Brexit : l’UE entérine l’accord commercial tout en affichant sa défiance

Clément Solal, à Bruxelles

A 660 voix pour, 5 contre et 32 abstentions, le Parlement européen (PE) a approuvé mardi soir l’accord de coopération et de commerce conclu in extremis fin décembre 2020, entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni. Le vote constituait l’ultime étape garantissant l’entrée en vigueur définitive de l’accord, qui s’appliquait déjà de manière provisoire depuis le 1er janvier. Les eurodéputés ont toutefois été très nombreux à exprimer leurs inquiétudes sur sa mise en application et leur défiance vis-à-vis du gouvernement britannique, qu’ils ont sommé, au sein de leur résolution commune, d’ «agir de bonne foi et [d’] appliquer pleinement et sans délai les termes des accords qu’il a signés».

«Nous voterons en faveur de l’accord post-Brexit mais nous sommes inquiets de sa mise en œuvre car nous n’avons aucune confiance dans le gouvernement de Boris Johnson», a ainsi déclaré, en amont du vote, le chef de file du groupe PPE Manfred Weber. Résumant le sentiment général, l’Allemand a en outre appelé la Commission européenne (CE) à «utiliser tous les outils disponibles pour assurer l’application de l’accord de commerce et afin d’éviter davantage de violences en Irlande du Nord».

Le non-respect du protocole nord-irlandais par le gouvernement britannique est bien la première source de cette défiance. Signé fin 2019, celui-ci prévoit que l’Irlande du Nord reste dans l’union douanière afin d’éviter le retour d’une frontière dure entre les deux Irlandes. Alors que l’UE a engagé deux procédures contre la décision de Londres de reporter unilatéralement les contrôles douaniers prévus entre la province britannique et le reste du Royaume-Uni, le vice-président de la CE, Maroš Šefčovič, et le ministre britannique David Frost, ont engagé des discussions le 16 avril afin de déminer la situation. «L’atmosphère est plus constructive», a estimé la Présidente de la CE à propos de ces négociations, face aux eurodéputés.

Tensions potentielles sur les aides d’Etat

Autre sujet de tension majeur : la pêche. Là aussi, le Royaume-Uni se montre peu enclin à respecter ses engagements et à garantir un accès à sa zone de pêche exclusive aux navires européens. Seulement 22 bateaux sur 120 de Boulogne-sur-Mer (premier port de pêche français), ont pour l’heure reçu la licence qui doit les autoriser à accéder à ces eaux. Un sujet sur lequel Paris est mobilisé aux côtés de La Haye : «Le Royaume-Uni attend de notre part un certain nombre d’autorisations sur les services financiers. Nous n’en donnerons aucune tant que nous n’aurons pas les garanties que sur la pêche et d’autres sujets», a prévenu mardi Clément Beaune. Londres garde en travers de la gorge l’attitude peu conciliante de Bruxelles sur les services financiers. L’absence de disposition à ce sujet dans l’accord de Noël permet à la CE de déterminer unilatéralement l’accès direct au marché unique des institutions financières de la City, à travers des décisions d’équivalences qu’elle a décidé de distribuer au compte-goutte.

Les incertitudes ne se limitent toutefois pas aux secteurs exclus de l’accord, auxquels s’ajoutent la coopération en matière de politique étrangère et de défense. L’encadrement des aides d’état serait un autre sujet de tension potentielles dans les prochaines années, selon Elvire Fabry, de l’Institut Jacques Delors : «Un système de vigilance et de riposte rapide a été mis en place en cas de divergence mais ces divergences ne seront considérés comme répréhensibles que si un impact économique concret peut être prouvé. Il faudra attendre de voir la jurisprudence qui se développera car le Royaume-Uni pourrait être tenté de jouer avec cette zone grise», prévient la chercheuse.

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