
Les marchés français sont secoués par la dissolution

En décidant de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections législatives anticipées, Emmanuel Macron a envoyé les marchés français au tapis, mais aussi ceux des voisins européens. La Bourse de Paris a enregistré sa pire semaine depuis plus de deux ans tandis que le spread de la dette française par rapport au Bund allemand a brièvement franchi son point haut de 2017. A l’époque, en pleine campagne électorale, les marchés craignaient un Frexit en cas de victoire de Marine Le Pen. La dissolution a ouvert une période d’incertitude politique, les investisseurs s’interrogeant sur l’impact pour les finances publiques de la France, déjà dégradées, et la croissance, d’une arrivée au gouvernement du Rassemblement national ou du nouveau Front populaire.
En une semaine, l’indice CAC 40 a perdu 6,3%, accélérant son repli vendredi (-2,7%), à la veille du week-end, alors que les différents partis doivent dévoiler leurs listes de candidats et que les programmes économiques devraient continuer d’être présentés en début de semaine prochaine. Celui du Rassemblement national est particulièrement attendu. Les valeurs bancaires restent les principales perdantes de la séquence. L’action Société Générale a perdu 14,9% sur la semaine, BNP Paribas 12% et Crédit Agricole SA 10,9%. Les opérateurs de concessions ont également dévissé sous la menace du projet de renationalisation des autoroutes françaises figurant dans le programme de 2022 du RN. Vinci a chuté de 11,4% et, hors CAC 40, Eiffage de 14,7%. Les secteurs des utilities mais aussi de la défense (qui a beaucoup progressé ces derniers mois) faisaient également les frais des prises de bénéfices. Hors CAC 40, le secteur télévisuel a également été chahuté par la perspective d’une privatisation de France Télévisions. Les titres de TF1 et M6 ont dégringolé de 17% et 12% respectivement.
L’indice phare de la Bourse de Paris a bouclé sa pire semaine depuis mars 2022. Entre le 28 février et le 4 mars 2022, il s’était effondré de 10%. «Le mouvement de marché n’est pas anodin, a souligné Raphaël Thuin, directeur des stratégies de marchés de capitaux chez Tikehau Capital. La place de Paris a non seulement sous-performé les indices européens mais elle a aussi effacé ses gains depuis le début de l’année.» L’indice Euro Stoxx 50 a reculé aussi nettement mais de 5,1% sur la semaine. Depuis le début de l’année le CAC 40 recule de 0,6% mais l’Euro Stoxx 50 gagne encore 7%. La situation française s’est diffusée à l’Italie où l’indice FTSE Mib 30 a dégringolé de 7,6% sur la semaine. Par ailleurs, les actions européennes n’avaient pas sous-performé d’autant les actions américaines depuis la crise bancaire de mars 2023.
A Wall Street, l’indice S&P 500 a progressé de 1,6% sur la semaine et gagne désormais 13,9% depuis le début de l’année. Pour le gérant, cette séquence marque le retour du risque politique qui devrait se prolonger avec l’élection américaine, pour laquelle se poseront les mêmes questions autour des finances publiques.
Les taux s’écartent
Cette dégringolade illustre l’inquiétude des investisseurs de voir arriver au pouvoir des forces susceptibles de creuser le déficit public et de détériorer les perspectives de croissance du pays. Outre le Rassemblement national, qui apparaît en position de force avant les législatives du 30 juin prochain, le nouveau Front Populaire, constitué de la plupart des partis de gauche, arrive en deuxième position des intentions de votes selon les derniers sondages, devant le parti du président.
Dans ce contexte, le taux de l’obligation souveraine française à 10 ans a bondi de 20 points de base en début de semaine avant de se détendre, mais l’écart avec le rendement allemand (Bund), la référence pour les marchés, a continué à s’écarter. Les taux allemands se détendaient davantage, dans le sillage des taux américains après des données favorables d’inflation aux Etats-Unis mais aussi d’un mouvement de fuite vers la qualité. Or le plus important pour les investisseurs est l'écart entre les taux français et allemands (la référence dans la zone euro), le spread.
Après avoir déjà atteint un sommet depuis 2017 jeudi à 69 pb, celui-ci a brièvement dépassé 80 pb vendredi, dans le sillage de l’annonce par les partis de gauche de leur programme économique contenant une nette augmentation des dépenses (abrogation des réformes de retraite et du chômage, hausse du Smic…) et terminait la semaine à 76 pb. Le spread de la France est désormais supérieur à celui du Portugal (même si la dette de ce dernier est très peu liquide donc les prix sont biaisés par l’effet de rareté). Ces secousses et l’incertitude politique provoquée par l'élection française se sont répercutées sur la dette italienne, le spread avec l’Allemagne progressant à 157 pb (+23 pb).
La question désormais est de savoir jusqu’où le spread peut aller alors que la volatilité semblait s’exacerber au cours des dernières séances, la plupart des observateurs ayant revu leur pari d’un événement bénin à moyen terme. Certains mouvements ressemblaient à de la panique. La liquidité étant devenue très faible sur le marché des OAT, pour l’heure, le positionnement du marché s’exprimait surtout par la constitution de couvertures sur les futures sur OAT. Mais cette faible liquidité risque aussi d’exacerber la baisse en cas de ventes massives de la part de gros investisseurs, notamment étrangers. Le CDS (credit default swap) de la France a bondi de 23 pb à 38 pb sur la semaine, revenant à son niveau de la période Covid en 2020 et au niveau du CDS de l’Espagne. En 2017, il était toutefois plus haut à environ 60 pb.
Pour les marchés l’horizon suivant après 2017 en termes de spreads est la crise de la zone euro, où celui-ci avait dépassé 180 pb. La période est toutefois différente car la dette publique a certes considérablement augmenté mais la BCE dispose désormais de mécanismes de protection. Même si pour qu’ils soient activés, des conditions, bugétaires principalement, doivent être respectées. «Si le Rassemblement national était en mesure de former un gouvernement après les prochaines élections, nous pensons qu’un écart de 100 pb deviendrait la nouvelle norme», affirme Hubert de Barochez, économiste de marché senior chez Capital Economics. Le spread s’approcherait donc de ses plus hauts de fin 2011 et de ceux de l’Italie. Mais le niveau du spread, qui pourrait grimper au-delà, dépendra surtout de la volonté du futur gouvernement de se plier aux règles budgétaires européennes ou d’aller à la confrontation, avec le risque d’un dérapage si le marché n’a pas de réponse claire rapidement.
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