux représentants de la Bourse de Paris
- Les dettes bancaires subordonnées commencent à rendre certains investisseurs nerveux
Contenu de nos partenaires
-
Wall Street progresse avec le ralentissement de l’emploi et à la perspective d’une baisse des taux de la Fed
Washington - La Bourse de New York a terminé en hausse jeudi, portée par les chiffres de l’emploi privé aux Etats-Unis, qui ont renforcé les anticipations d’un assouplissement monétaire de la banque centrale américaine (Fed). Le Dow Jones a pris 0,77% et l’indice Nasdaq a gagné 0,98%. L’indice élargi S&P 500 a quant à lui avancé de 0,83%, établissant un nouveau record en clôture à 6.502,08 points. Les créations d’emplois ont nettement ralenti dans le secteur privé aux Etats-Unis en août, selon l’enquête mensuelle ADP/Stanford Lab publiée jeudi avant l’ouverture de Wall Street. Le mois dernier, 54.000 emplois ont été créés dans le secteur privé, contre 106.000 en juillet. Les investisseurs s’attendaient à environ 75.000 créations d’emplois. Ces données viennent s’additionner à des demandes hebdomadaires d’allocation chômage en accélération (+237.000) et à un sous-indice à l’emploi en contraction dans l’enquête de la fédération professionnelle ISM. «Nous sommes dans une période où les mauvaises nouvelles sont en quelque sorte de bonnes nouvelles, le marché attendant une baisse des taux de la Fed», commente pour l’AFP Pat Donlon, de Fiduciary Trust Company. Plusieurs membres de la banque centrale ont récemment plaidé pour un assouplissement monétaire de l’institution et son président, Jerome Powell, a laissé la porte ouverte à cette idée en raison du ralentissement du marché américain du travail. Les données publiées jeudi ont par conséquent renforcé les attentes d’une baisse de taux dès la réunion de politique monétaire de la Fed de septembre, selon l’outil de veille de CME, FedWatch. Et les analystes sont de plus en plus nombreux à anticiper des baisses lors des réunions suivantes. Ils scruteront donc avec d’autant plus d’attention la publication vendredi du rapport mensuel sur l'état du marché du travail aux Etats-Unis, juge Pat Donlon, qui estime qu’il «sera intéressant de voir quelle sera la réaction du marché». En attendant, «ce ne sont pas seulement les chiffres de l’emploi qui enthousiasment Wall Street: le candidat du président Trump au poste de gouverneur de la Fed est en passe d'être confirmé rapidement», note Jose Torres, d’Interactive Brokers. Conseiller de Donald Trump, Stephen Miran a jusqu’ici été un défenseur zélé de l’agenda économique du président américain, qui comprend des droits de douane élevés et des pressions permanentes sur la Fed, sommée de baisser les taux directeurs pour favoriser l’emprunt et soutenir l’activité. Sur le marché obligataire, le rendement des emprunts d’Etat américains à échéance 10 ans se détendait à 4,16%, contre 4,21% mercredi en clôture. Côté entreprises, la plateforme américaine de design collaboratif Figma (-19,92% à 54,56 dollars) a plongé après la publication de ses premiers résultats trimestriels depuis son introduction à la Bourse de New York fin juillet. L'éditeur de logiciels a pourtant dépassé les attentes à la fois sur son chiffre d’affaires du deuxième trimestre et sur ses prévisions pour le trimestre en cours. La marque de jeans American Eagle a été propulsée (+37,96% à 18,79 dollars) après avoir publié des résultats trimestriels globalement meilleurs qu’attendu. Cette marque s’est récemment retrouvée au cœur d’une polémique après une campagne publicitaire avec l’actrice Sydney Sweeney. Certains internautes ont accusé American Eagle de promouvoir l’eugénisme et des idéaux de suprématie blanche, tandis que d’autres l’ont au contraire saluée pour ce qu’ils considèrent comme une réaffirmation des valeurs traditionnelles. L'éditeur de logiciels américain Salesforce a glissé franchement (-4,85% à 244,01 dollars), malgré des résultats conformes aux attentes du marché. Les investisseurs ont surtout été déçus par les prévisions du groupe. Nasdaq © Agence France-Presse -
La Bourse Wall Street clôture en hausse, stimulée par l’emploi américain et l’espoir d’une Fed plus accommodante
Washington - La Bourse de New York a terminé en hausse jeudi, portée par les chiffres de l’emploi privé aux Etats-Unis, qui ont renforcé les anticipations d’un assouplissement monétaire de la banque centrale américaine (Fed). Le Dow Jones a pris 0,77% et l’indice Nasdaq a gagné 0,98%. L’indice élargi S&P 500 a quant à lui avancé de 0,83%, établissant un nouveau record en clôture à 6.502,08 points. Nasdaq © Agence France-Presse -
Médicaments non utilisés : jusqu'à 1,7 milliard d'euros gaspillés chaque année selon la Cour des comptes
Paris - Les médicaments prescrits en ville mais non consommés représentent chaque année en France entre 561 millions et 1,7 milliard d’euros, selon une évaluation de la Cour des comptes publiée jeudi qui appelle à identifier les produits les plus jetés et les raisons de ce gaspillage. A ce jour, «les modalités de collecte et de traitement des médicaments non utilisés ne permettent pas de connaître de manière précise les montants et la nature des dépenses de médicaments qui auraient pu être évités», souligne la Cour des comptes. Son évaluation des coûts a été réalisée à partir des quantités de médicaments non utilisés collectées par l’organisme Cyclamed chargé de leur récupération. La facture atteint jusqu’à 1,7 milliard d’euros si le calcul prend en compte tous les médicaments mais elle tombe autour de 561 à 788 millions d’euros si les plus coûteux en sont exclus, détaille la Cour des comptes. Le volume de médicaments jetés et collectés par Cyclamed représentait 8.503 tonnes en 2023. Le potentiel de réduction de ces déchets peut être évalué entre 224 millions à 867 millions d’euros, selon l’enquête conduite par la Cour des comptes. Il est «indispensable que les pouvoirs publics améliorent leur connaissance de l’usage des produits de santé, prescrits, dispensés et remboursés, et comprennent pourquoi certains d’entre eux ne sont pas utilisés», écrit l’instance de surveillance des finances publiques. Elle préconise de s’appuyer sur l’expertise de Cyclamed pour quantifier les médicaments non utilisés, évaluer la proportion des médicaments périmés, identifier les produits les plus gaspillés et en déterminer les raisons afin de «susciter des mesures de prévention». La redistribution des médicaments non utilisés pourrait être, selon elle, «une mesure prometteuse», en particulier pour les médicaments coûteux ou très prescrits. De même, certains dispositifs médicaux (béquilles, fauteuils roulants, déambulateurs etc..) pourraient être réutilisés, remis en état ou recyclés pour récupérer au moins leurs composants, préconise le rapport. Parmi ses autres recommandations pour un meilleur usage des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux), la Cour des comptes propose d’inciter les industriels à adapter les conditionnements et les délais de péremption. Les produits de santé ont représenté un coût de 36,05 milliards d’euros pour l’assurance maladie en 2023, dont 25,26 milliards au titre des médicaments et 10,79 milliards au titre des dispositifs médicaux. Le gouvernement vise une réduction des dépenses de santé de l’ordre de cinq milliards d’euros l’an prochain. © Agence France-Presse