
Credit Suisse cherche à amadouer ses créanciers

Pour Credit Suisse, l’objectif est désormais de retrouver la confiance des marchés et de ses clients. Ses ratios de capital et de liquidités solides, soulignés par sa direction et les analystes, ne suffisent plus. «Il y a un paradoxe car la banque affiche de très bons fondamentaux rendant impossible une résolution à court terme mais il y a un problème évident de confiance», assure David Benamou, président et gérant chez Axiom AI.
Credit Suisse a indiqué dans la nuit de mercredi à jeudi qu’il entendait exercer une option pour emprunter jusqu'à 50 milliards de francs suisses à la Banque nationale suisse (BNS), annonce que cette dernière a confirmé jeudi, afin de retrouver cette confiance. Elle a par ailleurs proposé de racheter plusieurs tranches d’obligations seniors opco (operational company) pour un montant global d’environ 3 milliards de francs suisses. «Il s’agit d’une bonne décision car dans les moments de stress comme celui que traverse la banque il faut se montrer très réactif sur le passif pour resserrer rapidement les courbes de crédit», indique David Benamou.
Mercredi, les obligations du groupe ont brutalement chuté à des niveaux de détresse (plus de 1.000 points de base de spreads) certaines atteignant même une prime de risque de 2.000 pb. Les 14 obligations concernées par l’offre de rachat qui expirera le 22 mars ont vu leur cours rebondir parfois de plus de 10 points de pourcentage. Credit Suisse propose de racheter dix titres en dollars pour 2,5 milliards de dollars et quatre en euros pour 500 millions d’euros seniors et émis par l’une des entités opérationnelles du groupe. «Dixit Joshi, le directeur financier de Credit Suisse, a déjà réalisé ce type d’opérations lorsqu’il était chez Deutsche Bank quand cette dernière était aussi en difficulté, ce qui avait permis de stabiliser la situation», rappelle David Benamou.
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«La banque propose de racheter les obligations senior opco qui bénéficient d’un coussin de protection extrêmement élevé», explique Simon Outin, analyste crédit et gérant spécialisé dans le secteur bancaire européen chez Allianz GI. La dette opco est en effet senior par rapport à la dette holdco (holding company) et bénéficiait d’une protection d’environ 60 milliards de francs suisses (dette holdco), de 15 milliards pour la dette additional tier 1 (AT1) et de 35 milliards de fonds propres, à fin 2022. «Dans la réglementation suisse, le premier niveau de dette touchée concerne les AT1 dans le scénario de ‘recovery’ qui est l’étape avant la résolution lors de laquelle la dette senior holdco peut absorber les pertes», poursuit le gérant d’Allianz GI.
Chute des CDS
Les baisses des obligations ont été proportionnelles à leur rang de seniorité. Les credit default swaps (CDS) de la banque se sont fortement écartés mercredi également dépassant 1.000 pb dans certains cas. Jeudi, les CDS des entités opérationnelles, Credit Suisse AG ou Credit Suisse USA par exemple, portant donc les dettes opco, se resserraient, tandis que le CDS de la holding (dette holdco) continuaient s’écarter, avec une courbe inversée témoignant des craintes à court terme du marché. En fin de journée, l’ensemble des CDS était de nouveau en hausse.
Malgré les annonces de la banque, les investisseurs ne semblaient donc pas rassurés. Hormis les obligations concernées par les rachats, le marché de la dette continuait de corriger avec des spreads restant en zone distressed. Le problème est que le rachat d’obligations et la ligne de liquidité de la BNS semblent sous-calibrées. «Nous estimons que le soutien de la BNS n’est pas suffisant et pensons que la situation de Credit Suisse est surtout liée aux problèmes de confiance persistants du marché avec sa stratégie en banque d’investissement et l'érosion continue de la marque», ont souligné ce jeudi les analystes de JPMorgan dans une note. Un rachat des dettes holdco, qui inquiètent davantage les investisseurs, aurait aussi été plus apprécié par le marché. Avec le rachat des 14 obligations, Credit Suisse fait une économie de 70 millions de dollars, selon Bloomberg, en rachetant à bas prix, mais elle ne parvient pas à soutenir les cours. Un gain minime compte tenu de la tempête.
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