A la recherche des entreprises en danger

La mobilisation des acteurs est lancée pour informer et aider les dirigeants avant que la dégradation de la situation financière ne devienne irréversible.
Frédérique Garrouste

Sauver les TPE et PME en train de s’enliser en raison de la crise. Les pouvoirs publics lancent un chantier d’urgence et les statistiques récentes sur les défaillances confirment qu’il faut agir : le nombre de procédures est à la baisse grâce aux aides exceptionnelles de crise mais la proportion de liquidations judiciaires augmente parmi les défaillances (voir le graphique). D’où la mission confiée en début de mois par la chancellerie à Georges Richelme, président de la conférence générale des juges consulaires de France.

« La mission sur la prévention des difficultés des entreprises va notamment permettre d’établir un diagnostic sur les dispositifs développés par les acteurs non judiciaires afin d’optimiser l’articulation avec les juridictions, un des objectifs majeurs étant de les faire intervenir le plus en amont possible, puis nous formulerons des recommandations », indique Yannick Ollivier, vice-président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et membre de la mission présidée par Georges Richelme.

Certes, le sujet n’est pas nouveau. « La détection, le plus en amont possible, des difficultés et l’utilisation des outils de prévention représentent un combat de toujours, sachant qu’un chef d’entreprise a tendance, heureusement, à rester optimiste, mais aussi à avoir une réticence psychologique à s’adresser aux mandataires de justice et aux tribunaux, estime Guillaume Cornu, associé, stratégie et transactions, d’EY. L’ordonnance du 20 mai dernier facilitant la possibilité de reprise de l’entreprise en défaillance par son dirigeant pourrait ouvrir de nouvelles possibilités et pousser ce dernier à agir plus tôt. Mais c’est l’information et la pédagogie des chefs d’entreprise qui restent primordiales. »

Alerter et communiquer

La coordination de multiples acteurs – avocats, CIP (centres d’informations sur la prévention des difficultés des entreprises), bailleurs fiscaux et sociaux… – sera au cœur de l’enjeu, et le dispositif des correspondants TPE mis en place en 2016 par la Banque de France pourrait jouer en ce sens. « La Banque de France table sur 12.000 saisines de ses correspondants TPE en 2020, elles portent surtout sur des questions autour de la cotation de l’entreprise ou de financement. Si le problème nous semble plus grave ou touche à la viabilité de l’entreprise, nous orientons le dirigeant vers un tribunal de commerce, avec les coordonnées précises d’une personne à contacter, explique Alain Gerbier, directeur des entreprises à la Banque de France. En 2019 et début 2020, le taux de ces renvois se situait à près de 5 %, donc une proportion limitée car la situation économique était favorable. Nous renouvellerons la communication sur ce thème. » En outre, la Banque de France mène une action d’éducation sur son site mesquestionsdentrepreneur.fr.

Les commissaires aux comptes sont en première ligne aussi, leur mission étant d’alerter le dirigeant en cas de problème pour la continuité de l’activité puis, si l’amélioration est insuffisante, d’informer le tribunal de commerce. Deux ordonnances de mars et mai derniers permettent d’accélérer ce processus dans le cadre de la crise.

Mais la réforme de la loi Pacte qui a relevé le seuil pour l’obligation d’avoir un CAC réduirait la portée de ces mesures. « En pratique, quand elles n’ont pas de commissaire aux comptes, certaines entreprises peuvent alerter trop tard le tribunal de commerce, affirme Jean-Charles Boucher, associé de RSM. Aujourd’hui, les tribunaux de commerce constatent que les demandes reçues portent sur des liquidations sèches et pas de redressement, ni de sauvegarde. Il est donc nécessaire que les chefs d’entreprise anticipent les choses. »

La réforme de la profession est prise à contrepied. « Avant la crise, nous avions alerté les pouvoirs publics sur le risque d’une trop faible présence des CAC dans le tissu économique local, sachant qu’avant les effets de la loi Pacte, on dénombrait 180.000 mandats dans les entreprises privées (pour un peu moins de 3 millions recensées en France). Nous n’avons pas été entendus et le sujet prend toute son ampleur dans un contexte post-Covid … », souligne Yannick Ollivier. La profession réfléchit au rôle des CAC à développer en prévention et diagnostic...

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